Eurockéennes de Belfort. Il fait une
chaleur étouffante en ce début juillet alors que la canicule bat
son plein pendant le festival. Confortablement installé (comprendre
à l'ombre) au bord du lac, on est heureux de retrouver Emile Sornin,
leader de Forever Pavot, qui a illuminé, un peu auparavant, la
magnifique scène de la plage de sa pop psychédélique millésimée.
Il est vrai que « Rhapsode », le premier album du groupe,
avait été un de nos coups de cœur de l'année dernière.
Rencontre...
Alors, la plage c'est un endroit
magnifique pour jouer, non ?
Emile Sornin : Ah oui ! C'est
chouette même si on n'est pas face au lac. Mais c'est assez marrant
d'être au-dessus de l'eau. C'est assez étrange comme sensation.
Forever Pavot est-il un projet
nostalgique ?
Emile : Oui forcément. On fait
souvent référence à une certaine époque que je n'ai pas connu
personnellement mais que j'adore voir à travers les films et les BO.
Et puis j'utilise aussi beaucoup de vieux instruments. C'est de la
musique nostalgique.
Tu es passé de la création en groupe
avec Arun Tazieff à Forever Pavot qui est un projet nettement plus
personnel. Comment tu décrirais ces deux expériences ?
Emile : C'est complètement
différent. Avec Arun Tazieff on faisait beaucoup de jams. On se
retrouvait tous ensemble pour répéter et on improvisait beaucoup
d'après des riffs qui était trouvés par deux ou trois personnes.
On restait des heures et des heures en studio. On enregistrait le
tout avec un petit micro et après on réécoutait chez nous. On se
parlait beaucoup et on structurait les morceaux ensuite. Forever
Pavot c'est moi seul qui compose et enregistre dans ma chambre. C'est
beaucoup plus personnel.
On parle souvent de l'influence de la
musique de film chez Forever Pavot. Quel film aurait pu être une
chanson comme « Le passeur d'armes » ?
Emile : Un peu comme un Claude
Sautet je pense. « Max et les ferrailleurs ». Ou un film
d'espionnage (sourire).
Il y a un travail un peu particulier
concernant les voix et tu chantes souvent de manière un peu
fantomatique. Sur « Rhapsode » par exemple la voix est
traitée comme un instrument à part entière. Comment tu envisages
le chant ?
Emile : C'est quelque chose que
j'assume de plus en plus. Au début j'utilisais la voix comme un
instrument. J'avais même un peu de mal à m'écouter. Comme beaucoup
de gens je pense. On est jamais trop confiant. Cela a pris un peu de
temps. L'album a été enregistré sur deux ans. Il y a eu une
évolution. Les voix étaient fantomatiques au début et elles sont
mieux mises en avant sur la fin comme sur « Joe & Rose »
ou « Les cigognes nénuphars » qui est en français et ça
aussi c'était nouveau. J'ai plus envie de raconter des histoires
maintenant. Avant j'envisageais la voix d'un point de vue mélodique.
Comme si j'utilisais un autre synthé ou une guitare en plus.
Il y a un peu de français et beaucoup
d'anglais sur le disque. Comment tu juges la qualité musicale de
chaque langue ?
Emile : C'est complètement
différent. Je viens du métal et du punk hardcore. Le chant en
français était assez rare et je détestait ça. Avec le temps, j'ai
découvert beaucoup de pop, de variété et de chansons françaises
des années 1960/1970 qui me parle énormément. Gainsbourg, Brigitte
Fontaine, Dick Annegarn, Bashung... Je n'écoutais pas ça étant
jeune, c'est une découverte qui date de ces dix dernières années.
J'ai beaucoup écouté de musique anglo-saxonne, même du rap, je ne
comprenais rien à ce qui se disait mais cela ne me dérangeait pas
du tout. J'y repensais quand j'ai commencé à chanter, en pensant
que moi aussi je pouvais utiliser l'anglais comme un dialecte un peu
fantôme. C'est très différent mais j'adore les deux.
Un petit mot sur la pochette qui est un
peu naïve...
Emile : C'est Catherine Hershey,
une bonne amie à moi, qui chante également sur l'album qui en est
l'auteur. Elle a été faite aux crayons de couleurs. Ça me faisait
penser à des illustrations de vieux contes. J'aime beaucoup. Je
voyais très bien sa patte pour ma pochette.
Avant l'album il y a plusieurs 45
tours. Que pense de ce retour à la mode du vinyle ?
Emile : C'est plutôt cool, moi je
suis un passionné du vinyle. Maintenant je ne suis pas sur qu'il y
ait une telle effervescence autour du support. Finalement ça ne se
vendait pas tant que ça. Ça reste et cela restera toujours une
niche. Ce qui se vendra le plus c'est le numérique.
Forever Pavot est passé par différents
labels. Tu penses qu'il se passe un truc spécial en ce moment ?
Emile : Ces dernières années
sont apparus de supers labels indés que j'aime beaucoup. C'est
chouette.
Tu te sens à l'aise sur le label Born
Bad ? C'est une esthétique particulière qui va bien à Forever
Pavot...
Emile : JB (Guillot, le patron du
label Born Bad, ndlr) a toujours été fasciné par les trucs un peu
bizarres, les BO de François de Roubaix, Francis Bebey, la musique
française un peu dégénérée des années 60/70. J'ai découvert
des trucs géniaux par le biais de Born Bad. « Le mariage
collectif » (un film érotico-hippie danois de 1969, ndlr), par
exemple, cette BO (signée Jean-Pierre Mirouze, ndlr) est mortelle,
elle a été retrouvée dans des poubelles ! C'est des choses
qui m'ont beaucoup influencées. J'y suis parfaitement à l'aise sur
ce label ! On partage beaucoup d'influences communes.
Et pour finir, de quel groupe tu aurais
aimé faire partie ?
Emile : Aquaserge (rires) !
Propos recueillis le 5 juillet 2015 à
Belfort.
En concert à Paris le 29 Août (Rock en Seine)
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