Dave Crowe (à gauche) et Andy Balcon (à droite) : Heymoonshaker
Quelle divine surprise en ce mercredi soir, en découvrant la
longue file des spectateurs faisant la queue sur le trottoir longeant le divan
du monde !!! Les Heymoonshaker ont réussi à remplir la salle, plus une
place disponible, et tant pis si on est tassé comme des sardines, c’est avant
tout un formidable message d’espoir ! Mais avant de s’étendre plus avant
sur ce formidable duo, un petit mot sur les deux premières
parties…
On commence avec une vieille connaissance, le duo blues TheHub, qui se trouve être un projet en pleine mutation. Adepte de la formule en
duo, Hubert#06 est maintenant accompagné par un batteur (là où avant Yarol
tenait la basse et un semblant de batterie). La musique s’en retrouve
transformée en prends du coup un aspect plus tribal. La rythmique s’en retrouve
solidifiée et pleine de groove. Toujours aussi efficace à la guitare, Hubert
égrène ses rythmiques en ternaire avec brio. Petite (et excellente) surprise en
découvrant que notre homme du sud chante maintenant principalement en français,
ce qui à l’énorme avantage de lui donner une originalité. D’autant que l’homme
est totalement crédible dans ce rôle de bluesman francophone. The Hub est en
pleine préparation de son nouvel album, on attend la suite impatiemment…
Place ensuite à la grande découverte de la soirée, le John
Fairhurst band. C’est à l’occasion d’une interview avec les Heymoonshaker que
l’on a entendu parler de John Fairhurst pour la première fois : quoi, tu
ne le connais pas ? Tu devrais ! Et après l’avoir découvert en live
pour la première fois, je comprends mieux pourquoi. En effet, John Fairhurst,
guitariste de son état, fait montre d’un talent naturel peu commun. Guitariste
virtuose, l’homme est de plus doté d’une voix de gorge marquante, grave limite
graveleuse, parfaite pour le blues, évoquant des émotions directement de ses
cordes vocales. Son acolyte harmoniciste, complète la formation et souligne la
guitare de manière judicieuse. La musique du John Fairhurst band est un
véritable voyage en soi, si les matières premières restent le blues et le folk,
des inspirations psychédéliques et world (le dernier titre plutôt oriental) se
chargent de transporter l’auditeur vers un ailleurs radieux. Tout juste si on
pourrait lui reprocher un petit manque de concision, ce qui est malheureusement
souvent le cas avec les solistes trop doués… C’est quoi qu’il en soit une belle
découverte.
Et on termine enfin avec la grosse affaire de la soirée, le
duo beatbox blues anglais, Heymoonshaker et plutôt qu’un long discours stérile,
on va résumer la chose le plus simplement du monde : c’est LA
CLAQUE ! Le duo est parfaitement complémentaire, à droite de la scène Andy
Balcon, guitariste et chanteur à la voix gutturale, il incarne la facette la plus
classique du duo. Le grain de folie, c’est le (génial) beatboxer Dave Crowe. Le
beatbox est une technique plutôt assimilée au hip-hop, l’entendre mélangé à une
guitare blues est déjà assez surprenant en soi. Mais quand on a affaire à un
beatboxer d’exception, comme Dave Crowe, le concert devient une expérience
unique. Dave Crowe ne se contente pas seulement d’assurer à lui seul le travail
d’une section rythmique, non, il interprète littéralement le rythme,
l’accompagnant de grands gestes, de mouvements amples des bras. Se
contorsionnant dans tous les sens possibles et imaginables, Dave semble sans
cesse être au bord de l’implosion. Les sons qu’il tire de sa bouche sont tout
simplement bluffants et apportent au blues des couleurs inédites évoquant
l’électro ou le dubstep, alors que le groupe n’utilise aucune machine et
replace (et c’est d’ailleurs tout à son honneur) l’humain au centre des débats.
On frôle l’expérience sensorielle lorsque Dave demande au public de l’écouter
les yeux fermés lors de son hallucinant solo. Le dernier tiers du concert au
moment où le duo est rejoint par trois invités (John Fairhurst, son
harmoniciste et un clarinettiste) est exceptionnel. Le rendu musical, entre
blues et free jazz, est digne d’un jam band psyché des années 1960. Chaque
musicien trouve sa place avec une fluidité étonnante. Fairhurst en particulier
est excellent dans ce contexte. C’est tellement bon, que le quintet ainsi
constitué mériterait d’enregistrer un album. Il ne fait aucun doute que ces
musiciens font partie de cette troupe rare des bêtes de scène qui se donnent à
fond. Ils ont fait péter le plafond, le public est en délire, les mains en
l’air. C’est beau. Dave Crowe et Andy Balcon sont deux hommes droits et
honnêtes, des artistes plaçant les relations humaines au dessus de tout. Le
succès ne pouvait pas mieux tomber que sur ces deux là. Ils le méritent
amplement.
Le gratin de l’Americana (ou presque) s’est donné
rendez-vous en ce lundi soir dans le cadre majestueux du Trianon pour la soirée
de clôture de la première édition du Fargo Rock City Festival organisé à
l’initiative du label et de la boutique de disques du même nom.
On commence avec les Two Gallants, le duo de San Francisco,
apparu il y a une dizaine d’années maintenant s’est crée une niche bien
particulière. Si la base semble être le folk (bien électrifié tout de même)
guitare et harmonica sur rack, le batteur, telle une déferlante sonore, donne
une ampleur grunge à l’ensemble. Le duo navigue en eaux troubles entre
apaisement (très jolie compo acoustique en toute fin de set) et furie sonore.
Très plaisant.
Sallie Ford and The Sound Outside
On poursuit avec celle qui est devenue l’une des chouchous
de cette page depuis son apparition sur la scène mondiale fin 2011, SallieFord. Creusant le sillon tracé par son deuxième album, « untamed
beast », le projet musical de Sallie Ford est en pleine mutation. Très
marquée par le rockabilly et le gospel sur son premier disque, « Dirty
Radio », Sallie Ford délaisse un peu ses influences premières au profit
d’une approche à la fois plus contemporaine et plus garage. Un peu plus sale en
quelque sorte. Comme un signe du temps qui passe, point de reprise de Buddy
Holly cette fois, mais un « Heart of Glass » (Blondie) assez étonnant
(mais réussi) en ces lieux et place. Autre détail marquant, Tyler Tornfelt a
délaissé sa, pourtant magnifique, contrebasse au profit d’un basse électrique
pendant tout le set. A part cela on retrouve le groupe tel qu’on l’aime, le
batteur Ford Tennis est toujours impeccable de swing voire même carrément
impressionnant de rectitude et le guitariste Jeffrey Munger semble être la
nonchalance incarnée. Quant à Sallie, si elle se professionnalise de plus en
plus, elle a gardé intact cette fraîcheur qui la distingue encore (mais pour
combien de temps ?) des grosses machines ultra calibrées made in USA. Et
j’ai oublié de le préciser, mais son timbre de voix de gorge fait toujours son
petit effet. Je reste un peu nostalgique des intermèdes country chantés par
Jeffrey mais bon, c’est comme ça…
Steve Earle
On garde le meilleur pour la fin avec un monument de la
musique étasunienne, rien de moins que Monsieur Steve Earle. Apparu au mitan
des années 1980 (premier album « Guitar Town » en 1986) comme un pur
chanteur de country, Steve Earle a ensuite évolué (grosso modo depuis son album
« Copperhead Road » de 1989) vers un style plus électrique, plus rock
voire même carrément heavy. Depuis Earle suit un chemin personnel : est-ce
de la country ? Oui mais pas complètement. Du rock alors ? Oui
également mais pas entièrement. De fait, Earle présente cette incongruité
d’avoir fait sien tous les styles sans jamais se renier, rock n’roll, folk,
country il n’y a guère que le blues qui échappe à son répertoire. La
quintessence du musicien américain. C’est surtout un songwriter fin et inspiré,
doté d’une conscience sociale en sus et n’ayant pas peur d’exprimer son
scepticisme à l’égard de son pays qu’il doit pourtant adorer (enfin j’imagine).
Ce qui lui a valu un certain nombre de déboires. Un peu à l’image de sa musique
Steve Earle a présenté un set en deux temps, une première partie plutôt folk /
rock axée sur la guitare, l’harmonica et une deuxième partie plus country
mettant en valeur la mandoline. C’est aussi avec un plaisir non feint que l’on
retrouve sur scène son guitariste Chris Masterson qui m’avait déjà fait forte
impression lors de son passage à la flèche d’or. Ses interventions sont
toujours justes et inspirées quelque soit le contexte. Ce type est tout
simplement brillant. Chris Masterson, retenez bien ce nom ainsi que celui de son
groupe The Mastersons.
Une programmation judicieuse et cohérente, un cadre
magnifique, celui du Trianon, cette première édition du Fargo Rock City
Festival a été une réussite en tout points. Espérons maintenant que l’événement
se pérennise (ce que n’a pas réussi le hélas défunt cool soul festival).
Vivement la deuxième édition et les suivantes…
C’est avec une joie sincère que l’on a retrouvé les
Hillbilly Moon Explosion, vendredi soir dernier au nouveau casino. Si le groupe
continue avec bonheur son petit bonhomme de chemin musical avec son excellent
nouvel effort « Damn right honey », les helvètes n’étaient pas venu
nous rendre visite depuis quelques années déjà (si mes souvenirs sont bons,
c’était au réservoir). Et c’est un groupe en forme olympique que l’on a
retrouvé ! Emanuela, toujours pleine de grâce, superbe dans son tee-shirt
Motorhead du plus bel effet, très en voix et auteur de chœurs et de
contre-chants poignants quand elle n’est pas la chanteuse lead. Derrière sa
magnifique Gretsch blanche demi-caisse on retrouve Duncan qui nous a gratifié
de ses six cordes magiques toute la soirée, excellent musicien aussi bien à
l’aise dans le rockabilly (la marque de fabrique du groupe) que dans les boogies
endiablés, très solide rythmiquement et soliste inspiré. C’est un bonheur de
l’écouter. Oliver et sa contrebasse assurent le show, petite escalade de
l’instrument pour une séance d’air surf au passage, et le lien avec le public.
Il est celui qui discute le plus. Bon chanteur, sa voix grave crée une
alternance intéressante avec le timbre féminin d’Emanuela. Et la distorsion sur
sa contrebasse apporte une note punk/garage originale et de la diversité dans
les ambiances très marquées par rockabilly des années 1950 du groupe. HME a un
nouveau batteur, Sylvain (et oui, il est français, hourra !), aussi bien à
l’aise avec les balais que les baguettes, son sens du swing, carré et efficace,
propulse le groupe dans une nouvelle dimension. L’association avec la
contrebasse fonctionne à merveille et fait renaître la magie du rock n’roll des
origines. Bref tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes si un
malheureux incident (une spectatrice tombée dans les pommes au premier rang au
cours d’un pogo bien agité, mine de rien on a frôlé la catastrophe) n’avait pas
mis fin au concert au beau milieu du dernier titre, jetant ainsi un voile
d’ombre sur une soirée jusqu’ici excellente.
Un petit mot pour finir sur le dj Erik Rug, que l’on a pu
écouter avant et entre les deux sets du groupe, et qui nous a balancé quelques
pépites 1960s rockabilly/garage/soul etc… vinyliques bien senties. Excellent Dj
set.
Arrivé à un certain point, Ben Harper, 42 ans dont 20 de
carrière et des disques écoulés par pelletés, essaye dorénavant à s’intégrer
davantage dans le paysage blues, milieu autour duquel il tourne depuis des
années (ses débuts en fait) sans vraiment en faire partie. Trop rock pour les
puristes. En Charlie Musselwhite, harmoniciste de son état, un vieux de la
vieille, actif depuis les années 1960, Harper a trouvé le partenaire dans le
crime idéal. Méconnu du grand public mais adulé des connaisseurs, garant d’une
certaine tradition, Musselwhite a le fond nécessaire pour hausser le niveau et
pousser Ben Harper hors de sa zone de confort, celle des standards FM. Le
premier titre dévoilé, « I don’t believe a word you say », pouvait
laisser pantois quant aux tenants et aboutissants d’une telle collaboration.
Gros riff de guitare, Musselwhite un peu sous-utilisé, le morceau portait
indéniablement plus le sceau de Ben Harper que celui du malicieux harmoniciste.
Les choses avaient-elles vraiment changées ? Après écoute du disque, on
peut l’affirmer, oui, mille fois oui et c’est pour le meilleur ! Le disque
révèle une complicité, une connivence (corroborée par les photos du livret)
entre les deux protagonistes. C’est le disque de deux potes, pas une
collaboration forcée débouchant sur un gain en crédibilité pour l’un et en célébrité
pour l’autre. L’album est équilibré, bien balancé, les musiciens aussi bien à
l’aise dans un environnement acoustique,
« Don’t look twice » qui ouvre les débats de fort belle
manière, très cool, qu’électrique « Blood side up ». « I ride at
dawn » est lourde et aussi oppressante que le plomb alors que « Get
up !», nettement plus jam, swingue comme pas possible, en partie grâce à
une ligne de basse absolument mortelle. Il n’y a ni règles, ni limites, le duo
tente tout et met dans le mille neuf fois sur dix. Mention spéciale pour
« She got kick », très réussie. Un très bel album et une perle
supplémentaire dans la discographie de Ben Harper, après l’album sorti avec les
Blind Boys of Alabama (« There will be a light ») en 2004.
Décidemment les bonnes surprises musicales arrivent avec une
régularité confondante dans notre cher Hexagone ces temps ci ! Et comment
est-il possible que l’on n’ait jamais entendu parler avant de ces Bubblies,
pourtant actif depuis le milieu des années 1990 ?? Biberonnés au son power
pop punky des années 1990 (Weezer, Pixies, Nada Surf, ce genre de choses) les
Bubblies viennent de sortir (enfin il y a déjà quelques mois) une petite perle
dans le genre. « Mastermind » et « Big Fake » qui ouvrent
l’album de la plus belle des manières n’ont rien à envier aux classiques du
genre, signés des groupes cités plus avant. Energie, évidence mélodique, refus
absolu de quitter l’adolescence (quelque part ça se comprend…) l’album sonne
comme un grand voyage dans la machine à remonter le temps. En gros, c’est comme
il y a vingt ans, une époque où le téléphone était pensé pour se parler !
Arrivé à mi-écoute, l’album prend un tour inattendu, moins porté sur les
guitares (encore que) et plus sur la pop électro-kitsch, à base d’orgue Moog,
les Rentals (les années 1990 toujours) ne sont pas bien loin. Une belle petite
réussite qui ravira aussi bien les nostalgiques de tout bord que les amateurs
de pop bien envoyée. Excellent.
Alors que l’album débute avec la douce acoustique « On
my way », on a l’impression de partir pour un beau voyage au cœur des
musiques roots en compagnie de Kesiena (joli grain de voix au passage). Hélas,
rapidement le versant pop de l’affaire prend le dessus, les arrangements
particulièrement d’une grandiloquence digne des années 1980. Quelques bons
morceaux malgré tout (« You may not be the one », « love is all
i have » "It was all written"). Une occasion manquée.
Quelle belle surprise que ce maxi (6 titres) signé
Klangfeld. Ressemblant à peu de choses déjà connues, Klangfeld préfère suivre
sa propre voie plutôt que de recréer les sons du passé. Bien lui en a pris.
Klangfeld se présente de prime abord comme un groupe de rock classique,
batterie, basse, guitare. Ce qui l’est beaucoup moins (classique) par contre,
c’est les compositions de Klangfeld. D’un format moyen assez long, c'est-à-dire
dépassant les trois minutes syndicales, Klangfeld révèle un entrelacs
expérimental où les sensations se bousculent. La musique part dans une
direction puis une autre, entraînant l’auditeur dans une sorte de grand huit
sonore assez ébouriffant. Et le tout en restant toujours assez simple d’accès
(la jolie ballade acoustique « Black Star »). C’est le tour de force
réussi par ce maxi, entraîner l’auditeur hors des sentiers battus sans jamais
tomber dans des expérimentations froides et stériles à la Radiohead (par
exemple). Et sans jamais utiliser le moindre synthé ou manipulation sonore.
Tout est « fait main », car dans sa forme, du moins, Klangfeld se
présente comme une formation rock classique. Belle réussite.
Deuxième effort pour cette artiste originaire du Nigéria,
qui aura eu bien du mal à arriver jusqu’à nous, et la promesse d’un superbe
voyage tout en musique. Réalisant le grand écart entre plusieurs cultures,
Layori chante en langue vernaculaire sur fond musical jazz soul typiquement
occidental. Acoustique chatoyante (guitare sèche, contrebasse), interventions
jazzy des cuivres (le saxophone notamment), Layori est de plus une vocaliste de
charme, tantôt douce, tantôt profonde, ce qui ne gâche évidemment rien à
l’affaire. L’absence de batterie remplacée par un cajon donne une note latine à
l’ensemble et favorise un sentiment d’intimité avec l’artiste. L’album est magnifique.
A première vue, mais à première vue seulement, The Relatives
se présente, à l’instar de The Heavy, comme une version masculine des Bellrays.
A savoir, un savant alliage entre chant soulful à souhait sur une musique
d’inspiration rock. Une écoute attentive permet de mieux définir le style des
Relatives. Moins punk que les Bellrays, The Relatives pencherait plutôt du côté
psychédélique de la chose rock. « Let your light shine » est
peut-être la plus représentative du style : orgue hammond B3, guitare
wha-wha, la chanson est formidable. « Bad Trip » vaut aussi son
pesant de décibels et nous ramène au meilleur des sixties. Les influences black
des Relatives serait plutôt à rechercher du côté du gospel, l’album s’ouvre et
se referme sur des morceaux inspirés par le chant choral à cappella. Cet amalgame entre rock,
soul, blues et gospel ainsi que le chant à plusieurs voix n’est pas sans
rappeler les Temptations (la grande époque « Psychedelic Shack »).
« The Electric Word », le premier album du trio après quelques
quarante ans d’existence, est non seulement une réussite indéniable, sans temps mort ni faute de goût, mais c’est également notre coup de cœur du printemps.
Le disque d’une rencontre, la passerelle entre deux univers.
A ma droite, Joe Driscoll le New Yorkais, c’est la face urbaine du duo. A ma
gauche, Sekou Kouyate, l’Africain incarne quant à lui la facette vernaculaire.
Joignant leurs forces, les deux hommes projettent de ramener le rap et par
extension le blues à ses racines africaines. Et c’est parti pour un beau voyage
le long de ces neuf plages dans les plaines africaines où dominent les
instruments ancestraux (« Passport 1 ») ; dans le fond résonnent
les sirènes et autres bruits de rue estampillés NYC (« Tanama » qui
ouvre l’album et "Birnakely"). L’amalgame prend particulièrement bien sur « Faya 1 »
ou le flow de Joe Driscoll se mêle à merveille à un gombo musical composé de
guitare wha-wha et de divers instruments acoustiques typiques. Plus soulful
« Lady 2 » est une autre belle réussite de cet opus plutôt réussi.
Attention, les chiens sont de retour ! Faisant fi des
traditions les Shaggy Dogs, un des fleurons de notre scène hexagonale soit dit
en passant, ne sont ni vraiment blues ni complètement rock n’roll mais un peu
tout ça à la fois (même si ils sont des bluesmen absolument crédibles). Passant
du garage au pub rock, les Shaggy Dogs ne suivent finalement qu’une seule voie,
celle du plaisir. Et c’est finalement ce que l’on entends tout les long des
treize plages qui composent ce cinquième effort : un groupe qui s’éclate,
dans le binaire comme dans le ternaire. Ce n’est pas plus compliqué que cela et
c’est finalement assez addictif. Les Shaggy Dogs empruntent de ci de là tout en
préservant l’essentiel : une rythmique pleine de groove, des guitares qui
se font tour à tour chatoyantes ou agressives et un piano ou un harmonica bien
senti pour compléter le tableau. Car les Shaggy Dogs savent aussi se faire
soulful à l’occasion. Et qu’importe si les puristes s’arrachent les cheveux, toute
la musique que l’on aime vient du même endroit : du cœur. Avec un cocktail
pareil, les concerts à venir s’annoncent explosifs…
Personnage complexe à la réputation atrabilaire, Bonnie
« Prince » Billy (Will Oldham de son vrai nom) est bien connu pour
avoir été le leader des Palace Brothers, mètre étalon de la country alternative
des années 1990. Après une énième réincarnation, Bonnie « Prince »
Billy est de retour, accompagné de la chanteuse Dawn McCarthy. Le nouvel album
s’intitule « What the brothers sang », les frères en question étant
les Everly Brothers, duo star des années 1950 aussi bien à l’aise avec la
country que la pop ou le rock n’roll. Rejoignant une longue lignée de musiciens
avant eux, McCarthy et Billy rendent ainsi hommage, avec beaucoup de classe, aux héros de leurs premiers
émois musicaux le temps de ce très bel album entièrement composé de reprises
des frères sus cités. En opposition avec la diversité musicale des originaux,
le duo rend hommage au Everly Brothers sur un ton essentiellement country, dans
une démarche qui n’est pas sans rappeler le couple Gram Parsons/Emmylou Harris
à la différence de taille que Bonnie et Dawn ne sont pas amants. Ce qui
s’entends d’ailleurs, le disque sonnant plutôt comme une conversation entre
deux potes de comptoirs évoquant des souvenirs communs. Les voix des deux protagonistes se mariant à merveille. Un album de country
donc, mais assez diversifié, certains titres mettant en avant un violon très
cajun alors que d’autres résonnent plutôt comme des ballades sur un mode lap steel/gratte sèche
(« So sad ») et « Somebody help me » prône une approche
plutôt rock. La country music étant victime de préjugés ridicules dans notre
hexagone, voici un très bel album pour (re)découvrir ce style musical hautement
estimable.
Premier album pour ce mystérieux artiste originaire de
Richmond, Virginie et qui arrive un peu sans crier gare. Brassant les styles,
c’est à une sorte de voyage initiatique que nous convie Matthew E. White.
L’inspiration première semble être le folk, tout part de la guitare acoustique
avec une appétence certaine pour les sons des années 1970 à l’image de la
ballade d’ouverture « One of these days ». Mais ce serait résumer un
peu rapidement le personnage, car cet album nous permet de découvrir un artiste
très soulful par ailleurs. Le piano de « Big Love » semble tout droit
sorti de la Nouvelle-Orléans, on pense à Allen Toussaint. L’album se termine
avec « Brazos », composition de pratiquement dix minutes, sorte
d’éveil spirituel, le gospel n’est pas bien loin. Un album court, sept titres
seulement, mais richement arrangé à force cuivres et cordes. Et puis il y a la
voix de Matthew, à la voix douce et profonde, pleine de nuances, parfaite pour
ses compositions laid back à souhait. Le géant barbu semble nous prendre par la
main pour mieux nous embarquer dans ce beau voyage au cœur des musiques
telluriques étasuniennes.
Audrey Ismaël, la moitié de Smoking Smoking, nous a reçu
avec beaucoup de gentillesse chez elle afin de répondre à quelques questions…
Au début quand j’ai découvert Smoking Smoking, j’ai tout de
suite trouvé la formule, avec un seul piano pour deux chanteuses/pianistes,
unique en son genre. Vous avez débuté comment ?
Audrey (piano/voix) : C’est assez naturel. Vanessa et
moi on se connaît depuis très longtemps, des années. Un jour on était en train
de discuter, comme deux super potes qui refont le monde autour d’un verre. Et
puis on a commencé à chantonner. On faisait toute les deux de la musique, mais
chacune de son côté. On a décidé d’essayer d’en faire ensemble. On s’est
enregistré. Le lendemain on s’est revu pour réécouter ce qu’on avait fait la
veille et qui est ensuite devenu le refrain d’Are we lucky ? On a trouvé
ça pas mal ! On s’est retrouvé chez Vanessa où il n’y avait qu’un seul
piano. Je me suis assise à gauche, Vanessa à droite et on a commencé à jouer.
Je faisais les accords alors que Vanessa arrangeait en direct le morceau. La
formule n’était ni pensée ni conceptualisée. On s’est juste retrouvée toutes
les deux avec un seul piano et une énorme envie d’en jouer (rires).
Vos voix se marient très bien, les harmonies vocales c’est
quelque chose que vous travaillez particulièrement ?
Audrey : Sur l’album on n’est pas automatiquement en
harmonie ni à l’unisson. C’est vraiment au service de la chanson. Parfois
l’unisson donne de la force, on chante la même chose, nos voix se confondent.
Quand on est parties sur des harmonies, elles n’ont jamais été travaillées au
sens classique. Tout vient de la mélodie, une fois qu’on avait trouvé le bon
mariage, ça restait.
Il y a quand même un côté très mélancolique sur l’album je
pense à un titre comme « dancing » par exemple…
Audrey : Oui, c’est un album très personnel. « It’s
all about love », le titre est clair. Après, il y a d’autres titres plus
épiques. En tout cas, on n’a jamais voulu faire une chanson triste, on essaye
plutôt de mettre un état d’âme en musique. On s’inspire autant de nos histoires
personnelles que de personnages fantasmés. Ceux qu’on retrouve dans le
clip : Marilyn, Elvis, l’astronaute, la diva désespérée en fin de carrière
qui attends le retour de son homme… Ces personnages, on a le sentiment de les
porter en nous, ils nous ont inspirés. Vanessa et moi on est très proches, on
est vraiment très amies dans la vie, ça nous a permis d’écrire des textes qui
nous sont très personnels à nous deux, ce qui est assez particulier quand même.
Tu parlais de Dancing, c’est l’histoire d’une danse entre moi (ou Vanessa) et
un marin et du souvenir de cette danse. Mais bon tu vois, ce n’est pas si
personnel que ça, car la chanson ne parle pas d’un marin en particulier mais
plutôt de l’image du marin en général. Ces personnages romantiques, le cow-boy,
le marin… Ces personnages qui nous permettait de parler de nos histoires
personnelles mais de manière très imagée.
L’album est très bien produit et même parfois très arrangé,
« Hold my hand », « Don’t let me down » qui est un peu
jazzy. Comment vous transposez tout cela sur scène ?
Audrey : Parfois on est toutes les deux, comme quand on
est parties en tournée avec Aaron, avant la sortie de l’album. Maintenant on a
un percussionniste avec nous, ce qui donne un côté tribal qu’on retrouve sur
« in circles ». On est parfois très proche de ce qui se passe sur
l’album même si on a seulement un piano et des percussions. On est en train de
travailler sur une tournée pour 2013, idéalement on aimerait que Jérémy, qui a
fait tout les arrangement de cordes sur l’album, et Thomas, qui s’est occupé
des cuivres, nous rejoignent.
L’image est une des composantes principales du groupe...
Audrey : Vanessa est également réalisatrice et
photographe. C’est d’ailleurs comme ça qu’on s’est rencontrée, elle travaillait
comme réalisatrice pour une boîte de production dans laquelle j’étais en stage.
L’image c’est vraiment lié à notre univers musical, les musiques nous inspirent
des images et inversement. Souvent quand on compose une chanson, on se regarde
et on se dit : « T’as vu quoi là ? ». On va avoir l’image d’un cabaret, d’un quai.
Ca inspire directement notre musique. Une fois l’album enregistré, le fait de
le mettre en images était totalement évident et naturel. En plus ça pouvait
être « fait maison » grâce à Vanessa. Après l’enregistrement on est
parties à New York toutes les deux pour faire le clip, la pochette et les
photos de l’album. Smoking Smoking, c’est autant la musique que les images et
vice-versa.
Il y a un côté à la fois très américain et très
cinématographique sur la pochette…
Audrey : Oui cela rappelle les affiches des films de
John Cassavetes. C’est le frère de Vanessa, un graphiste, qui a travaillé sur
la pochette. Il a complètement compris notre idée d’affiche de film, très
1970s. C’était super, on était très heureuses. Et puis tous les noms sont
indiqués sur la pochette, cela permet de mettre en avant les personnes avec qui
on a collaboré qui sont partie intégrante du projet et des chansons que l’on
retrouve sur l’album.
Quel genre de film aurait pu être « It’s all about
love » ?
Audrey : Dans l’absolu, ces personnages pourraient être
dans un film un jour…
Il y a aussi cette ressemblance physique entre vous deux, au
début j’ai cru que vous étiez jumelles…
Audrey : On n’est pas jumelles, juste des amies très
proches. On se connaît depuis des années et pendant des années personnes ne
nous a jamais dit que l’on se ressemblait. Et depuis que l’on a commencé ce
projet, on rencontre beaucoup de personnes qui nous demandent si on est sœurs
ou jumelles ! Même des personnes qu’on rencontre en vacances en dehors des
activités du groupe. Je ne sais pas, c’est peut être naturel vu que l’on
collabore énormément. Il y a des mimétismes qui se créent. Cela tient aussi des
vases communicants, on s’influence mutuellement. On s’est fait découvrir nos
univers respectifs de manière très profonde pour pouvoir travailler ensemble. C’est
un côté que l’on n’a jamais cherché à creuser en tout cas. Ca s’est fait tout seul.
On n’a jamais cherché à se ressembler, c’est juste la complicité créée avec le
temps.
C’est aussi une belle histoire d’amitié…
Audrey : C’est avant tout une belle histoire d’amitié.
On avait déjà travaillé ensemble sur le clip et les photos de mon projet solo.
Et j’ai toujours suivi de très près les projets de Vanessa que ce soit en
matière de musique ou de réalisation. J’ai posé pour elle pour ses photos. On
avait déjà un peu l’habitude de travailler ensemble. C’est une amitié très
forte.
Un petit mot sur le tournage du clip à New York ?
Audrey : Epique ! On est parties toutes les deux.
Encore une fois ce clip à New York cela a été possible parce que on avait déjà
un vécu commun très important Vanessa et moi. On avait déjà tout fait toutes
les deux ensemble. On n’avait absolument pas peur. Tous les flashs d’images que
l’on avait en tête au moment de l’enregistrement on les a trouvé là-bas à New
York. Vanessa était toute seule à cadrer, moi je l’assistais, je tenais les
lumières. On a rencontré des comédiens là-bas notamment l’actrice qui ressemble
à Gena Rowlands. On a eu la chance de tomber sur des comédiens qui ont été très
généreux et qui ont joué le jeu. On est parti deux semaines. Cela nous a donné
plein d’autres idées, d’autres envies. Vanessa a depuis fait des séances photos
qui déclinent l’univers visuel de l’album qui vont donner lieu à une expo photo
et à la publication d’un livre.
Et avant ce clip à New York, il y avait eu une autre vidéo
pour la même chanson réalisée par Mark Maggiori. Que s’est-il passé, c’est
assez rare deux vidéos pour le même titre ?
Audrey : Mark c’est une très belle rencontre, on est
très heureuses de ce clip. On avait envie d’avoir le point de vue d’un
réalisateur. Un regard masculin. Ensuite l’évolution du projet a fait que l’on
a eu envie d’autres images. On avait envie de faire un nouveau clip nous-mêmes.
Les deux vidéos sont très différentes, l’une est en noir et
blanc, l’autre est en couleur. Le clip à New York est beaucoup plus long et
ressemble plus à un court métrage…
Audrey : C’est vraiment quand on a enregistré l’album,
des images nous sont venues alors qu’on était en studio à La Frette. On a eu
envie de noir et blanc. C’est l’évolution du projet…
L’album est sous-titré : « 11 chansons sous
influence ». Quelle influence ?
Audrey : C’est un petit clin d’œil à Cassavetes, au
film « une femme sous influence ». On l’a laissé au singulier de
manière volontaire.
« The man who crashed my heart left for the
moon », c’est un peu mystérieux comme titre…
Audrey : Tout ça c’est des personnages. Le cow-boy,
l’appel à la liberté, ça nous parle, ça nous fait fantasmer. L’astronaute c’est
aussi un personnage. C’est le début du clip, une histoire un peu absurde :
« après cinquante ans d’hibernation sur la lune, l’astronaute revient sur
terre ». La lune, le ciel, les étoiles, c’est des appels à l’absolu, la
liberté. Tant qu’à se faire briser le cœur, autant que cela soit par un homme
qui part sur la lune. C’est plus romanesque. C’est un album très absolu et donc
du coup très romantique.
On dit souvent que pour les jeunes groupes français, l’album
sert de carte de visite pour décrocher des concerts (je précise que ce n’est
pas du tout ce que j’ai ressenti en l’écoutant). Qu’en penses-tu ?
Audrey : Le live et le studio c’est deux choses très
différentes. C’est comme de comparer le théâtre et le cinéma. L’enregistrement
d’un album c’est quelque chose de très intime. C’est très minutieux,
microscopique. On réécoute beaucoup tout ce qu’on a fait. On cherche si une
note de plus ne va pas apporter quelque chose. On a passé des heures et des
heures à enregistrer les voix avec Vanessa. On a pleuré, on a été émues…
C’était très fort et dense. Sur scène, on est en contact avec le public. On
n’est pas sur soi, on essaye de partager quelque chose avec le public. C’est un
travail complètement différent. Les chansons ne sont pas véhiculées de la même
manière. C’est complémentaire. Moi, personnellement, j’ai très envie de faire
des concerts.
Tu parlais de l’enregistrement comme d’un moment d’intimité,
comment est-ce que le groupe s’est senti quand le disque est sorti dans le
commerce ?
Audrey : C’était un peu fou. Pour Vanessa et pour moi,
c’est notre premier disque qui sort dans le commerce. Quand on a vu notre album
à la fnac la première fois, c’était l’euphorie. C’est tellement de travail…
Après le sentiment se dématérialise, on ne se rend plus vraiment compte. On a
reçu beaucoup de messages assez touchants. On avait quand même hâte de le
sortir cet album, c’est comme un accouchement après une gestation. On n’avait
pas peur.
« Are we lucky ? », vous êtes chanceuses
finalement ?
Audrey : Ah oui ! Mais ce n’est pas la question
soulevée par cette chanson. Notre destin ne dépend pas de la chance. Chanceux
ou pas, il faut se décider, vaincre ses peurs et se lancer dans un chemin qui
nous correspond. Après la chance elle vient ou pas. En l’occurrence, sur ce
projet on a plutôt été chanceuses. Tout ce qui se passe depuis deux ans, nous
fait dire que l’on est sur le bon chemin.
Carpe Dièse, école de musique par visioconférence, propose
une formule innovante dispensant des cours de musique par le biais d’un
ordinateur et d’une webcam, utilisant le logiciel skype. Si la formule n’est
pas vraiment idéale, elle permet néanmoins aux aspirants musiciens isolés, ne
pouvant se déplacer facilement ou tout simplement victime d’un emploi du temps
trop chargé de pouvoir malgré tout profiter d’un enseignement musical. Dans les
faits, il faut dans un premier temps s’inscrire sur le site internet.
Rapidement le conseiller pédagogique vous téléphone afin de définir les
contours de l’enseignement désiré et d’établir un rendez-vous pour un cours
d’essai gratuit. Il faut au préalable passer un test de connexion (de bande
passante précisément) afin de s’assurer que vous disposez du matériel
informatique adéquat. Il est dommage cependant que ce test doive se faire par
l’intermédiaire d’un site extérieur, et de supporter par la même de la publicité.
Avant ce fameux cours d’essai, Carpe Dièse vous fait parvenir par email, de la
documentation (par nécessairement utile) par email. Arrive le jour J et le
professeur est là, de l’autre côté de l’écran guitare en main pour ce premier
cours d’une demi-heure. Attention, seul ce premier cours d’essai est
individuel, le reste de l’enseignement est collectif et les cours ont alors une
durée de 40 minutes, ce qui laisse songeur (MAJ on m'annonce qu'il est possible de continuer les cours individuels ensuite). Si le professeur est plutôt sympa
et tout à fait compétent, l’expérience s’avèrera un peu frustrante. On a
parfois du mal à se voir et il faut changer l’ordinateur portable de position
afin de bien pouvoir observer le cours. L’image se fige de temps en temps et on
a globalement un peu de mal à se faire entendre et comprendre, du moins plus
que dans la vraie vie il me semble. Les cours suivants étant collectifs, le
risque de cacophonie me semble réel. J’insiste sur le fait qu’il est nécessaire
d’avoir à sa disposition du matériel informatique relativement récent car en
plus de l’enseignement via Skype, le professeur fait parvenir des partitions en
pdf qu’il faut ouvrir pendant le cours afin de les travailler. Le risque de bug
n’est pas loin. La demi-heure passe vite et s’achève finalement avant que l’on
ait pu aborder les points prévus au préalable (ce qui aurait été le cas de toute façon lors d'un cours physique). Une fois le cours terminé,
l’élève se rend dans son espace de révision personnalisé sur le site de Carpe
dièse ou on trouve des vidéos récapitulatives des points à réviser avant le
cours suivant. Prendre des cours de musique à la MJC (par exemple), c’est aussi
l’occasion de rencontrer, d’échanger avec d’autres élèves pratiquant un
instrument différent, ce qui peut parfois donner naissance à un projet
artistique. C’est un peu dommage de s’en priver en restant chez soi devant son
ordinateur portable… A chacun de voir…
Informations et tarifs sur le site de Carpe Dièse.