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Attablé dans le café
de la Maroquinerie, quelques heures avant de monter sur scène, Eugene McGuinness, est fidèle à son image de
nouveau dandy de la pop anglaise, impeccable et le brushing bien en
place. Hyper professionnel et pourtant accessible, Eugene s'est
confié sur ses motivations musicales et la génèse de son dernier
disque en date, l'excellent « The invitation to the voyage ».
Rencontre un petit mois avant de retrouver Eugene à Rock en Seine...
En écoutant tes deux
premiers albums, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'ébauches
qui ont mené à « The invitation to the voyage ».
Comment décrirais-tu la façon dont tu as évolué en tant que
songwriter ?
Eugene McGuinness :
Cela été très naturel entre 2007 et maintenant. Mon tout premier
disque, « The early learning of » devait être un EP de
quatre titres. Je n'étais même pas signé chez Domino à l'époque.
Lawrence, de Domino m'a découvert assez tôt. A l'époque des deux
premiers albums, j'explorais différents types de chansons. Un an
avant le premier album, j'enregistrais des démos dans ma chambre. Et
les deux premiers albums montrent cette progression. Cela aurait
sonné faux de toute manière pour moi de faire un gros album pop,
j'avais 20 ans, j'étais encore en train d'apprendre. Mon premier
disque s'intitule « The early learnings of... » (Les
premières leçons de), déjà à l'époque j'étais conscient. Il
s'agit en fait d'une collection de chansons qui sont toutes très
différentes les unes des autres. C'est toujours le cas en fait. Je
ne veux pas être perçu comme un songwriter ou un guitar-hero. Je
suis au milieu de tout un tas de choses. Mais bon je me suis
développé d'une façon très ouverte et honnête. J'aime le fait
que sur mon premier disque, je sonne comme un mec de 20 ans et un an
plus tard j'ai mon propre groupe et cela sonne de façon beaucoup
plus mature. Rien n'arrive soudainement. Surtout en Angleterre ou
tout le monde s'attend à des changements dramatiques. Mon dernier
album aurait pu être un de ces changements, surtout si je l'avais
fait plus rapidement, mais j'ai disparu pendant deux ans.
Est-ce que tu penses
avoir trouvé ton style ? Est-ce possible de se trouver un
style, par essence, la musique est en constante évolution...
E McG. : C'est
vrai cela évolue tout le temps. Mais j'ai maintenant trouvé la
façon dont j'aime faire les choses. C'est difficile à décrire mais
de cette façon, je sais ce que je n'ai pas envie de faire. Je n'ai
pas encore trouvé un son ou une manière d'enregistrer définitive
parce que je pense que d'une certaine façon cela tue tes envies.
J'aime ne pas savoir ce que je vais faire sur mon prochain disque. Je
savais ce que je voulais faire avec ce disque ci, et d'ailleurs je
l'ai fait, mais je n'avais aucune idée de la façon dont le résultat
allait sonner. C'est inspirant de faire les choses un peu à
l'aveugle. Un album de blues, mod ou électro, je sais comment ces
disques sonnent et j'aime ça d'ailleurs, mais pour moi avant même
d'enregistrer, je dois d'abord être intrigué. Je fais des disques
pour découvrir ensuite comment ils vont sonner (rires) !
C'est un travail en
cours...
E.McG : Oui mais
c'est positif, pas incomplet. J'aime expérimenter.
En écoutant « The
Invitation to the voyage », je me suis dit, wow il n'a pas peur
de prendre des risques, d'essayer des choses nouvelles, de sortir de
sa zone de confort...
E.McG : Je pense
que je m'ennuie assez vite autrement. Mais en même temps je voulais
faire un disque très simple. En fait, je voulais me concentrer sur
le chant. Je voulais faire un album « chanté », avec de
la voix. Après tout s'est développé. A la base toutes les chansons
ont été écrites à la guitare ou au piano mais je voulais faire un
disque en « cinémascope ». Quelque chose de grand, de
moderne. Mais d'un autre côté c'est un album très simple. Tout est
fait pour la voix. Chaque fond musical habille chaque chanson.
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En parlant de cela,
avant tu jouais de la guitare dans le groupe de Miles Kane, et
pourtant tu n'as pas fait un disque de guitariste...
E.McG : Non
vraiment pas. Sur quelques chansons peut-être. Tous les ingrédients
du disques sont sur un pied d'égalité. Les chansons sont très
différentes les unes des autres et il y a tous les ingrédients
nécessaires pour chaque titre. J'aime bien chercher les différentes
extrêmes dans tout ce que j'écris. Je n'aime pas que tout colle
parfaitement bien ensemble. Quand cela arrive c'est juste un heureux
hasard. Je préfère chercher les extrêmes dans chaque chanson
plutôt qu'un grand ensemble ou tout fonctionne dans le même sens.
J'ai envie de faire plus de choses à la guitare.
Ta chanson « Shotgun »
me semble être un pas important pour toi. Non seulement c'est la
première fois que utilise un sample (celui de « Peter Gunn »,
ndlr) mais tu as bâti tout ton titre autour. Comment as-tu connu la
chanson « Peter Gunn » ?
E.McG.: J'étais en
tournée, on écoutait « Murder Weapon » de Tricky qui
l'a samplé en premier. J'avais déjà commencé l'enregistrement du
disque, je voulais utiliser un sample, juste pour le fun. Je ne
pensais même pas sortir ce titre. Je me souvenais de « Peter
Gunn » des dessins animés quand j'étais petit. « Murder
Weapon » c'est un morceau incroyable, j'ai décidé qu'il
fallait que j'utilise ce sample. Je me foutais complètement du
résultat. C'est juste du fun. Tu vois, j'écris des chansons, quel
est le truc le plus inattendu que je pouvais faire ? Voler le
son de quelqu'un d'autre ! « Shotgun » on l'a fait
en deux heures. Tu est plus libre quand tu utilise des samples. C'est
juste de l'amusement. Plutôt que de construire quelque chose qui
vient directement de toi. C'est quelque chose que je veux faire plus
souvent, avoir du fun plutôt que d'être « Monsieur l'auteur
sérieux ».
Je suis un grand fan de
Garage rock et de Mersey Beat...
E.McG (il coupe) :
Les La's ?
Oui en effet, c'est un
de mes albums préférés de tout les temps. Enfin tout ça pour dire
que ma chanson préférée sur l'album c'est « Lion »...
E.McG. : Ah
« Lion »... Je crois que c'est ma préférée aussi !
C'est nouveau pour toi,
ce son un peu surf, 60s...
E.McG : Non pas
vraiment. « Nightshift » (sur l'album précédent, ndlr)
avait un peu de « Lion » aussi. Disons que « Lion »
est une version plus développée. Quoi qu'il en soit, j'adore la
guitare surf, j'ai envie de faire plus de choses dans ce style.
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Tu as enregistré un
album « Glue » sous le nom d'Eugene and the Lizards.
C'était un coup unique ? Le groupe existe-t-il toujours ?
E.McG : C'était
surtout pour travailler avec mon frère, Dominic (le clavier, ndlr).
Il était très jeune à l'époque, d'ailleurs il joue toujours avec
moi aujourd'hui. J'étais déjà signé chez Domino à l'époque ce
qui nous a permis de sortir le disque. On a appelé le projet Eugene
and the Lizards mais on aurait dû l'appeler The Lizards. Dominic a
beaucoup travaillé sur ce disque. C'est d'ailleurs ce qui va arriver
dans le futur, je vais travailler de plus en plus avec mon frère. On
changera le nom, cela sera plus ouvert, on se partagera le chant.
Pour en revenir à l'album avec les « Lizards » on avait
quatre jours de studio pour enregistrer la face B de « Wendy
Wonders ». C'est beaucoup de temps pour une seule chanson. Cet
album avec les Lizards on l'a fait en trois jours et on a mixé le
quatrième. Le label n'était même pas au courant ! C'était un
truc rapide, garage un peu à la Modern Lovers. Je l'aime beaucoup ce
disque. En un sens c'est l'opposé de « The invitation to the
voyage » sur lequel on a passé beaucoup de temps. Mais j'aime
beaucoup cet album avec les Lizards, c'était à un moment donné...
Pour en revenir à ton
dernier disque, « The invitation to the voyage »,
penses-tu que la musique est le voyage d'une vie ?
E.McG. : Ca l'est.
J'étais en tournée avec Miles (Kane, ndlr) quand j'écrivais le
disque, tout le temps en train de voyager. Tu vieillis, il t'arrive
des trucs. Et il y a certaines choses chez toi qui changent et tu n'y
peux rien. Et puis d'autres choses restent identiques et tu n'y peux
rien non plus. C'est intéressant, cela se reflète dans la musique.
Mais ton identité, qui te rends unique, ça ça ne devrait jamais
changer.
Le noyau dur...
E.McG. : Oui le
noyau dur qui fait qu'aujourd'hui tu est impliqué dans la musique.
Et quel serait ton truc
alors ?
E.McG. : Je dirai
la voix. Tout le reste peux changer mais pas la voix. Il y a beaucoup
de chanteurs incroyables tu sais... Ma voix c'est la chose dont je
suis le plus fier. C'est moi.
Si je te dis que demain
tu peux rejoindre n'importe quel groupe sur Terre...
E.McG. : (il
coupe) Les Beatles !
J'espérais que tu
allais dire Les Smiths ou les Stone Roses...
E.McG. : Non, pas
les Smiths. Les Stone Roses, cela aurait pu être fun. Primal Scream
aussi. Mais non je reste sur les Beatles. Pour eux, j'aurais sifflé
dans le fond ou n'importe quoi d'autre (rires) ! Sans problème !
Quand tu voyage,
prends-tu conscience de l'influence de la musique britannique sur le
reste du monde ?
E.McG. : Dans
certains pays comme la France, oui. En fait le rock anglais, c'est
quelque chose de global, une identité. En Angleterre, on ne s'en
rends pas vraiment compte, on est tellement auto-centrés. Si tu me
pose des questions sur la musique en France, en Italie ou au Brésil,
il y a probablement des choses que je devrais adorer, mais je m'y
connais tellement peu... Notre culture a voyagé non seulement en
France mais bien au-delà. Et cela tu t'en rends compte en voyageant.
En Australie, au Brésil, au Mexique, la culture anglaise est très
présente. Voir des mods Brésiliens, c'est un truc dingue. Bizarre.
Mais je ne crois pas qu'en ce moment il y tant de groupes géniaux en
Angleterre. En ce qui concerne le rock n'roll, les Australiens nous
l'ont volé.
Propos recueillis le 9
février 2012.
En concert le 24 août
(Rock en Seine).
Un grand merci à
Eugene pour sa gentillesse et sa disponibilité et à l'équipe de
Domino France pour avoir organisé cette rencontre.
www.facebook.com/eugenemcguinnessmusic
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