Allez, on peut bien l'avouer maintenant, on n'a jamais été trop portés sur Popa Chubby jusqu'ici. A l'image de l'un de ses, nombreux, surnoms « The Beast from the East » n'a jamais fait dans la dentelle (avoir une érection est la traduction de l'expression argotique « pop a chubby » qui a inspiré son patronyme). Le lourd et le gras seraient plutôt les deux mamelles de la musique de Chubby qui a longtemps incarné une version plutôt rock, aux accents métalliques, du blues. Un manque de finesse caractérisé par les doigts d'honneur en pagaille qui lui ont un temps servis de signature visuelle dans un geste assez peu élégant.
Et pourtant, l'âge aidant, une certaine forme de sérénité s'est emparée du musicien. Un changement de cap qui s'est fait sentir à l'époque de son album hommage à Jimi Hendrix (« Electric Chubbyland », 2006) et qui se confirme pour le New-Yorkais qui reste sur deux excellents albums de haute volée. Focus.
Sorti en 2017, « Two Dogs » fait montre d'un feeling à toute épreuve (« Cayophus Dupree ») et d'une ambition musicale revue à la hausse des hendrixien (on y revient toujours) « Two dogs » et « Me won't back down », la pédale wha wha dans le rouge, aux cuivres chauffés à blanc de « Preexisting Conditions » ; du shuffle (cf. « Rescue ») au boogie (cf. « Chubby's Boogie ») ainsi que les nombreux accents soul (« Dirty old blues », « Shakedown »), la variété de styles abordés ne font que souligner la maîtrise du musicien au sommet de son art et désormais à l'aise dans tous les contextes y compris acoustiques, cf. la très belle ballade mid-tempo mi psychédélique « Wound up getting high » où le chanteur évoque Elliott Murphy ! L'acoustique en l’occurrence est un signe de l'apaisement de l'artiste, qui a réussi à canaliser sa colère revendicatrice en créativité musicale. Seul accroc de cette solide collection de chansons, les deux reprises inutiles placées en bonus dont celle d' « Hallelujah » (Léonard Cohen) loin de rivaliser avec celle, inoubliable, du regretté Jeff Buckley. Pour le reste, c'est du tout bon !
En 2020, Popa Chubby à des choses à fêter : 30 ans de carrière et son retour sous les fourches caudines du label Dixiefrog après cinq d'absence ! Et un excellent nouvel album pour fêter cela, « It's a mighty hard road », le tout emballé dans une magnifique pochette signée Ben Hito (comme d'habitude) et accompagné d'une superbe série de photos prises dans Greenwich Village pour orner le livret. Et oui, pour fêter ses trente ans de carrière Popa Chubby a décidé de se retourner sur son passé et sa ville, depuis toujours, New York City. Ainsi, le regard quelque peu nostalgique qui se fait jour (« It's a mighty hard road ») est aussitôt contré par une vision positive (« Let love free the day », « More time making love », « The best is yet to come ») ; le tout confirmant la quiétude nouvelle du musicien, toujours aussi mordant par ailleurs (« Buyer Beware » ; le survolté mais canalisé « If you're looking for trouble » ; « I'm the beast from the east »). Moins diversifié que son prédécesseur, évoqué plus tôt, ce nouvel effort se veut plus direct et ancré dans le blues, enregistré en petit comité, où les guitares et le piano véloce se disputent la part du lion. Inspiré et soulful, l'album se permet quelques pas de côté, des clins d'oeil vers la soul langoureuse (« Let Love free the day » sous influence Barry White!), la délicatesse du jazz ("Lost Again") ou le reggae ("Enough is enough"). Mais surtout la proposition musicale est suffisamment évocatrice (cf. le merveilleux instrumental « Gordito ») pour transporter l'auditeur dans les rues d'un New-York fantasmé ne ressemblant plus guère à la ville d'aujourd'hui. Donnant autant envie de se lover que de taper du pied, ce nouveau disque confirme la vitalité du musicien, donnant enfin la pleine mesure de son talent, en pleine possession de ses moyens.
En concert à Paris (Olympia) le 11 octobre.
https://www.popachubby.com/
https://www.facebook.com/popachubbyband/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire