Débarqué d'un train
bien matinal en provenance de sa ville natale de Guingamp, les
trois-quarts du Craftmen Club (le bassiste Marc Corlett est excusé),
évoque son nouvel album « Eternal life », le premier
depuis 2009, avec de grosses cernes sous les yeux et beaucoup
d'humour. Manière de faire relâcher l'énorme pression procurée
par l'enregistrement de ce dernier...
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Que s'est-il passé
depuis 2009, date de sortie de l'album précédent ?
The Craftmen Club :
Pas mal de choses (soupir)...
Si on en croit la
biographie, l'enregistrement de ce nouvel album a été long et
difficile, le groupe a failli se séparer...
Steeve Lannuzel
(voix/guitare) : C'était une ambiance un peu chaotique. On a
été toujours évolué comme ça. Finalement c'est une façon de
travailler qui nous convient au grand désespoir d'autres personnes
autour (rires) ! C'est notre fonctionnement. Et je pense que
c'est pour cela que l'on a pu garder une certaine tension dans notre
musique.
Il y a eu aussi un
changement de personnel avec l'addition d'une deuxième guitare. Cela
vous a-t-il apporté de nouvelles perspectives ?
S.L : Avant on
jouait avec des samples, des machines. On s'en servait pour doubler
les guitares, les banjos. On a décidé d'humaniser notre approche.
Le nouveau guitariste était notre bassiste avant. Il nous a jamais
trop quitté en fait...
Mikaël Gaudé
(guitare) : Un petit peu quand même. Sept ans ! (rires).
S.L : Enfin il
a toujours été dans les alentours. Les nouveaux morceaux aussi
étaient plus adaptés pour deux guitares.
Yann Ollivier
(batterie) : Cela permet des ambiances différentes. Et puis on
est aussi beaucoup plus libre. Le sample, ça te bloque. Tu es obligé
de le suivre.
S.L : On a quand-même
gardé cet esprit cyclique. En y rajoutant plus de sons.
M.G : C'est un
déblocage harmonique en fait. Ta grille d'accords est contrainte sur
le sample. Il n'y a pas quinze mille choix possibles sur les notes.
Y.O : On ne reste
pas du début à la fin sur la même note. C'est bien.
S.L : On fait
comme Christophe Maé (rires) !
Mikaël, comment s'est
passé ton intégration dans le groupe ?
M.G : C'est plus
une réintégration en fait. Ou une désintégration, il faut voir
(rires) ! J'étais à la basse sur tout le premier album (« I
gave you orders never to play that record again », 2005). Je
suis parti juste après mais j'ai quand-même tourné pendant un an
et demi avec Yann et Steeve. Mon autre projet (Rotor Jambreks, ndlr),
s'est retrouvé sur le même tourneur, on a fait plusieurs plateaux
ensemble. On ne s'est jamais perdu de vue. J'ai eu rapidement
l'impression de revenir à la maison. Je connais les repères et je
sais comment marche la machine.
Y.O : On marche
sous tension (rires) !
S.L : Le chaos
créateur (rires)!
Toutes ces sonorités
coldwave, c'est assez nouveau pour vous même si les influences ont
toujours été là...
S.L : Ca s'est
fait assez naturellement. De toute façon on cherchait à fuir
« Thirty six minutes » (l'album précédent du groupe,
sorti en 2009, ndlr). Dans le sens où on ne voulait pas retomber
dans le banjo, refaire un album identique en peut-être moins bien.
On voulait vraiment repartir sur autre chose. On a toujours fait ça
finalement. Il y a une évolution entre les deux premiers disques,
une évolution qui se prolonge maintenant. On voulait vraiment
marquer quelque chose de différent.
Y.O : Beaucoup de
groupes font un album puis refont la même chose mais en moins bien
puisqu'il n'y a plus l'effet de surprise. On ne voulait pas tomber
dans le panneau. Là on a un fait un virage musical et on crée la
surprise.
C'est aussi comme ça
que les groupes se créent une identité musicale...
S.L : On est
toujours à la recherche de quelque-chose. Après, je ne dis pas que
pour le quatrième album on ne vas pas retourner vers « Thirty-six
minutes » ou faire autre chose. Quoi qu'il en soit, on va tout le temps essayer d'évoluer en changeant les sons. Changer d'univers.
Y.O : Christophe
Maé nous a déjà écrit cinq chansons en ré mineur (rires) !
S.L : Toi tu vas
nous attirer des ennuis ! (rires).
Il y a aussi comme un
point d'équilibre entre les rythmiques quasi robotiques, la batterie
qui sonne quasiment comme une boîte à rythme et les guitares qui
sont très organiques et très rock...
S.L : C'est un
choix de production. On voulait ce genre son, très mécanique.
Y.O : Les morceaux
ont été faits aussi à partir d'une boîte à rythme. On a remis la
batterie dessus après.
S.L. : Il fallait
freiner les egos du bassiste et du batteur (rires) ! Les
guitaristes sont nickels, il n'y a rien à redire. Le chanteur aussi
est impeccable (rires) !
Yann, est-ce que tu
pourrais nous préciser la façon dont tu as travaillé sur ce
disque ? Le son est vraiment sourd et assez impressionnant sur
« Vampires » et « If you walk straight »...
Y.O : C'est
surtout un travail de compression au mixage.
S.L : Les mixes
ont été hyper vite. On a travaillé avec les États-Unis par mail.
(c) Christophe Sergent |
Dans le livret vous
êtes tous crédités avec des numéros de série...
S.L : Cela
correspond aux thèmes des chansons. La déshumanisation du monde,
des musiciens...
On peut mettre ça en
relation avec le côté robotique de la musique ?
S.L : Tout à
fait, c'est l'univers froid du disque. Une déshumanisation totale
mais avec une vie éternelle. Dans la matrice.
Et pourquoi une
ambiance aussi noire ? C'est un constat sur le monde,
l'industrie du disque ?
S.L : Un peu tout
ça, oui c'est l'ambiance du moment. On trouvait que cela collait
vraiment avec les thèmes des chansons.
Et pour quelqu'un qui
ne l'aurait pas encore écouté, vous le décririez comment ce nouvel
album ?
Y.O : Froid.
M.G : Oui mais un
peu chaud aussi.
S.L : Tiède !
M.G : Non pas
tiède. Chaud-froid (rires) !
S.L : Je ne sais
pas comment on pourrait décrire le disque.
Il y a aussi une
tension sous-jacente qui dure tout l'album sans surjouer les
décibels...
M.G : Je pense que
c'est le travail de compression de la batterie pour ressembler à une
boîte à rythme. Un truc un peu linéaire avec beaucoup d'impact.
S.L : Je pense
qu'on s'est fait mal sur ce disque.
Mal ?
S.L : Humainement
oui. Dans la création surtout. Ça se ressent à l'écoute.
Y.O : « Thirty
six minutes » avait été également un album difficile à
faire. Il y a eu beaucoup de clashes. On a toujours été comme ça.
Travailler dans la tension, c'est notre truc. Après une fois que
c'est fini on n'arrête pas de déconner... Ça se ressent
naturellement dans la musique.
C'est terrible
d'enregistrer avec vous...
The Craftmen Club (en
chœur) : Ah oui (rire général) !
S.L : Je trouve
que ça va. C'est juste dur d'aller au bout d'un projet. Quand tu
écoutes de la musique, tu dois ressentir quelque-chose. Je ne pense
pas que notre musique soit fade. Ça veut dire quelque-chose.
Y.O : La musique
c'est une émotion. Si les gens la ressente c'est vachement bien, ça
veut dire que l'on a réussi à la véhiculer.
Un petit mot sur
« Vampires » ? C'est ma chanson préférée. J'aime
bien le changement de volume quand les guitares se lâchent...
S.L : Ce morceau
fait le lien avec « Thirty six minutes ». Quand « Thirty
six minutes » est sorti, tout le monde, les journalistes n'ont
pas arrêtés de me parler de Jon Spencer et de garage rock. Alors
que je trouve qu'il n'y a pas une seule chanson sur le disque qui
ressemble à du Jon Spencer. Par contre, « Vampires »
pour le coup on a fait un morceau vraiment à la Spencer. C'est une
transition. C'est le premier que l'on a fini. On la faisait déjà
sur la tournée précédente. C'est une vieille composition.
Ce titre vous l'avez vu
évoluer depuis ?
S.L : Oui bien
sur. On l'a adapté aux autres titres...
Que devient le banjo ?
S.L. : Il est sur
le premier titre.
M.G : Premier
titre, premier couplet et c'est tout. Il est bien caché au fond du
mix. Juste une corde.
S.L. : C'est un
clin d’œil et un au revoir en même temps.
M.G : Et puis cela
complétait bien la guitare sur ce passage là.
Propos recueillis le
20/01/2014.
Un grand merci au
groupe et à Marion qui a organisé la rencontre.http://www.thecraftmenclub.com/news.php
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