
Le flyer promet un « concert exceptionnel » en compagnie de « la légende vivant de New Orleans ». Le propos est élogieux, mais c’est amplement mérité. Allen Toussaint, c’est du lourd. Un pianiste virtuose pour commencer que l’on a pu entendre récemment en compagnie de James Hunter (voir mes messages des 20 septembre et 19 octobre) ou d’Elvis Costello pour le superbe album « River in Reverse » (on peut également le voir jouer dans les vidéos illustrant mon post sur Earl Palmer). En tant que songwriter et producteur, Toussaint a travaillé avec le gratin musical de sa New Orleans natale (et Dieu sait si la Crescent City est riche en la matière) : Dr John, The Meters… Son travail lui a également ouvert des portes vers des artistes plus « mainstream », les Rolling Stones notamment. Hélas, comme artiste solo, Allen Toussaint est assez peu connu et a peu d’albums à son actif. Enfin si le concert est « exceptionnel » c’est aussi parce que c’est le premier depuis 15 ans sur une scène française. Pour moi, c’est l’occasion de le voir en vrai. Et coïncidence calendaire qui n’a rien à voir avec la musique, son retour a lieu quelques jours à peine avant les fêtes de la Toussaint !!!!
Aussi cela m’a fait beaucoup de peine de voir la salle aussi peu remplie. L’Elysée-Montmartre, deux ans que je n’était pas revenu, j’y retourne comme on retrouve un vieil ami, c’est une petite salle au plafond décoré de modénatures en principe on y est debout, le bar se trouve au fond. Mais le concert étant loin d’être complet on a réduit la capacité de moitié grâce à des rideaux. Et on a même eu droit à une distribution de chaises de jardin en plastique. Un concert assis à l’Elysée-Montmartre, je n’avais jamais connu cela avant.
Impeccablement costumé et cravaté, Allen fait son entrée en scène en compagnie de son groupe : batterie, percussions, guitare, basse, saxophone et la star de la soirée au piano et au chant qui précise que son groupe est à 100 % originaire de la Nouvelle-Orléans. Le reste appartient à la fois du miracle et de la téléportation. Ce n’est rien, et d’une platitude sans nom, de dire que ce fût une soirée magique à graver dans les mémoires. De la soul voir du funk, du jazz et toujours ce son reconnaissable entre mille. Comme de coutume, chaque musicien y va de son petit solo et le duel batterie vs. percussions fut particulièrement tendu et impressionnant. Alors que le show touche à sa fin, Allen s’adresse à l’assistance : « Etes-vous déjà allés à la Nouvelle-Orléans ? Vous avez déjà fait mardi-gras ? Non, alors on a décidé de vous apporter un peu de mardi-gras ! ». Et Allen de se lancer dans une distribution de cadeaux « made in New Orleans » à la fosse : tee-shirts, masques de carnaval, CDs… Le public ne prête plus attention qui continuent à faire le bœuf et pourtant ça joue grave… Et voilà comment on délocalise l’Elysée-Montmartre et le boulevard de Rochechouart en plein Bourbon Street…
Allen Toussaint piano solo
Allen Toussaint : Southern nights










La suite des événements, c’est le soul man britannique James Hunter qui nous la raconte. James Hunter, j’ai toujours, à tort, tendance à le considérer comme la révélation de l’année alors qu’il a déjà plus de dix ans de carrière en solo derrière lui. Mais bon il n’est jamais trop tard pour un coup de cœur. Car si l’album m’avait emballé, le concert ne fait que renforcer l’attrait exercé par le personnage. Sur scène l’homme est réellement sympathique et le plaisir de jouer et l’amour de la musique est contagieux. L’orgue tombe en panne. Aucun problème James prend la chose avec humour et simule aussitôt une panne de micro, provoquant l’hilarité générale. Puis glisse un discret « Damian » et ce le saxo, Damian Hand, qui assure le solo en remplacement de l’orgue en souffrance. Quels pros quand même. Carwyn Ellis l’organiste en galère, se rabat alors sur le piano et une nouvelle pique de James : « Mesdames et Messieurs, je vous présente Liberace ! ». Il fait très chaud dans la salle et Hunter tombe la veste : « Le pantalon vient ensuite ! », non, s’il te plaît James, restons potes… Enfin, avec un sens de l’humour pareil on ne peut pas s’ennuyer. Mais James est également un grand showman, le solo de guitare, joué sur une jambe avec petite chorégraphie à la clef, un autre solo joué avec la guitare posée par terre avant de brandir cette dernière en direction du public. Mais tout cela serait vain, si derrière la musique n’assurait pas. Citons le reste de la troupe en hommage, le contrebassiste Jason Wilson, le batteur Jonathan Lee, les saxophonistes Lee Badau et Damian Hand, le pianiste Carwyn Ellis et enfin James Hunter à la guitare et à la voix. A l’écoute de ce concert et l’énergie contagieuse qui en a découlé il m’apparaît de plus en plus clair qu’Hunter est le lien manquant (et fantasmé) entre rock n’roll, soul et rhythm n’blues, et ce grâce à son talent de guitariste. Malheureusement tout, y compris les bonnes choses ont une fin, et le temps des rappels est déjà arrivé. Le temps pour Hunter d’une dernière facétie puisqu’il jouera ce dernier grimaçant tout ce qu’il peut et affublé de fausses dents à la Frankenstein. Sacré farceur, va !!!!





