Originaire de Norvège, la très jolie et talentueuse
chanteuse folk Thea Hjelmeland revient sur son parcours fait de voyages,
d’exils et bien sûr de musiques…
Comment as-tu commencé la musique ?
Thea Hjelmeland : Mes parents sont musiciens. Bien que
la musique ne soit pas leur métier, on a toujours eu beaucoup d’instruments à
la maison. J’avais beaucoup de cassettes, j’écoutais beaucoup de musiques.
Depuis que je suis petite, j’ai toujours beaucoup chanté. Je pense que la musique
m’est venue assez naturellement. J’ai commencé le piano vers 6 ou 7 ans. Et
avant ça, quand j’écoutais une chanson, j’écrivais de nouvelles paroles.
C’était un hobby sympa (rires) ! Après ça j’ai joué de la batterie pendant
cinq ou six ans et j’ai commencé la guitare à 13 ans. C’est à ce moment là que
j’ai commencé à écrire des chansons. J’ai appris toutes les chansons des
artistes que j’aimais. Je jouais des heures par jour… J’ai intégré une école de
musique vers 16 ans. Depuis j’ai toujours été impliquée dans la musique.
C’est vrai que tu as écrit ton premier morceau à trois
ans ?
TH : En fait je ne savais pas écrire à cet age là. J’ai
retrouvé une vieille cassette que ma mère avait enregistrée sur laquelle on
l’entend dire : « S’il te plaît Thea, chante la chanson que tu viens
de trouver ». J’avais à peu près trois ans, je pense. Pour être honnête,
c’était un peu nul. Mais depuis cet age, j’aime faire de la musique. J’étais
dans une chorale, j’essayais d’écrire mes propres chansons. Mais bon ces titres
là, je ne les joue pas en live (rires)…
Tu joues beaucoup d’instruments différents et tu enregistres beaucoup toute seule. Est-ce que tu peux m’expliquer ta méthode de
travail ?
TH : Je joue de beaucoup d’instruments, c’est vrai mais
pour moi les chansons et les paroles, c’est ce qu’il y a de plus important.
J’ai un home studio et comme je joue de beaucoup de choses, je suis capable de
m’enregistrer avec un seul instrument. Quand on travaillé sur l’album, j’avais
beaucoup de titres accumulés depuis des années. Avec les producteurs on s’est
concentré sur que je faisais toute seule. Moi et un seul instrument. Après on a
construit autour de cette base. On a parfois rajouté d’autres musiciens. Mais
si je suis multi instrumentiste, c’est par ce que je suis curieuse, je
recherche les sons. Ma façon de jouer n’est pas traditionnelle, je ne joue pas
du banjo comme les musiciens country. Je joue de tout comme une guitare, avec
des accords.
C’est amusant par ce que j’ai trouvé en écoutant ton disque
que tout ces instruments à cordes, mandolin, banjo, ukulele, guitare, donnaient
à l’album une couleur country…
TH : Oui mais je fais avec le son des instruments. Le
son des instruments à cordes m’attire beaucoup. C’est très folk.
Est-ce que tu peux nous parler de ta ville natale,
Forde ?
TH : C’est une petite ville d’environ 10 000
habitants. J’y ai grandi jusqu’à l’age de quinze ans. C’est un endroit
magnifique à l’intérieur d’un grand fjord. C’est situé entre deux grandes
montagnes, un peu comme une vallée. Il y a énormément de nature. Mais en même
temps, c’est une de ces villes que tu traverses en voiture, en allant vers deux
plus grandes cités. Il y a aussi beaucoup de voitures, de centres commerciaux.
C’est un mélange étrange. Je suis heureuse de pouvoir passer du temps à Paris.
Ma ville natale, c’est tout petit, très local, au milieu de la nature. Et après
je viens à Paris qui est très urbaine.
Tu es plus anonyme à Paris ?
TH : Oui, absolument.
Pourquoi tu éprouves le besoin de voyager ?
TH : J’ai toujours beaucoup voyagé. Mes parents
voyageaient. Ils nous emmenaient, mes frères et sœurs, avec eux. Après l’école,
j’ai passé six mois à Cuba, juste pour être ailleurs, voir quelque chose de
différent. J’étais dans des groupes à l’époque et j’en avais marre du business
de la musique. Il fallait que je me trouve. Cuba a tout empiré, j’étais encore
plus confuse après. C’était la première fois que je voyais mon pays et la
culture occidentale depuis l’extérieur. Cuba est très pauvre mais il y a
tellement de musiques et de culture là-bas. J’y ai trouvé une nouvelle énergie
musicale. A Cuba, tu claques des doigts et les gens commencent à danser !
C’est vraiment excitant ! Après ça, j’ai rencontré un groupe parisien et
ils m’ont emmené ici. Je les ai rencontré à un festival folk dans ma ville.
J’ai passé des moments très sympas avec eux. Ils m’ont invité à venir jouer
ici. J’ai rencontré des nouveaux gens, je suis restée.
Penses-tu que les voyages ont influencé ta musique ?
TH : Je suis curieuse, j’aime explorer. Je voyage seule
ou avec des amis. Je rencontre de nouveaux gens, de nouvelles histoires.
J’observe. Tout ça se reflète dans ma musique, dans mes paroles. Cet album,
c’est comme une compilation des dix dernières années de ma vie. Alors oui, je
pense que les voyages se sentent dans ma musique, absolument.
Tu as eu de nombreuses expériences très variées dans la
musique, rock, jazz, folk et même hip hop…
TH : Oui, j’ai fait deux albums avec un artiste hip
hop. Je faisais les chœurs. C’est le plus gros rappeur de Norvège. C’était un
projet sympa.
Est-ce que cela a changé quelque chose dans ta
musique ?
TH : En fait, ces albums de rap, je les ai fait après
mon propre album. Le hip hop, c’était un vrai challenge pour moi. Je chantais
en norvégien, quelque chose que je n’aurais jamais osé autrement.
Pourquoi chantes-tu en anglais ?
TH : En France, vous avez la culture de l’écriture et
du chant en français. Il y a une tradition de la chanson française. En Norvège,
pendant des années, toute la culture populaire était en anglais. On apprend
l’anglais très tôt, dès le CP vers 6 ans. Et les films ne sont pas doublés,
tout est sous-titré. Tu entends de l’anglais tout le temps. J’écris beaucoup de
chansons en norvégien mais je n’arrive pas à les chanter.
Par timidité ?
TH : Peut-être. C’est tellement honnête, je ne me sens
pas prête. Dans une autre langue, j’arrive à jouer avec les sons. Quand
j’écris, au départ, je pose des mots qui ensuite deviennent des paroles. En
anglais, c’est un peu une façon de cacher la vérité. Je peux être très honnête
et faire des métaphores en même temps. Avec le rappeur, c’était ok pour moi de
chanter en norvégien par ce que c’était les paroles de quelqu’un d’autre. Mais
cela m’a donné l’envie d’écrire plus en norvégien. On verra…
Quelques mots sur ta chanson « Candyman » ?
Lutter c’est important pour toi…
TH : Cette chanson parle de dix dernières années où on
déménageait tout le temps. A un moment donné, j’avais l’impression de vivre
dans une valise. Tu sais, pendant dix ans, je n’ai pas eu d’endroit à moi.
C’était une année ici, une année là… J’ai passé des mois à dormir sur les
canapés des copains. J’ai été très nomade pendant dix ans. La chanson parle du
fait que, normalement, les gens voyagent pour se sentir libres, ce qui n’était
pas mon cas. Voyager, ça fait partie de mon boulot mais c’est aussi une
échappatoire. J’ai du mal à rester en place, il faut que je bouge. La chanson
parle de moi, c’est aussi une plaisanterie sur moi. Peut-être que je lutte avec
l’idée de rester en place ? Alors peut-être que j’aime bien lutter. Je
blaguais en chantant : « all i want is to struggle » (tout ce
que je désire c’est lutter, ndlr).
Tu aimes Paris ?
TH : C’est marrant par ce qu’en Norvège, tout le monde
me dit : « Paris, c’est tellement beau, tellement romantique »…
Mais bon, tu sais, il y a une différence entre rester pour un long week-end et
vivre quelque part. Paris, c’est magnifique, c’est vrai. Et il y a tellement de
culture, tellement de gens d’horizons différents. Et tellement d’opportunités
pour les concerts. D’habitude, je reste quelques semaines puis je rentre en
Norvège ou bien alors je pars en tournée. Donc j’ai l’opportunité de voir le
côté romantique mais tout le reste aussi. Mon français est bien meilleur
maintenant. Je comprends mieux ce que les gens disent, votre politique ou
contre quoi les gens doivent lutter. C’est intéressant de voir la vie de tous
les jours.
Tu connaissais un peu la scène française avant de
déménager ?
TH : Je connaissais Edith Piaf. Justice était vraiment
énorme en Norvège, ils passaient tout le temps à la radio. Daft Punk également,
David Guetta. La musique française n’est pas tellement diffusée en Norvège. Le
nom Serge Gainsbourg m’était familier mais je ne l’avais jamais écouté. Mais la
Norvège c’est tellement petit tu sais. Il faut bouger si tu veux survivre…
Propos recueillis le 16 avril 2012.
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