C'est au terme d'un
véritable acharnement téléphonique (environ sept coups de fil
reçus en l'espace d'une demie-heure) lors de la dernière édition
de Rock en Seine que l'on a pu rencontrer Dorian Pimpernel. Où plus
exactement, Jérémie Orsel, chanteur/guitariste de ladite formation
et seul membre du groupe encore sobre (l'affirmation est de lui) à
cette heure. Ah la dure vie de festivalier...
(c) Sylvere Hieulle |
D'un abord sympathique,
Jérémie commence par nous éclairer sur le patronyme du groupe,
objet de multiples spéculations : « Dorian est un
adjectif qualifiant un mode musical évoqué par Platon dont la
définition est viril et conquérant, ce qui est plutôt ironique
dans notre cas (sourire). Pimpernel, c'est le mot anglais pour
désigner le mouron, une fleur. Les deux accolés ensemble sonnent
plutôt bien, comme le nom d'un personnage fictif ». Comme bien
souvent à l'origine de Dorian Pimpernel se trouve un musicien
solitaire, Johan Girard, la cheville ouvrière du groupe, composant
seul sur ses claviers : « En fait Johan composait des
démos seul dans son coin et cherchait des musiciens pour assurer des
concerts. Au départ je suis arrivé pour être le guitariste et
faire des essais pour les chœurs. Finalement je suis le chanteur.
Mais je ne suis que l'interprète des compositions de Johan. Sur
notre set list actuelle, il n'y a qu'un seul titre que Johan n'a pas
écrit seul. ». La « moonshine pop » de Dorian
Pimpernel se singularise par son extrême sophistication tant sur le
plan mélodique qu'harmonique. Le fait est que le groupe rappelle
beaucoup les productions (anglaises notamment) de la fin des années
1960 (en vrac citons les Zombies, Left Banke, King Crimson ou bien
encore l'école de Canterbury) ainsi que le krautrock de la décennie
suivante sans pour autant tomber dans l'écueil de la pâle copie.
Une démarche que le groupe qualifie « d'anti naturalisme »,
où les claviers imitent les instruments
acoustiques : « l'artificialité doit s'entendre »
insiste le guitariste. La seule utilisation du Variophon peut résumer
la chose : « C'est un synthé Allemand actionné par le
souffle. On l'utilise pour remplacer les instruments à vents ».
Ainsi le chanteur nous confie la passion du groupe pour les claviers
sans tomber dans le vintage à outrance : « Les
claviers sont plutôt choisis en fonction de leur originalité et de
leur rareté. Au final il y a autant de claviers anciens que
modernes. C'est notre façon de créer notre univers musical
personnel ». Bien évidemment la transposition sur scène d'un
tel univers n'est pas chose aisée : « En fait on
fonctionne à l'inverse d'un groupe de rock classique dont les
morceaux sont bruts de décoffrage et peaufinés ensuite en studio.
Nous, nos compositions sont très élaborées dès le départ et on
doit les simplifier pour la scène. Il y a des arrangements que l'on
ne peut absolument pas reproduire en concert. On est parfois obligé
d'utiliser des bandes ». La seconde composante principale du
son Dorian Pimpernel, c'est la basse. Une basse ronde, terriblement
sixties, qui est pour beaucoup dans l'attrait exercé par le groupe.
Le mélange avec les claviers n'est pas sans rappeler l'album
« Triggers », le chef d'oeuvre signé April March, au
point que l'on n'est pas loin de penser que Dorian Pimpernel aurait
trouvé un refuge naturel chez Tricatel, le label de Bertrand
Burgalat, sur lequel était signé April March à l'époque
(2002, ndlr) : « En fait on a quelques liens avec Tricatel.
Notre batteur, Hadrien Grange, était assistant ingénieur du son sur
le premier disque des Shades, « le meurtre de Vénus »
(sorti en 2008, ndlr). Quant à moi, Bertrand m'appelle de temps en
temps pour des commandes, assurer des chœurs des choses comme ça...
On ne se fréquente pas vraiment cependant. Je pense que Bertrand
cherche surtout la singularité dans les projets qu'il signe. On
aurait fait double emploi avec April March ou avec ce qu'il a pu
faire lui-même en solo ». Faute de Tricatel, le groupe est
finalement abrité par Born Bad, l'excellent disquaire devenu label
et plutôt orienté sur le garage et le rock psyché (Wall Of Death
ou les très prometteurs Forever Pavot). La signature de Dorian
Pimpernel marque également une évolution douce de la ligne
éditoriale du label : « Les premiers contacts avec JB
(Wizz, le patron de Born Bad, ndlr) datent de 2004/2005 à l'époque
où Johan tâtait du journalisme. On a sorti un premier 45 tours sur
un autre label ce qui nous a rappelé à son bon souvenir. Il nous a
mis au défi de lui fournir un disque en trois mois ». Une
gageure que l'on imagine immense pour des musiciens aussi méticuleux.
Alors que le temps qui nous est alloué arrive à son terme, il nous
reste une question fondamentale à élucider : alors Dorian
Pimpernel, plutôt Pet Sounds ou Sgt Pepper ? Beach Boys ou
Beatles ? « Franchement au sein du groupe c'est du
50/50 ! » (rires)...
Propos recueillis le 23 août 2014 à Rock en Seine.
En concert le 1er
octobre à Paris (Petit Bain) avec Forever Pavot et Orval Carlos
Sibelius.
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