samedi 10 mars 2007

Dreamgirls de Bill Condon




Dreamgirls est un nouveau « biopic » (biography picture), genre de plus en plus à la mode à Hollywood et qui commence à faire des émules chez nous (cf. la môme d’Olivier Dahan). Après Ray Charles et Johnny Cash, c’est Diana Ross and the Supremes qui font maintenant l’objet d’un film ; différence de taille, cette fois, le film est librement inspiré des événements.

Donc le film est à grand spectacle, les acteurs ont de la voix et les personnages sont assez attachants. Jamie Foxx, le Berry Gordy de l’histoire, est un salopard, Eddie Murphy, dans son meilleur rôle depuis des lustres, est un hybride entre James Brown, Little Richard, Marvin Gaye et Sam Cooke. Le scénario narre l’ascension, la chute et la renaissance jusqu’au climax hollywoodien. Bref, Dreamgirls est suffisamment bien troussé pour donner l’impression de voyager dans le temps et faire passer une soirée agréable.

Passons maintenant aux sujets qui fâchent. Déjà la musique n’est pas terrible, tout juste passable. La B.O souffre d’un syndrome « Canada Dry » ça ressemble à la motown mais voilà ce n’est qu’une pâle imitation. On sent que la musique du film n’est pas aussi implicante pour les gens qui l’ont enregistrée (probablement des requins de studio) qu’elle ne l’était pour les artistes de l’époque. Écoutez n’importe quel best of de la motown, je vous assure que c’est autre chose que la soupe qui est servie tout au long du film. Ça manque de soul. C’est un peu à l’image de la déréliction qu’a connue la musique noire en passant du chitlin circuit (la soul) au dancefloor (la disco) perdant son âme au passage.

On l’a vu plus tôt, le film est librement inspiré par les événements. Heureusement car en devenant Deena (interprétée par Beyoncé), Diana a perdu la mémoire en cours de route. Les Supremes (rebaptisée The Dreamettes) se sont formées en 1957. Elles étaient, au début quatre puis trois, la maudite Florence Ballard (l’Effie du film), Mary Wilson, Betty McGlown (remplacée par Barbara Martin) et la megastar Diana Ross (de son vrai nom Diane Earle). Florence avait alors 14 ans. Florence a quitté les Supremes en 1967 avant de sombrer dans la déchéance, alcoolique et accro aux médicaments, mariée à un certain Thomas Chapman qui abuse d’elle. Florence est morte le 22 février 1976 à Détroit. Elle avait 32 ans. La réconciliation avec Deena/Diana, que l’on voit dans le film à grands coups de musique larmoyante, n’a jamais eu lieu. Pas plus que son come-back triomphal. Elle a bien enregistré un album, « You don’t have to », oublié depuis. Au moment de son décès, Florence tentait de relancer sa carrière. Tentative qui n’a pas fait florès. La comédienne Jennifer Hudson (Effie) fait preuve d’une belle empathie lorsqu’elle affirme qu’elle lui donne « la revanche dont elle aurait rêvé ». Autre oubliée de l’histoire, Maxine Powell, engagée par Berry Gordy (le patron de la motown dans la réalité) pour gommer chez ses stars toute trace de négritude afin de les rendre acceptables pour le public blanc de l’époque comme si elles devaient chanter « à Buckingham Palace ou à la Maison Blanche ». Dreamgirls est donc à apprécier comme un simple divertissement hollywoodien et non une reconstitution rigoureuse.

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