dimanche 27 avril 2025

Principles Of Joy : « Live at CXVIII »

 


« Pour que ça sonne funky, faut que ça vienne de Seine-Saint-Denis » clamait au siècle dernier le Suprême. Prêt de trente ans plus tard, le label Q Sound confirme l’antienne œuvrant dans une soul classieuse et de haut niveau à tel point que l’on pourrait confondre les sorties de Q Sound avec celles d’un autre célèbre label branché basé à Brooklyn (un compagnonnage confirmé ici par la reprise de « Your thing is a drag » de la regrettée Sharon Jones). Les Principles Of Joy sont à Q Sound ce qu’était naguère les Dap-Kings pour Daptone. Un vaisseau amiral au sein duquel on retrouve Rachel Yarabou au chant et Ludovic Bors au claviers, les deux fondateurs du label. Le présent disque est leur quatrième et leur tout premier enregistrement live, comme si le temps était venu de poser les choses, résumer tout ce qui a précédé pour mieux appréhender l’avenir. Enregistré à l’ancienne sans filet, l’album a tout de la time-capsule, ça s’est passé là à tel moment et à l’écoute tout indique que les absents ont eu tort. Fidèles à la grande tradition soul, le groupe respecte, avec beaucoup de talent, tous les codes du genre tout en imprimant leur propre personnalité à l’idiome. Les envolées de guitares quasi psychédéliques (« Girls be like », « Start From Scratch »), l’influence hip-hop (« Ablaze »), sont autant d’indicateurs en ce sens et contrastent avec le gospel qui infuse « First Times ». Mais il s’agît avant tout d’une collection de chansons de haut niveau (« Soulmate ») délivrée avec beaucoup de cœur et de passion par un groupe de musiciens virtuoses et une chanteuse débordante de feeling. Une chance que ce concert mémorable ait été gravé sur bandes pour l’éternité.

En concert le 5 mai au Supersonic (avec The Mercurials)

https://www.facebook.com/principlesofjoy

https://q-soundsrecording.bandcamp.com/

https://www.principlesofjoy.net/




samedi 26 avril 2025

Eli "Paperboy" Reed + The White Bats, La Maroquinerie, 25 avril 2025.

La soirée débute de superbe manière avec une magnifique découverte en la personne du groupe The White Bats, un quintet français pratiquant une soul de grande classe, dans la grande tradition du style tel qu’il était pratiqué dans les années 60 et 70. Le falsetto du chanteur/guitariste est remarquable et se classe en digne successeur de glorieux aînés, c’est de plus un remarquable guitariste aux soli ravageurs qui ajoutent une note de rock’n’roll à la musique et complète remarquablement le groove de la section rythmique. Un moment d’anthologie, une reprise totalement soulful et réapproprié du « Love the one you’re with » de Stephen Stills, comme quoi la formation n’est pas totalement étrangère au folk rock.

Dire qu’on l’attendait avec impatience serait mentir, avouons plutôt, honte à nous, qu’on l’avait un peu oublié : sept ans après un dernier passage Eli Paperboy Reed est de retour sur une scène parisienne pour fêter ses vingt ans de carrière (déjà!) et la réédition en vinyle de son tout premier album, introuvable en physique depuis des lustres. Un moment particulièrement émouvant pour l’auteur de ces lignes, qui a commencé ce blog à peu près au moment (2007) où le deuxième album de l’artiste est sorti (2008), qui l’a suivi depuis le début et même interviewé en 2016 ! Autant dire qu’il s’agît en quelque sorte de retrouvailles ! Même si Eli a quelque peu forci physiquement et que sa ligne s’est arrondie, un petit coup de vieux, sa musique reste aussi fraîche qu’au premier jour et est délivrée, en live, avec un enthousiasme jamais renié. Un groove dévastateur bien souligné par un duo de cuivres funky qui propage une onde de bonne humeur dans les travées de la Maroquinerie et qui alterne avec des moments plus émouvants d’Eli, qui a également joué de l’harmonica une première, en solo guitare/voix. En résumé une soirée très réussie qui a vu Eli revisité son répertoire depuis ses débuts, et joué quelques chansons de son dernier album en date, sorti en 2021, consacré aux reprises du chanteur country Merle Haggard, passé totalement inaperçu par chez nous. C’est en affichant un grand sourire que l’on quitte la Maroquinerie, ces retrouvailles font du bien.

jeudi 24 avril 2025

The Mercurials : « Tend the fire »

 


Faisant fi du temps, des modes et du reste, qui passe et repasse, The Mercurials, de Montreuil, creuse son sillon. Après un premier EP, voici un album inaugural qui nous ramène dans la Perfide Albion de 1979, quand le reggae et le punk fusionnaient en ska. Pour résumer la chose simplement, The Mercurials c’est du groove, des cuivres et, surtout, une classe absolue. On pourrait s’extasier des heures durant sur la précision rythmique du groupe, ciselée au millimètre, mais tout cela ne serait que littérature inutile. C’est tout simplement un album ensoleillé, lumineux, de la part de musiciens qui fantasment le soleil depuis Montreuil (« Omnia Sunt Communia »). Finement écrit le disque regorge de tubes ultra efficaces, tel que ce « Fire in the house » prompt à tout ravager sur scène et dans la fosse. Probablement trop jeunes pour avoir vécu en direct l’explosion du mouvement auprès du grand public à la fin des années 70, The Mercurials en respecte pourtant tous les codes tout en appliquant sa propre culture au genre. Ainsi, bien qu’ancré dans ce style, ultra codifié, le ska des Mercurials est teinté de multiples influences, un flow quasi rap ici, des envolées rock des guitares là (« Omnia Sunt Communia »), des échappatoires vers la soul ou le jazz (« I don’t wanna talk about politics ») via des chœurs beaux à vous briser le cœur (« Lonely Boy » ; « What is wrong with me ») qui donnent finalement un album varié, colorié et toujours sautillant en dépit de la gravité du propos. L’écouter, c’est déjà une bonne façon d’aborder le printemps.

En concert le 5 mai au Supersonic (avec Principles of Joy)

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mercredi 23 avril 2025

Little Barrie & Malcolm Catto : « Electric War »

 


Longtemps, la quête d’un batteur s’est révélée loin d’être un long fleuve tranquille pour Little Barrie. Le duo composé Barrie Cadogan (guitare) et Lewis Wharton (basse) a écumé les musiciens : Billy Skinner sur le premier album (2005) avant de tomber sur la perle rare en la personne de Virgil Howe (par ailleurs fils de Steve Howe, le guitariste de Yes). Un batteur racé pratiquant un subtil alliage entre groove et puissance, propre à propulser le garage rock du trio dans une nouvelle dimension. Un édifice longtemps et patiemment édifié qui s’est soudainement écroulé du jour au lendemain, suite au décès, inattendu et prématuré, de Virgil Howe en 2017. Depuis, Little Barrie (le groupe) végète ; fantastique guitariste virtuose, Barrie Cadogan part alors jouer les spadassins assermentés de la six cordes auprès de tout ce que la Perfide Albion compte de superstars de Liam Gallagher à Morrissey en passant par Primal Scream. Jusqu’à trouver une nouvelle association avec un (énième) nouveau batteur, Malcolm Catto et un premier disque en commun, « Quatermass Seven », sorti discrètement en 2020, pandémie oblige. Ancien membre des Heliocentrics, un fleuron de la soul britannique, Malcolm Catto possède tous les atouts du suspect idéal. Un sens du groove idoine qui le place en parfait contrepoint des deux autres, Barrie Cadogan et Lewis Wharton, très marqués eux par le rock garage et psychédélique. Ainsi, ce nouvel effort s’inscrit parfaitement dans la discographie du groupe. Une suite logique, qui s’apparente parfois à une jam psyché et planante (« Creaky ») où la guitare ensorcelle, où la basse séduit avec un son rond très sixties et où la batterie fait office de gardien du temple, permettant à tout le monde de rester dans les clous, tout en imposant un groove bienvenu (« Sick 8 »). Cette notion rythmique a toujours été essentielle pour le groupe, qui a parfois flirté avec le funk (réécoutez « Just Wanna play » sur le sublime deuxième album), et dont le guitariste, bien que maître de la pédale fuzz, n’a jamais abusé du gros son saturé. Pour peu que l’association avec Catto tienne, le trio semble reparti sur de bonnes bases. Cet excellent nouvel effort est là pour en attester.

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lundi 21 avril 2025

Richard Thompson, Le Café de la Danse, 20 avril 2025.

Sans artifice aucun, seul avec sa guitare folk, Richard Thompson nous a régalés en ce dimanche soir. Là où d’autres se révèlent soporifiques dans l’exercice, Richard Thompson lui excelle. Il faut dire qu’il a beaucoup d’humour et un recul vis à vis de son parcours qu’il peut bien se permettre, il n’a plus rien à prouver à son age. Il s’amuse de jouer dans un endroit nommé le Café de la Danse, tout en s’empressant de préciser aussitôt qu’il est impossible de danser sur sa musique, avant de ravir le public d’anecdotes et de souvenirs du Swinging London des années 1960 qui l’ont vu débuter comme musicien. Justement, en parlant des années 1960, quelque chose nous dit que sa manière de présenter sa musique, seul avec sa guitare, n’a guère changé depuis. C’est en tout cas une première pour nous, les deux fois précédentes, il était en trio. Le solo met en exergue ses qualités de musiciens. Son poignet frotte les cordes avec conviction et un placement rythmique impeccable, signe de l’expérience, et emballe le public comme s’il jouait en groupe. Lorsque l’émotion est mise en avant, il y a beaucoup de feeling dans ses arpèges. La soirée est divisée en deux sets, et après une petite pause, c’est accompagné de son épouse, la chanteuse Zara Phillips, que le chanteur revient sur scène pour revisiter son parcours, aussi bien avec Fairport Convention qu’en solo, notamment son sublime « I want to see the bright lights tonight » de 1974, enregistré avec son épouse de l’époque, Linda Thompson. Un très beau concert.

dimanche 20 avril 2025

François Premiers + Pleasures, Supersonic Records, 19 avril 2025.

La soirée débute avec Pleasures, quartet rock garage assez classique, plaisant quoi qu’inégal, qui marque surtout les esprits lorsque le groove s’emballe et que la musique semble transpercée par le funk rock. Plutôt pas mal pour débuter.

Vient ensuite le gros morceau de la soirée, les François Premiers, un groupe qui tire son patronyme du patronyme commun aux deux chanteurs, deux personnages incontournables du rock au Havre : Frandol (Roadrunners) et François Lebas (Fixed Up, Backsliders entres autres.) Si la troupe n’a pas encore d’album à son actif, elle reste sur une série remarquable de quatre 45 tours, où il n’y a absolument rien à jeter, entre compositions originales et reprises choisies avec grand soin, Flamin’ groovies ou les Standells qu’ils interpréteront ce soir sur scène. C’est surtout un événement assez rare dans la capitale où ils n’ont pas remis les pieds depuis 4 ans. Entre les guitares déchaînées des deux François et le groove infernal de la batterie, le quintet trouve un peu de place pour l’ingrédient spécial qui rend la chose unique. Passant de la mandoline au sitar, tout électrique évidemment, Cyril transfigure le garage rock en psychédélisme, faisant revivre les grandes heures du mouvement, là-bas dans les lointaines sixties. Une prestation en forme de grand huit marquée par des éclairs saturées des guitares et une grande classe affichée du début à la fin qui redonne foi dans le rock’n’roll de chez nous.

https://www.facebook.com/FrancoisPremiers

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samedi 19 avril 2025

Red Beans & Pepper Sauce : « Supernova »

 


Fanatique de rock’n’roll autant que de soul, raide dingue des BellRays et autres Noisettes, il faut bien l’avouer, on a toujours eu un petit faible (voire plus) pour la formation menée par Jessyka Aké qui incarne, en France, ce genre de courant mixte. Malgré tout, le groupe avait une recette récurrente, celle de se cacher derrière un mur de guitares, amplis et potards dans le rouge, qui relevait de la facilité. Rien de tel ici. Avec ce nouveau disque le quintet renverse la table et accueille à grands bras ouverts la diversité de ses influences (cf. la syncope funky de « Another One », le psyché garage « Same Old Story » et de « Gone in the sand »). Et même lorsque le métal pointe, en dépit de tout, le bout de son nez (« Hel ») c’est avec discernement et distanciation, desquelles résulte une certaine maîtrise du volume sonore, et un solo de guitare virtuose de Sir Laurent Galichon. Le bonhomme n’est pas manchot, ses compères non plus : Serge Auzier aux claviers, Pierre Cordier à la basse et Niko Sarran derrière la batterie. Et pourtant la joyeuse bande à réuni un casting d’invités cinq étoiles : Yarol, Fred Chapellier, Manu Lanvin, Johnny Gallagher, Sax Gordon, Fred Wesley et Boney Fields (et pardon à ceux qu’on a oubliés) et au bout du compte une reprise d’anthologie de « I want to take you higher » (Sly and The Family Stone). Non seulement la proposition musicale s’en retrouve grandement enrichie, l’album varié, mais rarement la chanteuse Jessyka Aké n’avait trouvé un tel écrin propre à faire éclater au grand jour l’étendue de ses qualités vocales. Sans conteste, le meilleur album du groupe.

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https://www.redbeansandpeppersauce.com/




vendredi 18 avril 2025

Richard Thompson : « Ship to shore »

 


Toujours fringuant en dépit de 80 printemps, Richard Thompson, qui fût un membre fondateur de Fairport Convention, continue son parcours musical, entamé en 1972, et regarde vers le large. C’est en effet dans une ambiance maritime que ce déroule ce nouvel effort de la légende du folk britannique, et qui teinte ses nouvelles chansons d’arrangements à tendance celtique (« Freeze »). Et chez Thompson, l’océan est agité, la mer est vivante, le bateau tangue. Il est nullement question pour le chanteur d’enregistrer un disque contemplatif, le soleil couchant sur la plage, très peu pour lui. Pas question de s’endormir ! Les nouvelles chansons sont enregistrées plein pot et la rythmique pulse à plein régime (« Trust » ; « The Old Pack Mule » ; « Turnstile Casanova »). Un dynamisme qui lui sied à merveille et qui est à l’unisson de son écriture, toujours de très grande qualité. C’est le grand avantage que possèdent les musiciens expérimentés, à qui on ne la fait pas, eux connaissent les recettes qui marchent à tout les coups. Preuve en est ici apportée.

En concert le 20 avril au Café de la danse.

https://www.richardthompson-music.com/

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vendredi 11 avril 2025

Lowland Brothers + The Fran-Tones, New Morning, 8 avril 2025.

La soirée commence de superbe manière, c’est un magnifique plateau qui nous attends en ce mardi soir ! On débute donc avec un tout nouveau groupe, si les informations sont exactes il s’agît là de leur deuxième concert, The Fran-Tones, une formation spécialisée dans la surf-music et fondée sur les cendres des Wave Chargers. Manière de power-trio, sans basse, c’est assez original, les Fran-Tones maîtrisent le genre à la perfection, guitares vintages à l’appui. Leur set mi-chanté, mi-instrumental, est parfois agrémenté de la présence d’une danseuse sur scène afin de renforcer le côté visuel, déjà bien présent, le trio étant habillé de manière uniforme avec un superbe tee-shirt rétro, comme dans les universités américaines, siglé FT (référence au patronyme du groupe). Un trio enthousiaste et charismatique, pour un peu on se croirait vraiment sur une plage du Los Angeles sixties ! C’est parfait pour débuter !

Place ensuite aux Lowland Brothers, groupe mené par l’ex-bluesman Nico Duportal, une formation et qui nous enthousiasme depuis leurs débuts, dans un line-up légèrement remanié avec clavier et un nouveau batteur. A défaut de rentrer dans une case, le quintet en coche plusieurs à la fois. Ni tout à fait blues, soul ou americana, mais tout en même temps, le quintet a remplit une nouvelle case en rajoutant une dose de rock psychédélique à ce fameux cocktail ! Quoiqu’il en soit, la chose est absolument formidable à admirer en concert. Débordant de feeling, grâce au don merveilleux de chanteur de Nico Duportal et à un jeu clair, alliant précision et concision, de l’ensemble des musiciens, le groupe fait, de plus, montre d’une véritable euphorie à l’idée de jouer sur scène. Ça saute et bouge dans tous les sens, des « oh yeah » enthousiastes de la part des musiciens parsèment le concert et le public se retrouve emporté dans ce grand délire collectif. Véritablement entraînant, hypnotique et plein de groove, ça fait du bien !

https://www.facebook.com/lowlandbrothers

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lundi 7 avril 2025

Johnny Delaware : « Para Llevar »

 


Voilà un artiste qui porte bien mal son nom puisqu’il n’est absolument natif du petit état de la Côte Est des Etats-Unis mais à des milliers de kilomètres de là, dans le Sud Dakota, qu’il a quitté depuis pour le Mexique. Bien des transhumances bien à l’image du magnifique nouvel album du songwriter, enregistré entre divers studios et autres chambres d’hôtels entre les Etats-Unis et l’Amérique Latine. Un parcours que l’on ressent à l’écoute où son écriture folk/americana soignée se pare d’atours latins, des trompettes notamment, qui, sans être trop envahissantes, colorent l’album de tons chauds. Mais il ne s’agît là que de la partie la plus visible de la musique de Johnny Delaware. A l’instar d’un Dylan LeBlanc, ce dernier ne dédaigne pas arranger sa musique de manière cosmique, entourant ses arpèges délicats (« Caution Darlin’ ») de nappes synthétiques cotonneuses psyché et atmosphériques (« Sad Song », « Running »). Une production moelleuse apportée à la musique qui tranche et contraste franchement avec l’efficacité de l’écriture et de son exécution (« Stubborn Faith » ; « You Alone »). Il y a en effet quelque d’évident qui se dégage de ce disque. Une forme de familiarité immédiate avec la musique, similaire à l’émotion ressentie lors de retrouvailles avec un ami perdu de vue, et que l’on pourrait résumer simplement : 10 chansons, 10 tubes ! Vous pouvez y aller les yeux fermés mais les oreilles grandes ouvertes !

En concert le 28 mai à la Marbrerie (Montreuil) en première partie d’Early James.

https://johnnydelaware.com/

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dimanche 6 avril 2025

Ramon Pipin Band, Le Café de la Danse, 5 avril 2025.

Ramon Pipin (c) Kris Viala

Brice Delage (c) Kris Viala



Parmi toutes les bonnes raisons de passer un samedi soir en compagnie du Ramon Pipin Band, on pourrait commencer par celle-ci : on y rigole autant que l'on prend du plaisir sur le plan musical ! Et pourtant, le rock humoristique a généré tellement d'atrocités musicales que l'on est devenu très méfiant sur le sujet. Au-delà du concert, parfaitement maîtrisé sur le plan musical, grâce à un groupe de très haut niveau accompagnant le chanteur, Ramon Pipin propose un show mélangeant comédie et rock, mis en scène, mais sans trop en faire. C'est plutôt un bonne tranche de rigolade qui vient s'ajouter au concert de rock. Ainsi on a eu le droit à un interlude délirant pendant lequel le groupe a simulé un panne générale d'électricité (les plombs ont sauté Ramon!) alors que débarquent un groupe hurluberlus en combinaison blanche lampes frontales clignotantes à la recherche de courant électrique. Tout ça pour donner le temps au groupe de changer de tenue. Avant un autre incident, non simulé celui-là, impliquant la batterie. Et sans mentionner les multiples facéties, calembours et autres blagues qui ont émaillés le concert. Sur le plan musical, le groupe s'est donné le moyen de ses ambitions. Un quatuor à cordes et deux cuivres accompagnent le groupe classique (guitare, basse, batterie, claviers). Loin d’œuvrer dans un genre unique, le groupe met à profit cette profusion d'instruments pour varier les plaisirs, passant de passages saturés à la limite du métal (sublime Brice Delage, ce guitar-hero méconnu) et d'autres plus acoustiques très émouvants (« Dans le tiroir du bas » que le chanteur termine main dans la main avec la magnifique choriste Inès Damaris, excellente guitariste folk par ailleurs). Enfin, le concert nous a donné l'occasion de retrouver quelques-uns de ses complices des Excellents, Jérôme Sétian et Simone Grégoire, magnifiquement apprêtée, qui danse comme une damnée ! Une excellente soirée ! A noter que Ramon sera de retour, en ce même lieu, les 13 et 14 mai prochain en compagnie des Excellents, son groupe de reprises parodiques.

https://www.ramonpipin.fr/

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Simone Grégoire (c) Kris Viala

(c) Kris Viala

Inès Damaris (c) Kris Viala


samedi 5 avril 2025

Ramon Pipin : « Alafu » (2020)

 


Sorti au milieu de la grande tourmente de l’année 2020, celle de la pandémie, l’album « Alafu » de Ramon Pipin avait, à l’époque, échappé à notre vigilance. Un sort un peu injuste, que l’artiste, attachant, ne méritait pas. Il était dès lors plus que temps de se pencher sur ce disque qui, comme à l’accoutumée, ne manque pas de qualités. Des qualités, justement, Ramon Pipin, en compte au moins deux, essentielles : un sens de l’humour imparable et un amour passionné pour les classiques du rock’n’roll, celui des années 1960 et 1970, des décennies qu’il a pleinement vécu en sa qualité de guitariste d’Au Bonheur des Dames puis d’Odeurs, ce qui l’empêche de fantasmer outre-mesure sur cette période. Sur ce point, Ramon Pipin possède au moins une longueur d’avance sur toute la jeune garde du rock : recréer le passé avec un soin maniaque, collectionner les instruments vintage, ne l’intéresse pas. Lui serait plutôt dans la marche en avant : d’abord écrire de bonnes chansons (« Quand je rêve ») qu’il cherche ensuite à enluminer par une production moderne tout en restant fidèle à ses passions ; le tout en évitant les effets de manche qui vont vieillir prématurément les chansons. Ainsi l’utilisation des synthés reste parcimonieuse et toujours à bon escient. Reste l’humour, ce sens de l’absurde, dont il use pour croquer l’air du temps, le modes, qu’il s’amuse à ridiculiser, gentiment, dans ses textes (« Les mecs en trottinette » ; "Le Quatuor Silencieux"). Avouons-le, on rigole bien à l’écoute de ses chansons. La musique quant à elle est protéiforme, la formule de Ramon Pipin c’est justement de ne pas avoir de formules. Si les guitares sont saturées, flirtant avec le métal, les violons sont également de sortie. Un grand écart subtil dont il joue pour enregistrer un album varié et de haute tenue, qui passera, gageons-le, aisément le test du temps.

En concert le 5 avril au Café de la Danse. Son groupe de reprises parodiques Les Excellents seront en concert le 13 et 14 mai au Café de la Danse.

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jeudi 3 avril 2025

Chris Smither, l’Archipel, 30 mars 2025.

 


Assez méconnu dans nos contrées, Chris Smither, 80 ans au compteur, a pourtant fait salle pleine dans l’écrin de l’Archipel, qui fait également office de salle de cinéma, un public nombreux se presse dans les travées où l’on parle beaucoup anglais, accent américain en prime. Ce qui n’est pas le cas du chanteur vétéran, parfaitement francophile et francophone. Chris Smither donc, a sorti ses deux premiers albums au tout début des années 1970, avant une longue éclipse et fait depuis le mitan des années 1980 une carrière d’une remarquable régularité. A peine moins rugueux que le regretté Calvin Russell, seul sur une chaise, sa guitare folk en mains, Chris Smither a donné un show intimiste et old-school, sans artifice aucun, sans loop ou autre gadget d’un autre âge. Chez le natif de la Nouvelle-Orléans, seul compte la chanson, tout en respectant la sainte trinité, folk, blues et country. Autant d’idiomes que le chanteur exhale de tout ses pores et qu’il sert de sa voix burinée par les ans. Son jeu de guitare se révèle remarquable, et ses arpèges dégoulinent de feeling tandis qu’il bat la mesure du pied. Sa voix et sa seule guitare suffisent pour remplir l’espace. Un grand moment d’Americana en plein Paris, remarquable !

https://www.facebook.com/ChrisSmitherMusic

https://smither.com/


Cash Savage and The Last Drinks, La Maroquinerie, 29 mars 2025.

Attention, alerte rouge, quand Cash Savage et son groupe The Last Drinks sont en ville, les oreilles averties sont de sortie ! Certains artistes proposent des entames en douceur, arrivent timidement sur scène, l’Australienne déboule comme on monte sur le ring, prête à en découdre, toise le public d’un regard déterminé, prête à tout donner sur scène, pour le public ! Tapis, quinte flush, le grand jeu du rock’n’roll peut commencer ! Avec un groupe aussi remarquable que les Last Drinks (au sein duquel on note une nouveauté l’habituel violon étant pour l’occasion remplacé par un saxophone), le concert ne pouvait être que mémorable d’une intensité folle (ah ce « Rat-a-tat-tat » complètement dingue !) à telle qu’enseigne qu’un titre (le dévastateur « Human, I Am ») joué en plein set recueille un tonnerre d’applaudissement équivalent à celui d’un rappel de fin de show. Ce qui tombe plutôt bien, Cash détestant le concept, ne donne jamais de rappel mais donne tout pendant une heure et demie non stop, un grand huit où les explosions sonores alternent avec les épisodes éthérés. Charismatique, talentueuse, touchante lorsqu’elle évoque sans fard les problèmes de santé mentale, tout simplement une grande artiste de notre époque !

https://www.facebook.com/savagedrinks

cashsavage.com.au

mardi 1 avril 2025

The Datsuns + Sha-La-Lees, La Maroquinerie, 26 mars 2025.

Groupe mi-belge, mi-hollandais, les Sha-La-Lees ouvrent les agapes en première partie. La formation ne nous est pas totalement inconnue puisqu’elle repose, pour la moitié belge (c’est à dire le chanteur/guitariste et le bassiste), sur les cendres des Sore Losers (que l’on avait vus en ce même lieu en 2017 dans le cadre des Nuits de l’Alligator) ; un groupe qu’on a avait particulièrement aimé à l’époque. En résumé, les Sha-La-Lees reprennent les choses là où les Sore Losers les avaient laissées, c’est à dire avec un appétence particulière pour le rock des années 1970, mais en laissant le métal influencé par Black Sabbath de côté, au profit d’une approche plus garage rock, le blues en ligne de mire. A ce titre, la différence fondamentale est la présence d’un harmonica dans le line-up, que l’on entends que trop peu malheureusement. Le set se révèle particulièrement efficace, dans un genre proche de Jim Jones Revue (le chant hurlé en moins) mais tout aussi dévastateur tel un rouleau compresseur de décibels et de notes saturées. Du rock’n’roll pur et dur, particulièrement attachant.

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Arrivé à ce stade, il est temps pour nous de renouer avec une madeleine de Proust, qui nous avait fait tomber dans le rock garage il y a une vingtaine d’année (déjà!) : The Datsuns ! Sans nouvel album à promouvoir, juste pour faire coucou, les Néo-Zélandais sont de retour à La Maroquinerie après un dernier passage en 2023. Toujours aussi efficace et enthousiaste, le groupe égrène ses vieux tubes (cf. un « MF from hell » qui fait toujours son petit effet auprès du public) sans oublier les compositions plus récentes, extraites de « Eye to Eye », le dernier album en date du groupe, qui se pare d’atours psychédéliques. En dépit des soucis du chanteur Dolf, en délicatesse avec ses cordes vocales ce soir là, le groupe est toujours prêt à délivrer au public sa dose d’électricité saturée comme si le temps n’avait pas de prise sur lui. Christian se révèle un guitariste remarquable qui semble même s’être bonifié avec les années, plus musical, lorgnant parfois avec bonheur sur le blues et le psychédélisme. De quoi passer une excellente soirée au point de faire slammer et pogoter un public qui n’a plus exactement 20 ans !

https://www.facebook.com/thedatsuns