Lorsque nous avons retrouvé Klô Pelgag, cette dernière venait d'arriver en Europe pour une série de concerts étalés sur deux mois. L'occasion de discuter un peu de musique, de son univers créatif plutôt décalé entre autres choses...
(c) Diane RH |
Alors Chloé, ça te
plaît l'Europe ?
Klô Pelgag :
Oui ! Jusqu'à maintenant je n'ai que des bonnes expériences.
Ça serait difficile de dire le contraire.
Est-ce que tu pourrais
nous parler un peu de ton « laboratoire de création » ?
KP : En fait c'est
la maison de mes parents à la campagne, dans un petit village
magnifique à une heure et demie de Québec. Dans la Gaspésie. Vers
la péninsule. La maison est sur un cap. Tu vois toute l'eau (le
fleuve Saint-Laurent, ndlr) comme ça (elle écarte les bras). Et
puis derrière, il y a la foret. C'est vraiment un paysage inspirant.
C'est bon aussi pour l'esprit, pour décompresser. J'aime vraiment y
aller. J'aime retourner chez mes parents pour écrire. J'y ai une
petite pièce avec mon piano. C'est ma petite bulle. Sinon j'habite à
Montréal. J'habite en ville mais je suis une fille de campagne
quand-même. Il y a des choses intéressantes dans les deux. Mais
pour écrire je préfère la campagne.
Justement, ton
environnement t'inspire pour l'écriture ?
KP : Oui, je suis
très influencée par ce qui m'entoure. Moi, aller à la campagne, ça
me libère l'esprit. La ville c'est comme un tourbillon. Il y a
tellement de choses qui se passent, il y a tellement de choses pour
t'influencer. Si tu marches dehors, t'es entouré de plein de trucs.
Je trouve ça plus facile quand je retourne en campagne, il n'y a que
des espaces infinis autour de moi. Je sens comme plus d'espace dans
ma tête pour créer des choses nouvelles. Pour sublimer ce qui
m'entoure.
Tu es à Paris depuis quelques jours, tu est inspirée ?
KP : C'est encore
tôt pour le dire. Ce n'est pas très prévisible non plus. Mon
écriture est très spontanée. Rien n'est venu pour l'instant. Mais
je n'ai pas encore eu le temps de me poser et d'observer. Je n'ai
fait que des interviews.
Et Montréal ?
KP : J'aime
beaucoup, c'est une ville très vivante, il s'y passe beaucoup de
choses. Montréal, c'est aussi une bulle de création. C'est grand et
c'est tout petit en même temps. Tu rencontres tout le temps des gens
que tu connais...
Surtout entre
francophones...
KP : Oui, c'est
une ville bilingue. Il y a aussi ce côté multiculturel que je
trouve super intéressant. Tu peux voyager rien qu'en changeant de
quartier : indien, grec, chinois... Avec des restaurants et des
gastronomies différentes à chaque fois. C'est une ville
foisonnante, très inspirante. Je puise mes trucs partout où je vais
mais quand je retourne en campagne ça m'aide à y voir plus clair.
Qu'est-ce qui est le plus important pour toi, la musique où les textes ?
KP : Pour moi les
deux sont aussi importants. J'écris musiques et paroles en même
temps, en parallèle. Il y a quand-même quelques chansons qui sont
plus « à texte », le silence épouvantail par exemple.
La musique c'est comme une grande roue qui tourne, ça évolue et
puis on revient au point de départ. Il y a des exceptions comme « le
dermatologue » très axée sur la musique, les mélodies jouées
par les différents instruments sont super importantes sur ce titre
là. J'aime que mes chansons puissent vivre juste en piano/voix, pour
ne pas être dépendante de mon groupe.
Ça se sent, ton style est très acoustique on entends bien les racines...
KP : J'ai aussi un
goût très prononcé pour l'acoustique. L'instrumentation est
classique.
Je sais qu'au Québec vous défendez beaucoup la langue française alors qu'ici beaucoup de jeunes groupes chantent en anglais pour faire chic. C'était important pour toi de chanter en français ?
KP : En fait je
parle uniquement français, je pense et je m'exprime en français.
J'aurais du mal à chanter en anglais. Il y a aussi des québecois
qui chantent en anglais probablement pour avoir une portée
internationale plus grande. En même temps on est juste à côté des
États-Unis et il y a beaucoup de québecois qui ont de la famille ou
juste un parent anglophone, ça se défend pour certaines personnes.
Moi ce n'est pas une question de choix mais d'origine. Et de goût
aussi. J'adore la langue française, sa couleur, sa résonance,
j'aime la partager. C'est comme ça.
Ton univers créatif est un peu décalé. Je pense à des chansons comme « La fièvre des fleurs », « les mariages d'oiseaux », « la fièvre épouvantail »... Est-ce que tu pourrais nous décrire ton petit monde ?
KP : J'ai toujours
eu un goût pour l'extraordinaire. La représentation de la réalité,
ça m'intéresse beaucoup moins. Même dans l'art visuel, j'aime le
surréalisme. J'écris comme je suis. Ça donne quelque chose d'assez
éclaté, percutant et profond en même temps. De poétique aussi.
J'aime la langue et m'amuser avec. J'aime représenter des sentiments
profonds et réels pour les sublimer et les exprimer du mieux que je
peux. Et quand j'y arrive avec des mots, ça me fait du bien. J'écris
aussi pour me faire du bien à la base.
Tu trouves beaucoup d'inspiration dans les livres, la poésie ?
KP : Oh oui. C'est
toujours rassurant et réconfortant. Je suis toujours émerveillée
quand je découvre un poète, un écrivain. Ou même un artiste qui
fait quelque chose que j'aime par ce que c'est rare ! Ça me
rassure de voir qu'il y a d'autre gens qui sont sur la même longueur
d'ondes que moi, qui réfléchissent un peu de la même façon. Je
suis considérée un peu comme une extra-terrestre au Québec, dans
ce que je fais. Moi je me sens juste moi-même. Je trouve qu'en
France il y a beaucoup d'artistes qui ont comme un genre de
personnage. Moi on me compare beaucoup avec Camille.
Il y a souvent dans tes chansons comme un mélange tristesse/joie. C'est grave et léger en même temps...
KP : Moi j'adore
les contrastes. J'aime quand un élément fait évoluer les choses.
« La fièvre de fleurs », c'est un sujet triste, la mort,
la leucémie, la maladie. Je pense que je n'ai pas besoin d'en
rajouter pour faire une chanson vraiment triste qui va faire pleurer
tout le monde. Moi mon objectif c'est d'ajouter quelque chose en
plus. La musique plus joyeuse et funky va rajouter quelque chose, ce
n'est pas juste de la tristesse. Ça devient de la mélancolie et
toutes sortes de dérivés de la tristesse. Cela ajoute beaucoup plus
de nuances dans l'émotion. Je trouve ça intéressant. Mais moi je
n'analyse pas trop ce que je fais, je découvre après coup en
faisant des entrevues, ça me porte à analyser ma façon de
travailler. Je ne veux pas être ennuyeuse.
Tu pars souvent d'un sentiment pour écrire une chanson ?
KP : Toujours. Les
fois où j'ai essayé de commencer une chanson juste pour faire une
chanson je ne l'ai jamais gardée. J'ai vraiment besoin que cela me
percute ou me fasse du bien. Je ne suis pas non plus une musicienne
comment dire... C'est rare que je joue du piano juste pour jouer du
piano. Je joue quand j'en ressens le besoin. Et puis après il y a
les spectacles. J'adore les spectacles !
Parle-nous de l'aspect visuel. En concert vous avez tous des déguisements complètement dingues de toutes les couleurs. A un moment il y a un musicien qui a fait un tour de magie avec un verre d'eau et j'ai lu quelque part que parfois tu cuisines des gâteaux sur scène...
KP : J'essaye
juste de faire des choses qui m'amusent aussi. Le spectacle doit
rester quelque chose de vivant, pas mécanique ou de programmé.
Après tu deviens un produit. Moi je ne fais pas un produit, je fais
un spectacle (elle insiste) ! Il faut que cela soit spontané.
Moi c'est ma façon de voir. Après c'est difficile parce qu'il faut
que je me réinvente à chaque fois. Trouver des nouvelles idées,
des nouveaux concepts. Mais ça me fait plaisir de le faire et j'ai
l'énergie pour.
Ton frère Mathieu arrange tes chansons, il y a une forte complicité musicale entre vous ?
KP: Oui, on travaille
ensemble, on a les mêmes références, on a grandi ensemble. Il y a
une chimie naturelle. C'est lui qui m'a encouragée à faire de la
musique au début, il m'a beaucoup donné confiance. C'est mon grand
frère il a une grande influence sur moi. On travaille beaucoup les
arrangements ensemble, c'est vraiment une collaboration. Je suis
impliquée dans chaque facette de ce que je fais, les photos, les
clips tout ce qui est visuel. C'est normal mais tout le monde ne le
fait pas.
Ton sens de l'humour est particulier, sur scène tu fais des blagues mais toujours à froid...
KP : Oui. Rire de
sa propre blague, c'est comme vendre un punch qui n'existe pas. Je ne
suis pas une humoriste. J'aime provoquer les gens un peu. Je ne dis
pas : « c'est une blague ». Je dis quelque chose
après le public le prend comme il veut. J'adore quand il y a des
moments de silence un peu gêné. C'est mes moments préférés. Les
petits moments de malaise. Chatouiller les gens et les déranger un
peu. Je pense que cela leur fait du bien aussi. Parfois on est très
pris dans nos limites, gêné d'être nous-mêmes. J'aime bien
défaire ça.
Tu te fiches des
étiquettes musicales ?
KP : Moi je fais
la musique que je peux faire. Parce que c'est la seule. C'est moi en
musique. Je n'ai pas étudié la musique. Je me sens plus une artiste
qui est aussi musicienne. Après le public définit leur perception
de ce que je fais. Moi je fais ce que je peux et surtout ce que j'ai
envie. J'essaye de ne pas me mettre de limites, un jour je me
lancerai peut-être dans le dubstep ! Je ne veux pas m'ennuyer
jamais dans ce que je fais.
C'est une manière de
rester libre aussi...
KP : Oui, oui.
Dans ce sens là je me fous des étiquettes, ça ne me dérange pas.
Tu te sens plus artiste
que musicienne...
KP : Oui, j'ai
envie de faire plein de choses dans ma vie, je suis encore jeune. Je
peux changer d'idée demain. Je ne sais pas... Je ne me mets pas de
limites par ce que je ne sais pas ce que je vais avoir envie de faire
dans cinq ans. Mais je pense que la musique c'est quelque chose de
très important pour mon bien être.
http://klopelgag.com/
Propos recueillis le 05/03/2014.
Propos recueillis le 05/03/2014.
Un grand merci à Chloé pour sa gentillesse et sa disponibilité et à PH qui a organisé cette rencontre.
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