Jeudi 4 juillet : Comme chaque année, le spectacle
commence dès la navette qui nous mène au superbe site du Malsaucy, entre lacs
et sous bois, où se tiennent les eurockéennes de Belfort, gorgé de soleil pour
cette édition 2013 qui marque le 25ème anniversaire du festival. Les
hostilités commencent avec Gary Clark Junior, bluesman digne représentant d’un
style généralement assez peu mis à l’affiche sur les gros festivals rock en
plein air. Si Clark Junior respecte à la lettre l’idiome ternaire, son art
consommé du riff et ses guitares sont suffisamment puissantes pour contenter le
nombreux public de la grande scène (et faire hurler les puristes). On file
ensuite dans le superbe écrin de la scène de la plage profiter de la pop
onirique et rêveuse des anglais d’Alt-J. Chœurs dignes des Beach Boys, délicats
arpège de guitare, la pop d’Alt-J est également très rythmée. Le travail du
batteur est assez original, sans cymbales mais avec une profusion de
percussions. Avec le lac en toile de fond, le coucher de soleil et la lumière
du jour finissant, c’est magique.
Vendredi 5 juillet : Retour sur la plage pour découvrir
en live la nouvelle sensation rock du moment le duo féminin Deap Vally,
nouvelles chouchous de Marilyn Manson. Verdict assez mitigé, c’est plutôt
entraînant et bien fait à défaut d’être original. La formule du duo
guitare/batterie devient peu à peu un cliché du rock des années 2000. On prend
ensuite la direction de la Green Room retrouver le barbu Matthew E. White. Songwriter
élégant, entre pop, soul et folk, il y a quelque chose de profondément délicat
dans la musique de Matthew E. White, à tel point que sa présence peu sembler
anachronique dans un festival ou le lâcher de décibels est légion. Et pourtant
ça fait du bien ! Batterie, percussions, lap-steel, claviers vintage,
Matthew E. White sort les grands moyens pour séduire le public, peu nombreux au
début mais qui s’agglutine vite. Les chansons sont entrecoupées de longs
passages instrumentaux où les musiciens entrent comme en transe. A noter une
très belle reprise de « Are you ready for the country » (Neil Young),
le site du Malsaucy s’est trouvé un nouvel hippie. Changement d’ambiance pour
finir avec The Smashing Pumpkins. Soyons honnêtes, un an après la sortie
d’ Oceania, un album très largement en dessous des standards habituels du
groupe, c’est surtout par nostalgie que l’on s’est rendu sur le site de la
grande scène pour admirer les citrouilles de Chicago. Et là surprise c’est
groupe totalement régénéré que l’on (re)découvre. Le guitariste Jeff Schroeder
semble enfin avoir trouvé sa place dans cette nouvelle formation, et le concert
montre une véritable collaboration entre lui et Billy Corgan. Les guitares
discutent entre elles, et, fin instrumentiste, Schroeder émaille les chansons
de soli injectant ainsi une nouvelle jeunesse dans les compositions. Le groupe
ne nous avait pas habitué à cela. Les compositions gagnent en substance, en
texture, en profondeur. Le résultat est un hybride parfait entre psychédélisme
et lourdeur. Notons au passage une magnifique reprise de « Space
Oddity » (Bowie). Billy Corgan aurait-il retrouvé le feu sacré ?
C’est quoi qu’il en soit une merveilleuse nouvelle.
Samedi 6 juillet : On commence avec The Strypes, la
première claque du week-end. Des gamins de seize ans qui jouent déjà (et
prennent aussi la pose) comme des pros, c’est bluffant. Le batteur en
particulier ressemble à un bébé. The Strypes c’est un peu comme des gosses qui
jouent la musique de grand-papa. Un rock n’roll, racé, d’inspiration sixties
d’où transpirent des influences blues et rhythm n’blues. On pense aux Who, aux
Kinks, aux La’s où à la scène garage/Mersey Beat d’une manière générale. C’est
jeune, c’est frais et enlevé, tant qu’il y aura des musiciens prêts à le servir
avec une telle ferveur, le rock n’roll ne mourra jamais. Et pour les avoir
croisé dans la coulisse, on peut affirmer qu’ils sont déjà également
étonnamment pros pour leur age dans leur attitude. Un groupe à suivre. On reste
sur l’esplanade green room le temps d’admirer la magnifique Valerie June, qui
nous emmène en voyage en suivant le tempo de son Tennessee time. Un savoureux
mélange évoquant tantôt la country et le folk lorsqu’elle s’accompagne seule
(guitare, banjo ou ukulélé) ou bien la soul music et le blues lorsque son
groupe joue avec elle. Le tout servi avec la superbe voix de Valerie… Direction
la plage pour retrouver les mythiques Dinosaur Jr, les vétérans de la scène
grunge, qui ont l’air un brin blasés. Le power trio, délivre son répertoire
avec une puissance équivalente à celle des débuts, ça joue fort mais hélas des
problèmes techniques et la perte soudaine de la basse clôturera l’affaire de
manière un peu abrupte et en avance sur l’horaire. Néanmoins, un très bon
moment, nostalgique en diable. Une petite pause pour se reposer les oreilles
plus tard et retour sur la grande scène retrouver les Irlandais de Two Door
Cinema Club, sensation hype de la rentrée dernière. Surprise la pop parfois un
peu surproduite du groupe prend une toute autre dimension sur scène, le ton
s’est durci, les guitares se font plus fortes, c’est une révélation, Two Door
Cinema Club peut aussi faire du rock. Débarrassé des oripeaux de la production,
le live permet de mettre en valeur un songwriting pop de grande valeur.
Chouette groupe. Un mot pour finir afin de souligner l’excellente prestation de
Phoenix en clôture de la soirée sur la grande scène.
Dimanche 7 juillet : Et c’est déjà le dernier jour, le
temps passe décidément trop vite. Le dimanche s’annonce prometteur avec un
enchaînement The Black Angels / Tame Impala, assez malin et bien vu. Hélas un
son absolument catastrophique (trop de basses qui avalent complètement les
mélodies) gâche totalement la prestation des Black Angels (Black Rebel
Motorcycle Club et Blur souffriront également du même mal). Désolé de le dire,
mais c’est indigne d’un grand festival à vocation internationale comme les
Eurockéennes. Passons… Reste Tame Impala qui fera preuve d’une classe
psychédélique sans pareille sur l’esplanade green room. Savant condensé du rock
des années 60 et 70, Tame Impala évoque pèle mêle les Beatles (époque Sgt
Pepper), Pink Floyd ou les Beach Boys pour les voix. Les morceaux les plus
heavy (« Elephant », « Mind Mischief ») ont un petit je ne
sais quoi de Black Sabbath, le cocktail est détonnant. Le batteur apporte une
dynamique qui propulse les compositions dans une autre dimension. Et comme
Kevin Parker fait l’effort de s’exprimer en français, l’après-midi ne peut
qu’être réussie. C’est la résurrection de l’année, My Bloody Valentine est de
retour après quelque 22 ans d’attente. Véritable laboratoire sonore ambulant,
My Bloody Valentine pratique un rock-noise bien éloigné des standards habituels
couplets/refrains où l’expérimentation prime sur tout le reste. Le savant
empilage d’amplis, au bas mot une bonne dizaine, à la gauche du guitariste
Kevin Shields, les yeux rivés au sol dans la plus pure attitude shoegaze, est à
ce titre assez évocateur. C’est un véritable mur du son qui se dresse devant
les spectateurs, le tout joué à un volume bien au-delà du raisonnable.
Ahurissant ! De la folie furieuse ! Hélas, un mixage approximatif
gâche un peu la prestation de MBV, il est difficile d’entendre le chant, que se
soit de Kevin Shields ou de Bilinda Butcher, sauf à être dans le deux premiers
rangs devant la scène. Est-ce pour cela que le public, assez peu nombreux à la
base, a déserté l’esplanade green room ? C’est quoi qu’il en soit grâce à
des groupes comme My Bloody Valentine que le rock sort parfois de ses clichés
et va de l’avant. Le concert de My Bloody Valentine a été pour ce qui nous
concerne, la grosse claque du week-end.
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