lundi 21 avril 2014

Interview avec Klô Pelgag


Lorsque nous avons retrouvé Klô Pelgag, cette dernière venait d'arriver en Europe pour une série de concerts étalés sur deux mois. L'occasion de discuter un peu de musique, de son univers créatif plutôt décalé entre autres choses...

(c) Diane RH


Alors Chloé, ça te plaît l'Europe ?
Klô Pelgag : Oui ! Jusqu'à maintenant je n'ai que des bonnes expériences. Ça serait difficile de dire le contraire.
 
 
Est-ce que tu pourrais nous parler un peu de ton « laboratoire de création » ?
KP : En fait c'est la maison de mes parents à la campagne, dans un petit village magnifique à une heure et demie de Québec. Dans la Gaspésie. Vers la péninsule. La maison est sur un cap. Tu vois toute l'eau (le fleuve Saint-Laurent, ndlr) comme ça (elle écarte les bras). Et puis derrière, il y a la foret. C'est vraiment un paysage inspirant. C'est bon aussi pour l'esprit, pour décompresser. J'aime vraiment y aller. J'aime retourner chez mes parents pour écrire. J'y ai une petite pièce avec mon piano. C'est ma petite bulle. Sinon j'habite à Montréal. J'habite en ville mais je suis une fille de campagne quand-même. Il y a des choses intéressantes dans les deux. Mais pour écrire je préfère la campagne.
 
Justement, ton environnement t'inspire pour l'écriture ?
KP : Oui, je suis très influencée par ce qui m'entoure. Moi, aller à la campagne, ça me libère l'esprit. La ville c'est comme un tourbillon. Il y a tellement de choses qui se passent, il y a tellement de choses pour t'influencer. Si tu marches dehors, t'es entouré de plein de trucs. Je trouve ça plus facile quand je retourne en campagne, il n'y a que des espaces infinis autour de moi. Je sens comme plus d'espace dans ma tête pour créer des choses nouvelles. Pour sublimer ce qui m'entoure.

Tu es à Paris depuis quelques jours, tu est inspirée ?
KP : C'est encore tôt pour le dire. Ce n'est pas très prévisible non plus. Mon écriture est très spontanée. Rien n'est venu pour l'instant. Mais je n'ai pas encore eu le temps de me poser et d'observer. Je n'ai fait que des interviews.

Et Montréal ?
KP : J'aime beaucoup, c'est une ville très vivante, il s'y passe beaucoup de choses. Montréal, c'est aussi une bulle de création. C'est grand et c'est tout petit en même temps. Tu rencontres tout le temps des gens que tu connais...
 
Surtout entre francophones...
KP : Oui, c'est une ville bilingue. Il y a aussi ce côté multiculturel que je trouve super intéressant. Tu peux voyager rien qu'en changeant de quartier : indien, grec, chinois... Avec des restaurants et des gastronomies différentes à chaque fois. C'est une ville foisonnante, très inspirante. Je puise mes trucs partout où je vais mais quand je retourne en campagne ça m'aide à y voir plus clair.

Qu'est-ce qui est le plus important pour toi, la musique où les textes ?
KP : Pour moi les deux sont aussi importants. J'écris musiques et paroles en même temps, en parallèle. Il y a quand-même quelques chansons qui sont plus « à texte », le silence épouvantail par exemple. La musique c'est comme une grande roue qui tourne, ça évolue et puis on revient au point de départ. Il y a des exceptions comme « le dermatologue » très axée sur la musique, les mélodies jouées par les différents instruments sont super importantes sur ce titre là. J'aime que mes chansons puissent vivre juste en piano/voix, pour ne pas être dépendante de mon groupe.

Ça se sent, ton style est très acoustique on entends bien les racines...
KP : J'ai aussi un goût très prononcé pour l'acoustique. L'instrumentation est classique.

Je sais qu'au Québec vous défendez beaucoup la langue française alors qu'ici beaucoup de jeunes groupes chantent en anglais pour faire chic. C'était important pour toi de chanter en français ?
KP : En fait je parle uniquement français, je pense et je m'exprime en français. J'aurais du mal à chanter en anglais. Il y a aussi des québecois qui chantent en anglais probablement pour avoir une portée internationale plus grande. En même temps on est juste à côté des États-Unis et il y a beaucoup de québecois qui ont de la famille ou juste un parent anglophone, ça se défend pour certaines personnes. Moi ce n'est pas une question de choix mais d'origine. Et de goût aussi. J'adore la langue française, sa couleur, sa résonance, j'aime la partager. C'est comme ça.

Ton univers créatif est un peu décalé. Je pense à des chansons comme « La fièvre des fleurs », « les mariages d'oiseaux », « la fièvre épouvantail »... Est-ce que tu pourrais nous décrire ton petit monde ?
KP : J'ai toujours eu un goût pour l'extraordinaire. La représentation de la réalité, ça m'intéresse beaucoup moins. Même dans l'art visuel, j'aime le surréalisme. J'écris comme je suis. Ça donne quelque chose d'assez éclaté, percutant et profond en même temps. De poétique aussi. J'aime la langue et m'amuser avec. J'aime représenter des sentiments profonds et réels pour les sublimer et les exprimer du mieux que je peux. Et quand j'y arrive avec des mots, ça me fait du bien. J'écris aussi pour me faire du bien à la base.

Tu trouves beaucoup d'inspiration dans les livres, la poésie ?
KP : Oh oui. C'est toujours rassurant et réconfortant. Je suis toujours émerveillée quand je découvre un poète, un écrivain. Ou même un artiste qui fait quelque chose que j'aime par ce que c'est rare ! Ça me rassure de voir qu'il y a d'autre gens qui sont sur la même longueur d'ondes que moi, qui réfléchissent un peu de la même façon. Je suis considérée un peu comme une extra-terrestre au Québec, dans ce que je fais. Moi je me sens juste moi-même. Je trouve qu'en France il y a beaucoup d'artistes qui ont comme un genre de personnage. Moi on me compare beaucoup avec Camille.

Il y a souvent dans tes chansons comme un mélange tristesse/joie. C'est grave et léger en même temps...
KP : Moi j'adore les contrastes. J'aime quand un élément fait évoluer les choses. « La fièvre de fleurs », c'est un sujet triste, la mort, la leucémie, la maladie. Je pense que je n'ai pas besoin d'en rajouter pour faire une chanson vraiment triste qui va faire pleurer tout le monde. Moi mon objectif c'est d'ajouter quelque chose en plus. La musique plus joyeuse et funky va rajouter quelque chose, ce n'est pas juste de la tristesse. Ça devient de la mélancolie et toutes sortes de dérivés de la tristesse. Cela ajoute beaucoup plus de nuances dans l'émotion. Je trouve ça intéressant. Mais moi je n'analyse pas trop ce que je fais, je découvre après coup en faisant des entrevues, ça me porte à analyser ma façon de travailler. Je ne veux pas être ennuyeuse.

Tu pars souvent d'un sentiment pour écrire une chanson ?
KP : Toujours. Les fois où j'ai essayé de commencer une chanson juste pour faire une chanson je ne l'ai jamais gardée. J'ai vraiment besoin que cela me percute ou me fasse du bien. Je ne suis pas non plus une musicienne comment dire... C'est rare que je joue du piano juste pour jouer du piano. Je joue quand j'en ressens le besoin. Et puis après il y a les spectacles. J'adore les spectacles !

Parle-nous de l'aspect visuel. En concert vous avez tous des déguisements complètement dingues de toutes les couleurs. A un moment il y a un musicien qui a fait un tour de magie avec un verre d'eau et j'ai lu quelque part que parfois tu cuisines des gâteaux sur scène...
KP : J'essaye juste de faire des choses qui m'amusent aussi. Le spectacle doit rester quelque chose de vivant, pas mécanique ou de programmé. Après tu deviens un produit. Moi je ne fais pas un produit, je fais un spectacle (elle insiste) ! Il faut que cela soit spontané. Moi c'est ma façon de voir. Après c'est difficile parce qu'il faut que je me réinvente à chaque fois. Trouver des nouvelles idées, des nouveaux concepts. Mais ça me fait plaisir de le faire et j'ai l'énergie pour.

Ton frère Mathieu arrange tes chansons, il y a une forte complicité musicale entre vous ?
KP: Oui, on travaille ensemble, on a les mêmes références, on a grandi ensemble. Il y a une chimie naturelle. C'est lui qui m'a encouragée à faire de la musique au début, il m'a beaucoup donné confiance. C'est mon grand frère il a une grande influence sur moi. On travaille beaucoup les arrangements ensemble, c'est vraiment une collaboration. Je suis impliquée dans chaque facette de ce que je fais, les photos, les clips tout ce qui est visuel. C'est normal mais tout le monde ne le fait pas.

Ton sens de l'humour est particulier, sur scène tu fais des blagues mais toujours à froid...
KP : Oui. Rire de sa propre blague, c'est comme vendre un punch qui n'existe pas. Je ne suis pas une humoriste. J'aime provoquer les gens un peu. Je ne dis pas : « c'est une blague ». Je dis quelque chose après le public le prend comme il veut. J'adore quand il y a des moments de silence un peu gêné. C'est mes moments préférés. Les petits moments de malaise. Chatouiller les gens et les déranger un peu. Je pense que cela leur fait du bien aussi. Parfois on est très pris dans nos limites, gêné d'être nous-mêmes. J'aime bien défaire ça.
 
Tu te fiches des étiquettes musicales ?
KP : Moi je fais la musique que je peux faire. Parce que c'est la seule. C'est moi en musique. Je n'ai pas étudié la musique. Je me sens plus une artiste qui est aussi musicienne. Après le public définit leur perception de ce que je fais. Moi je fais ce que je peux et surtout ce que j'ai envie. J'essaye de ne pas me mettre de limites, un jour je me lancerai peut-être dans le dubstep ! Je ne veux pas m'ennuyer jamais dans ce que je fais.
 
C'est une manière de rester libre aussi...
KP : Oui, oui. Dans ce sens là je me fous des étiquettes, ça ne me dérange pas.
 
Tu te sens plus artiste que musicienne...
KP : Oui, j'ai envie de faire plein de choses dans ma vie, je suis encore jeune. Je peux changer d'idée demain. Je ne sais pas... Je ne me mets pas de limites par ce que je ne sais pas ce que je vais avoir envie de faire dans cinq ans. Mais je pense que la musique c'est quelque chose de très important pour mon bien être.
http://klopelgag.com/
Propos recueillis le 05/03/2014.
Un grand merci à Chloé pour sa gentillesse et sa disponibilité et à PH qui a organisé cette rencontre.

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