jeudi 13 septembre 2012

Interview avec les Wankin’ Noodles





Quelques heures avant de mettre la maroquinerie à feu et à sang, les sales gosses mais absolument charmants et très rigolos des Wankin Noodles, installés dans leur loge, prennent le temps de répondre à quelques questions. Chez les Wankin Noodles tout est une question de style. Tirés à quatre épingles, dans leurs tenues de scène, chemises et cravates, le groupe est en pleine préparation d’avant concert. Le chanteur Régis, un peigne dans une main, la mousse coiffante dans l’autre, en pleine effervescence capillaire pré-concert, nous accueille. On ne plaisante pas avec la classe !  

Vous avez le bonjour des Manceau !
Wankin’Noodles : Ah cool ! Pareil !

Il y a une grosse émulation sur la scène Rennaise en ce moment…
WN : On a plein de groupes que l’on connaît depuis plusieurs années et tout le monde sort des disques en même temps. On commence à avoir des groupes qui font parler d’eux au niveau national. Souvent on reproche aux groupes qui ont fait les transmusicales, comme nous, de ne pas sortir de Rennes. Ce qui est dommage. Là on est quelques uns à s’être mis le défi de sortir de Rennes et de le faire bien. Ce qui intéressant c’est que chacun à des expériences individuelles qu’il partage avec tout le monde. On s’entraide, on se prête du matos, on se file des coups de mains… C’est super intéressant. C’est assez vivant et ultra dynamique.

Alors, les Wankin’Noodles, comment vous avez commencé ?
WN : Comme beaucoup de jeunes des Côtes d’Armor, on a fait nos études supérieures à Rennes. On s’est retrouvé d’un coup dans une grande ville, qui brasse les musiciens. On était tous un peu musiciens avant. On s’est retrouvé et on voulait fonder un groupe ultra énergique, très scénique. On s’est retrouvé par hasard, tu connais un musicien qui connaît un musicien… Tu fais une soirée avec untel qui a fait une soirée avec untel… Au final tout le monde se connaît un peu… Au début on était juste quatre mecs qui ne se connaissait pas vraiment beaucoup mais qui avaient les mêmes influences et on avait envie de croquer de la scène très vite…

Wankin’Noodles (tentative de traduction hasardeuse : Nouilles Branleuses, ndlr), ça vient d’où ?
WN : Ca sonne super et ça ne veut rien dire…

Pas de référence onaniste donc…
WN : Plus le côté branleur disons (rires)… Nous sommes d’incroyables branleurs (rires) ! Enfin, nous sommes des éternels adolescents. Et l’adolescent masculin reste un branleur. Et puis un nom qui accroche sans avoir de réelle signification collait bien au projet qui se veut très accrocheur et qui se revendique très stupide, très débile. On n’est pas du tout engagés… Nos sujets sont toujours très simples. On nous pose la question assez souvent et on commence à développer une sorte de parano sur le sujet. Rolling Stones ça ne voulait pas dire grand-chose. Supergrass non plus (ça, ça reste à voir, ndlr). C’est une identité qui correspond à notre musique et à l’état d’esprit dans laquelle on la fait.

Chanter en français pour un groupe garage, musicalement assez typé US, c’était un défi ?
WN : OUI ! C’était un vrai défi qu’on nous a posé. Pour le côté garage, Dutronc était assez garage. Peut-être que nous on fait un travail tautologique pour en arriver à la conclusion que Dutronc était très sixties comme le garage rock. Pour nous ça reste le même travail, chercher des hymnes, des formules accrocheuses. C’est plus compliqué en français, ça peut très vite tourner au « vinaigre variet ». Ca prend du temps. En trois mots tu peux flinguer un titre. Tout dépends de l’écriture, de l’orchestration, du mix. Nous l’album on l’a voulu très anglais, très rock n’roll, assez violent. Avec le traitement français, la voix au-dessus des instrumentations, tout de suite… C’est une vision très anglaise de textes en français, tout simplement. On trouvait ça intéressant, beaucoup de groupes qui chantent en français… Font du français. Nous ce n’est pas ça. On ne se reconnaît pas dans le rock français, tous ces gens qui bâtissent du post-Noir Désir. Ca, il n’y a que Noir Désir qui a réussi à le faire.

C’est le problème du rock français…
WN : C’EST LE PROBLEME DU ROCK FRANÇAIS (rires) ! Nous on n’a pas eu l’impression de se vendre. Mais on a essayé plein de trucs. Franchement ça a été un gros labo. Il y a des fois on se disait « on est en train de se vendre » simplement par ce que le résultat ne nous plaisait pas. Mais sur cet album, on n’a mis que des choses que l’on a envie de voir en live. On les a mis sur disque par ce qu’on arrive à les maîtriser, à sentir et à défendre. Il n’y a rien de FM pour attirer le chaland. Passer derrière les BB Brunes on s’en fout. « Tu dormiras seule ce soir » est notre single par ce qu’il s’agît de notre titre le plus accrocheur, pas parce qu’elle est en français même si c’est cool que les gens la comprennent. Mais l’exercice est très amusant. Quand on arrive à avoir des choses qui nous font plaisir. Ca devient vachement très divertissement, c’est très fun d’être compris directement sur un concert. Quatre vingt dix pour cent de nos dates ce sont quand même passées sur le territoire français pour l’instant. On travaille la formule par ce que c’est assez jouissif d’être compris tout de suite. Le public tend l’oreille différemment. L’écoute et l’attention sont complètement différentes.


Votre réputation scénique vous précède. La scène vous excite ?
WN : Complètement. C’est le moteur du groupe. Si on a fait un disque, monté un groupe, un label, tout ça c’est pour faire du live. C’est cette vie là qu’on veut. Même l’album a été enregistré dans les conditions du live, dans une salle de concert. L’ubu à Rennes. On l’a enregistré tous ensemble comme pendant un concert pour retrouver cette sensation là quand on écoute le disque. Le groupe est tellement lié à la scène… On ne voyait pas d’autres manières de faire. On n’était pas persuadés, contrairement aux labels, que les gens auraient envie d’entendre les chansons « posées », mises à plat, travaillées. En fait on essaye de capter sur disque les « moments ». Comme quand on est en concert, qu’on joue ensemble, il y a des « moments » où il se passe quelque chose. On voulait capter ça, cette grâce, quitte à garder les erreurs. Il y a des pains sur l’album, mais ils font partie de notre musique.

Comment est-ce que vous vous êtes retrouvés en Russie et en République Tchèque ?    
WN : On est des enfants des Transmusicales. On a pu faire plein de dates grâce au concert des Trans. Ca nous a beaucoup apporté. La petite cerise sur le gâteau, c’est que l’année suivante ils ont fait deux transexports en Russie et en République Tchèque. Moi (Régis le chanteur, ndlr) qui ai peur de l’avion j’y suis allé. Au final c’était une expérience incroyable.

Qu’avez-vous retiré de ce voyage ?
WN : De l’envie ! Les concerts étaient vraiment super, les gens ont accroché. On est français et pour l’instant on joue principalement pour des français sur une culture qui est finalement très anglo-saxonne mais vue de France. Là c’était l’occasion de confronter tout ça à un public qui a une culture complètement différente. Le rock n’roll en Russie, on ne l’a pas forcément au biberon. D’ailleurs ils n’en peuvent plus de ce qu’ils entendent chez eux, que des djs qui jouent une espèce de techno à moitié 80s… Les petits artistes sont très mal représentés. Là-bas il n’y a que des têtes d’affiches, des gros noms et pas de première partie… C’était d’ailleurs assez marrant pour nous de faire les festivals au milieu des stars. Après on n’est pas non plus entré en profondeur dans la culture russe. On est resté trois jours pour deux concerts… Mais c’était incroyable de confronter notre musique à l’autre bout du monde… Ca nous confirme dans notre envie de faire du live et de tourner partout où on pourra.

Votre album sonne très garage, pensez-vous que cette scène est en train de se développer en France ?
WN : Elle a toujours été là. Mais elle a toujours vivoté. On peut se demander d’ailleurs c’est quoi le garage ? Pour nous c’est un son et un esprit de groupe. On ne fait pas la même musique que les Hushpuppies mais eux aussi revendiquent cette culture garage rock. Cette culture sixties… Nous on n’est pas un groupe revival, on ne se revendique pas non plus comme l’incarnation parfaite du garage. Tu prends les Hives, ils se considèrent comme le plus grand groupe garage du monde alors qu’ils deviennent de plus en plus un groupe de stade, qu’on adore cependant… Et pour toi c’est quoi ta définition du garage ?

Une réinterprétation sauvage et rock n’roll des musiques black…
WN : Ca rend pas mal.

Quelques mots sur votre chanson « Paris » ?
WN : Précision importante, « Paris » n’est pas une chanson pour chier sur Paris. On n’espère pas la vendre à l’OM… C’est surtout une chanson pour chier sur le parisianisme ou du moins sur une certaine conception de la chose. Evidemment, Paris c’est beau et il y a des trucs supers. Mais nous on est un groupe de province et quand on vient jouer ici, il y a parfois des parisiens qui arrivent à te persuader que Paris est vraiment incroyable et que toi tu n’es vraiment rien… Les conditions sont cent fois mieux en province pour faire des concerts. Quand t’arrives à Paris souvent, mais pas tout le temps, tu passes pour le tocard de province. Nous on est les provinciaux, c’est vous les tocards ! Encore une fois, on aime bien taper débilement sur ce qui nous embête… Tout est dans les paroles. Quand on chante : « La ville est fière de ses remparts qui n’abritent plus grand-chose » on ne s’en prends pas à Paris. Pourquoi il y a un tel décalage entre ce qui se passe à Paris et ce qui se passent en province à tel point que les parisiens ne sont même pas au courant de ce qui se passe chez nous ? Il y a des gens en province qui développent un état d’esprit très anti-parisien. Alors que nous on a côtoyé des groupes parisiens qu’on a trouvé énormes. En fait on essaye juste de faire chier un petit peu pour provoquer une réaction. On est parti de ce constat musical mais c’est valable pour tout, dans l’art ou la culture en général. On ne cherche pas à créer le conflit, Paris c’est aussi une rigolade, cette chanson on la joue en concert quand on vient ici. Paris est faîte de provinciaux de toute façon. Nous on n’a pas eu de retours négatifs en tout cas.

Elle vous a fait quoi Beth Ditto, au juste ? (Chanteuse de Gossip, la question fait  référence au titre « Kill Beth Ditto » des Wankin’Noodles,  ndlr)
WN : C’est un peu le même principe de la petite baffe. Quand on a écrit cette chanson, Beth Ditto était partout. Il y a une histoire, on est un peu des conteurs, toute simple : nous, les Wankin’Noodles sommes un groupe de rock n’roll et notre ambition est, clairement, de conquérir le monde. Comment fait-on ? On traverse l’Atlantique, en super-héros, tu arrives à New York et au milieu de la hype new-yorkaise il y a l’énorme Beth Ditto qui mange les hipsters, qui erre dans les rues et écrase les voitures. En résumé elle nous barre le passage. Donc nous on se met à son niveau et on va lui péter la gueule. On va te péter la gueule (il insiste). Et du coup on lui péte la gueule. On justifie notre acte. C’est le droit chemin. Dans les paroles on dit : « on va tous vous sauver », on va vous sauver de son joug tyrannique… Beth Ditto c’est probablement quelqu’un de super cool, c’est ce que les médias on en fait et ce qu’elle représente qui nous pose problème. Tout comme on tape sur Paris. Gossip a probablement fait aussi la maroquinerie (où se passe l’interview, ndlr) à l’époque où le groupe était super underground. Et quatre ans après ils passent à Bercy et tout le monde se reconnaît là dedans, dans une espèce de grand-messe. Nous on n’a pas envie de susciter ça. Si un jour on remplit Bercy, j’espère que les gens n’auront pas peur de nous dire des fuck. Nous on a envie de s’en prendre au « sacré ». Ce qui devient sacré, il faut le désacraliser, faire pipi dans un coin, comme dans une église (rires). « Kill Beth Ditto » c’est exactement ça.

Et « Tu dormiras seule ce soir » (le premier single du groupe, ndlr) ? Une copine m’a demandé si vous aviez des problèmes avec la gent féminine ?
WN : Oh non, pas du tout !!!!

Plus sérieusement, c’est un peu gonflé comme titre pour un premier single…
WN : Ouais (très fier d’eux). Encore une fois c’est traiter d’un sujet qui concerne tout le monde, les relations garçons-filles, d’une manière inédite. Mais le morceau fonctionne aussi du point de vue d’une fille et être rapidement transformé en sens inverse. Le sujet s’est imposé assez naturellement puisque c’est arrivé à tout le monde (de se faire larguer, ndlr). Et qui n’avait jamais vraiment été traité de cette manière là. Nous on n’aime bien aller taquiner un peu… On a écrit cette chanson, assez bête et méchante sur le mode, je te quitte parce que tu me casses les couilles… C’était assez intéressant. Souvent c’est « tu m’aimes plus, je suis triste par ce que tu m’as quitté, je t’aime plus bla bla bla »… Jamais personne n’a jamais dit : « TU ME FAIS CHIER, DEGAGE !!!! » (rires). Une aubaine comme ça, on n’allait pas passer à côté, évidemment ! C’est un sentiment fort, on a essayé de l’exprimer avec des mots simples, c’est ça qu’on cherche aussi. On est plus littéral que littéraire.

J’aimerai, à titre personnel, avoir quelques explications sur le titre « Rex Régis »…
WN : C’est du latin, et ça veut dire le roi où le maître (Rex est la racine latine du mot roi mais aussi des prénoms Régis et Régine, ndlr). On parle du point de vue d’un personnage qui ne souhaite que le pouvoir. Qui décide un beau jour de s’accomplir et de monter au château pour mettre du sang sur la couronne. Il va tuer le roi, il ne veut plus avoir de maître, il va devenir le maître. Il va devenir le pire des dictateurs. Cela s’adresse aux gens qui font de la politique ou ce genre de choses. Et qui se fichent que ce pouvoir va peut-être les anéantir eux-mêmes. Le dictateur finit souvent assez mal en général. C’est sa voie de monter tout en haut, de faire saigner le peuple et pleurer les braves gens. Il le dit d’ailleurs, il ira en enfer mais ce n’est pas grave parce que tous ces potes sont déjà là-bas. C’est un morceau qui a beaucoup évolué avec le live. On gardé cette trame qui venait du live sur l’enregistrement. Avec une montée psychédélique très malsaine. C’est dans la continuité de l’album, un thème, le pouvoir, qui nous fait marrer.

Comme avec Beth Ditto ?
WN : C’est un peu différent. C’est un peu plus abstrait. Mais il y a une continuité, une trame qui se tient. Les femmes, le pouvoir, la luxure, le vice… C’est du rock n’roll tout ça (rires). C’est un album de gangsta-rap en fait. Snoop Dog n’aurait pas fait mieux (rires) ! Mais on reste très polis, je pense. Les textes sont assez élégants, on essaye d’être classieux. A part « Kill Beth Ditto » où il y a quand-même un appel au meurtre (rires) ! Ca serait bien qu’elle trouve ça drôle. Je trouverais ça super, si un jour on se retrouve sur le même festival, qu’elle vienne sur scène avec nous pendant « Kill Beth Ditto ». Si nous on monte pendant qu’elle descend, on va peut-être se rejoindre à un moment. On verra…

Un petit mot pour finir sur le label que vous avez monté ?
WN : La wankin’noodles company ! On était deux doigts de signer avec un label. Mais on s’est rendu compte qu’on était à des kilomètres de ce qu’on avait envie de faire. En France notre démarche allait difficilement être comprise des labels. Il y a un public qui avait envie de nous voir en concert, tout risquait de retomber à force d’attendre. Le groupe était en pleine mutation, le line up avait changé. L’album était en cours d’écriture, la ligne directrice était de plus en plus claire, il fallait faire du rock n’roll pur sang, sans diluer. Les labels ont vu le français, des choses qu’ils voulaient développer pour être « bankable ». Et nous on a senti que l’attente allait nous tuer, il fallait provoquer ce premier album, très vite. Le gros avantage, même si c’est beaucoup de boulot par ailleurs, c’est d’avoir vraiment les clés de la création. On a fait ce qu’on voulait : on n’est pas allé en studio mais dans une salle de spectacle, on a fait un album volontairement court, le clip nous correspond exactement… Les pochettes, tout viens de nous et c’est super important pour le groupe et tous les gens qui travaillent avec nous, l’éditeur, l’équipe technique etc… On a vraiment travaillé avec cette notion d’équipe, de collectif, et tout ces gens ont été associés à cette idée de label. On a réussi à faire une sortie sans qu’une personne moins impliquée, mais qui signe les chèques, ne vienne mettre son nez dans nos affaires. On a peut-être mis de côté les études de marché mais c’était pour pouvoir aller au bout de notre démarche. C’était une nécessité pour nous d’aller vite. Comme pour le live. On sait où est notre métier, on sait ce qu’est notre travail sur ce projet, il ne fallait pas faire autre chose. Pas pour l’instant en tout cas. C’est bien beau d’être signé encore faut-il que le contenu te plaise à 100 %. J’espère que les groupes signés peuvent y prétendre, en tout cas nous, sans être signés, c’est ce qu’on est allé chercher. Sans, bien sur, fermer la porte à une signature. Il faut que les conditions nous conviennent et que l’on puisse faire l’album qui nous plaît.

C’est aussi beaucoup de responsabilités, de tâches administratives… Beaucoup laissent tomber parce que c’est trop prenant…
WN : Ca on va le découvrir avec le temps… On en est au tout début. On a la chance d’être entourés, d’autres groupes comme Manceau par exemple, se sont lancés dans la création de label. Il y a beaucoup d’entraide entre les groupes. C’est aussi parfois beaucoup de stress, mais c’est le prix à payer et on est prêt à le payer. On reste positifs dans notre démarche. On apprend, on se développe. On verra où on sera dans six mois, dans un an…


Propos recueillis le 25 avril 2012. 

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