dimanche 1 juin 2008

Silent


Silent, le « duo aphone », retrouve la voix le temps de répondre à quelques questions. Les traits sont tirés :

Frank (machines) : On a répété hier soir jusqu’à plus de dix heures et demi dans notre appart…
Nico (batterie) : On habite ensemble le même appart
Frank : Ouais la piaule plutôt : 8 mètres carrés

Vos voisins n’ont rien dit ?
Frank :
Non, on a répété en formation tout électro (sans batterie avec uniquement des claviers)
Nico : On a de toutes petites enceintes
Frank : Ca ne fait pas tellement de bruit… (Bâillements) Quand on rentre je me mets sur « Wendy »…

C’est qui Wendy ?
Frank (confus) : Non, non, c’est une chanson…
Nico : Ca peut prêter à confusion.

Comment vous êtes vous rencontrés ? Dans les années 90, la grande mode c’était de trouver l’autre moitié du binôme chez un disquaire ? Est-ce que vous vous êtes rencontrés dans une boutique de disques ?
Frank :
On n’a pas commencé comme un duo électro, on était dans un autre groupe à l’époque qui s’appelait RAN. Un groupe rock vraiment rock, rock, rock…
Nico : Un groupe indus.
Frank : J’ai rencontré Nico par le biais de Julien qui était le guitariste.
Nico : Je venais de rencontrer Julien, on commençait et on cherchait un chanteur.
Frank : Ils m’ont appelé et au fur et à mesure on a intégré des machines, de l’électro dans le son de Ran. On a sorti deux EPs et un album, sans vraiment percer et ça a un peu cafouillé sur la fin…
Nico : Ouais, c’est des histoires de groupe…
Frank : Et on s’est vite rejoint avec Nico sur Silent.
Nico : Et on a même joué Silent pendant un an et demi, deux ans pendant qu’on était avec RAN. On a même fait les premières parties de nous-mêmes. C’était ça nos premiers concerts avec Silent. On ouvrait quand on était en tournée avec Ran, on faisait un petit set avant…
Frank : Genre, 25 minutes.
Nico (nostalgique) : Et donc c’était… (silence). Il y a longtemps, quoi…
Frank : Une dizaine d’années.
Nico : Un peu plus même…
Frank (soupir) : Ca nous rajeunit pas… Je me rappelle j’avais 19 ans…

Quel a été le parcours du groupe jusqu’à l’album/coffret Listen ?
Frank :
Après RAN, j’étais sur Lyon, Nico sur Paris.
Nico : Il y a eu un moment de flottement, où vraiment ça allait tout doucement.
Frank : On composait chacun de notre côté…
Nico : On en discutait plus qu’on ne jouait. Et puis ça nous a piqué (il insiste) vraiment l’été dernier. Je sais pas, peut-être qu’on avait envie de jouer. Notre entourage nous a aussi pressé : « Il faut sortir quelque chose, c’est le moment, se bouger les fesses et tout ». En fait c’est venu naturellement.

Combien de temps a duré l’enregistrement ?
Frank : Pas longtemps. En fait on a enregistré au mois de Juillet l’année dernière. On a commencé a mixé mi Août. Après on a mis tout ça de côté pendant trois mois. Je suis rentré sur Besançon (leur ville d’origine, NDA) et on s’est remis à mixer mi-janvier. L’album est sorti en mars. Ca été assez vite.

Il y a quatre CD avec des ambiances assez différentes, est-ce qu’on peut considérer qu’il y a quatre périodes distinctes ?
Nico : Il y a quand même ça. Certains morceaux sont bien plus vieux que d’autres.
Frank : Par exemple Oneseq a été composé quand Ran existait encore en 2004, CAC 40 en 2005. Le dernier volet Inact en juillet dernier. On a décidé de sortir les quatre CD ensemble avec le packaging séparé. On ne pouvait pas se permettre, vu les ambiances différentes, de tout mettre sur le même disque.
Nico (il approuve) : Ca retraçait un peu tout.
Frank : Sortir les quatre ensemble retrace l’histoire de Silent. Et ça montre bien notre évolution.

Dans l’absolu, y a-t-il des chanteurs ou chanteuses avec qui vous aimeriez collaborer ?
Nico
: Qu’on aimerait enregistrer plutôt. Par la suite, on aimerait bien bosser avec du monde.
Frank : Intégrer des featuring.
Nico : Pas uniquement du chant. Un flow hip-hop…
Frank : Mais traité. Pas une voix naturelle.
Nico : De toute façon, on n’est pas dans le songwriting pur et dur.
Frank : Ca se fera en fonction des rencontres. Pamela Hute par exemple.

Vous parlez d’intégrer plus d’éléments « live », des instruments…
Nico
: Pas forcément sur scène, ça devient vite compliqué. Ou alors dans notre dans notre fief de Besançon…
Frank : Pour notre dernier concert, il y avait Etienne.
Nico : Le DJ qui a fait les scratches sur Poison.

Et en studio ?
Frank : C’est toujours intéressant de travailler avec d’autres personnes dans tous les cas.
Nico : C’est même prévu. On avait deux, trois idées : guitare, platine…
Frank : Même un bassiste. On est hyper ouvert pour collaborer avec plein de gens. C’est ce qui est intéressant dans ce métier. Et puis on n’est que deux. Il y a de l’espace pour accueillir d’autres artistes.

Pour en revenir à l’album, est-ce qu’il est difficile de trouver des titres pour des instrumentaux ?
Nico :
De les nommer ? Non.

Vous partez d’une émotion, d’un truc en particulier ?
Frank
: Souvent on part d’un sample de voix. Dans Poison, ce n’est pas très distinct, mais il y a une voix qui répète Poison tout le long du morceau. On ne cogite pas trop sur les titres.
Nico : C’est plus une affaire de couleur.

Pour en revenir aux titres, sur votre myspace, on peut lire « Silent ne dit rien », or il me semble que certains titres comme CAC 40 ou Politik sont évocateurs…
Frank
: C’est vrai, il y a un thème qui se tient tout le temps. Je pense que c’est un « arriéré de chanteur ».
Nico : C’est les restes de Ran. Qui n’était pas un groupe spécialement engagé mais…
Frank (il enchaîne) : …assez critique quand même.
Nico : Un peu fataliste. Forcément un peu influencé par beaucoup de choses qui ne vont pas bien.

Un peu amer ?
Nico
: Oui, voilà.
Frank : On avait d’ailleurs un titre qui s’appelait Amer dans Ran.
Nico : Du coup ça se ressemble, mais ça n’est pas la même démarche. C’est toujours cette histoire de « restes » mais on a quand même une démarche…
Frank (il enchaîne) : Une démarche moins « dénonciatrice » je dirais. C’était quand même un peu ça, fataliste.
Nico : Ran, c’était un constat.
Frank : Maintenant, le constat, on ne le fait plus par la voix. Juste par le biais de la musique, mais on essaye de garder des titres qui sont dans la même logique.
Nico : On n’y réfléchit pas vraiment, c’est en nous. Mais on a toujours envie de dire les choses, mais on n’a plus de chant. La démarche est plus musicale.
Frank : Si au bout de compte on n’a plus de chanteur « à texte » avec une pensée sur la société ou ce qu’on veut, c’est pour moins « scotcher » le public.

Pour laisser plus de place à l’interprétation ?
Frank
: Oui, pour que le public se laisse prendre par le son. Danser, tout simplement. Plutôt que de regarder un chanteur charismatique qui va clamer haut et fort « fait chier c’te chienne de vie ».
Nico : C’est ce que j’allais dire, on a une approche plus artistique, moins engagée, plus musicale.
Frank : T’es ici pour te faire plaisir, pas pour t’en reprendre une couche. Pas pour te prendre la tête, rentrer de ton concert en te disant : « effectivement, fais chier la vie ».

Frank, est-ce que tu penses qu’on peut tout jouer, tous les styles de musique, avec des machines ?
Frank
(pensif) : Au niveau du groove, oui. Même si ça reste forcément électro (il mime une guitare), on aura pas un son de guitare funk, ou une grosse basse, ou une distorsion.
Nico : Après, tout dépend de ce que tu appelles les « machines ». Nous, on sample et à partir de là, on a de la guitare, du piano, du violon, du violoncelle…
Frank : Je pense que plus on avance, plus on a quitté nos samples. Si tu passes de CAC 40 à Noise, Inact on a quitté tout ces samples de machines… Je pense qu’on peut tout faire. On fait ce qu’on veut en fait.

En parlant de samples, vous avez une collection de disques de dingues, non ?
Nico
(rêveur) : Ouais…
Frank : Non, on sample la télé.
Nico : Et les films.
Frank (il insiste) : Beaucoup de samples de films. Et merci beaucoup à Akaï d’avoir créer les CD de samples. Il existe beaucoup de CD pour sampler une seule note, de basse par exemple, et tu en fais ce que tu veux après. Ou des boucles un peu bizarres que tu peux reprendre et retravailler derrière. (pensif) Moi, c’est ce que je trouve vraiment magique dans les machines, tu peux vraiment faire tout ce que tu veux.
Nico : Les bandes son sont infinies. A chaque fois que tu rachètes un clavier, t’as 12 000 presets déjà existant, modulables… Avant que quelqu’un te dises, celui-là, je le connais, il vient de tel clavier…
Frank : Ouais, c’est vrai.
Nico : C’est rare qu’on ai pris un son tel quel. Sans lui remettre un petite couche.
Frank : Dans l’ère du sample, tu vas forcément tomber sur quelqu’un qui a utilisé le même truc que toi.

Le premier CD sonne comme un musique de film, êtes-vous inspiré par le cinéma ? Vous avez des références particulières ?
Frank
: Je suis cinéphile à fond. Je crois que si on devait coller des images sur notre musique ça serait du David Lynch. Ca nous a marqué aussi bien Nico que moi.
Nico : A terme, on aimerait aboutir à de la vidéo sur scène. On aimerait collaborer sur des courts métrages.
Frank : Des clips…
Nico : Mais on n’a pas eu le temps de mettre ça en place. On pense avant tout à la musique, que ça tourne bien sur scène, que ça sonne. On ne s’est même pas encore pris la tête sur les lumières. Pour l’instant, on privilégie le son, l’attitude. On essaie de jouer, de partager le moment tel qu’il est sur scène. On n’a pas mis la charrue avant les bœufs, avoir un spectacle qui tue et puis la musique qui ne suit pas. Mais c’est encore une histoire de collaborations, on aimerait bien trouver les gens. Là, on n’a pas le temps, ça serait compliqué. Et puis on ne saurait pas faire nos propres clips non plus, il faudrait l’aide d’autres personnes.

Vous avez quelque chose à rajouter pour finir ?
Nico
: On espère bientôt jouer à Paris.
Frank : C’est cool de ta part de t’intéresser à ce qu’on fait. Ca fait plaisir.

Et un grand merci à Frank et Nico de m’avoir consacré un peu de leur temps (et de m’avoir payé un coup à boire !)

Propos recueillis le 20 mai 2008.
http://www.soundofsilent.com/

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