vendredi 13 mai 2011

Interview avec Candide



Candide, dont le premier album « Et si… » avait fait grande impression aux oreilles de l’auteur de ces lignes (voir la chronique en cliquant ici) est un jeune homme plutôt calme, également professeur de tennis dans le civil, qui cache derrière sa modestie une créativité bouillante. Rencontre…

Alors Candide, définition du petit Robert : « Franc, ingénu, innocent, naïf, pur, simple ». Est-ce une bonne définition de ta personnalité ?

Candide : Il y a beaucoup d’adjectifs là… Si j’ai choisi ce nom, c’est aussi pour la définition du mot avant la référence littéraire à Voltaire. Donc oui, c’est des adjectifs que je revendique à défaut d’être des états que j’ai atteints. Pur, ce n’est pas facile, simple ce n’est pas facile non plus mais bon…

Et parmi tous ces adjectifs, lequel te touche le plus ?

C. : Pur.

Pourquoi ?

C. : Les chansons sur ce disque, même si elles sont arrangées, j’ai essayé de les rendre dans leur plus simple appareil. C’est l’émotion, que je recherche.

C’est un disque de guitares…

C. : Ouais. Il y en pas mal. J’ai utilisé des instruments traditionnels à une époque où les musiques sont plus travaillées à l’ordinateur. J’ai voulu rester dans une tradition finalement assez classique avec des chansons écrites à la guitare acoustique et une voix. Et on pose les textes dessus. C’est une phase qui me prend beaucoup de temps. Ensuite, je peux me faire plaisir avec les arrangements. Je travaille dans la pureté. Voilà, j’aimerais bien que cela soit mon adjectif.

Tu as commencé dans une formule en trio avant que le projet s’impose à toi comme un projet solo. Comment t’es venue cette évidence ?

C. : C’est à force de développer les nouvelles chansons. Le trio s’était constitué autour de deux/trois chansons qui étaient maquettées chez moi. Plus j’ai avancé dans la composition, plus j’ai ajouté des idées, des arrangements assez naturellement. Je ne pouvais plus faire une chanson sans penser à la basse, au rythme de la batterie, aux coeurs. Les maquettes n’ont pas laissées beaucoup de place à une créativité extérieure. Et surtout les textes étaient de plus en plus personnels. Ca m’a sauté aux yeux que ça devait se passer comme ça. Et ça n’a d’ailleurs pas choqué les autres musiciens qui ont continué à m’accompagner pendant un temps. Je pense rester dans une formule solo pour le moment. Après si je peux partager une expérience plus collective, de la scène notamment, je serais à peu près comblé, je pense. Mais ça ne dépend pas que de moi. Il faut aussi des moyens derrière.

Comment s’est passée la période d’écriture qui a suivi ton déménagement de Lille vers la Bretagne ? J’ai cru comprendre que cela a été assez intense…

C. : C’est vrai. Je découvrais l’indépendance, mon appartement, mon revenu… Je pouvais faire ce que je voulais. Et la solitude. Souvent les départs envoient d’abord vers un peu de solitude et après des rencontres. Je me suis retrouvé avec ma guitare. Le fait de quitter mon groupe (Smile, ndlr) aussi. Et puis, je rentrais tout juste d’un voyage au Québec. A chaque départ, qu’il soit de 600 ou de 7000 kilomètres, on accumule beaucoup d’émotions, de ressentis… En trois, quatre mois j’avais écrit le disque, de manière assez autiste. Après je l’ai fait partager avec les musiciens.

Est-ce qu’on pourrait dire que ton album fait le lien entre le rock, par les guitares fulgurantes, et la chanson française ?

C. : Oui il y a des accents rock effectivement. C’était l’enjeu du projet à vrai dire. De marier l’univers anglo-saxon qui est le mien, j’écoute très peu de chanson française, avec la langue française que j’adore aussi. Surtout la richesse des sens que l’on peut donner aux mots, comme on l’a vu tout à l’heure en parlant de mon pseudo. Et si cela s’entend je suis content.

Un aspect du disque qui m’a beaucoup plu et marqué, ce sont les guitares qui sont assez fulgurantes par moments…

C. : Oui il y a des petites envolées électriques et énervées de temps en temps…

Ton précédent groupe, Smile, est décrit dans ta bio comme « anglo-saxon de la région Lilloise » ?

C. : Oui, ça chante en anglais, mais ce sont des gens de Lille très penchés vers les côtes anglaises.

Et comment s’est passée la transition vers le français ?

C. : Je n’étais que le guitariste, je n’ai pas vraiment participé à la composition et l’écriture, sauf sur la fin où j’ai écrit deux chansons en anglais. Et c’est d’ailleurs le groupe qui m’a encouragé à écrire des chansons tout court après. Mais pour ce qui concerne le français, ça c’est imposé à moi quand je suis parti au Canada. Arrivé au Québec, je me suis senti très français.

On à la langue en commun mais les deux sont radicalement différents, c’est une culture complètement différente…

C. : Oui, je me suis regardé et j’ai entre guillemets « vu ma vie » depuis le Québec. J’ai vu la France, mes amis, les français. Ca m’a donné envie d’écrire en français.

Tu es resté longtemps au Québec ?

C. : Six mois.

Ca a été un voyage fondateur ?

C. : Un peu. Ca a consacré aussi le départ de chez mes parents. Ce qui est mon avis quelque chose d’important. Ne serait-ce que pour Candide, comme un paradoxe de lucidité et de naïveté. Ca a suscité la naissance de textes, il y en a deux ou trois qui ont été écrit au Québec. Beaucoup de brouillons aussi que j’ai poursuivis après.

Le choix d’Eléa comme premier single m’a surpris par ce que c’est le seul titre au ukulélé…

C. : C’est un des premiers riffs que j’avais trouvé et je l’ai trouvé directement au ukulélé que j’ai ensuite adapté à la guitare. Ce n’était pas dans l’idée de suivre une mode quelconque, ça fait peut-être deux ou trois ans que ce riff est « sorti ». Aujourd’hui effectivement le ukulélé est très à la mode mais je n’avais pas envie d’enlever mon idée première.

Parle-nous du diptyque « Du jour au lendemain »…

C. : Le texte parle de rupture. Il y a une phrase qui dit : « du jour au lendemain on devient d’intimes à anonymes ». C’est une chanson qui est arrivé après une rupture. En couple, si on s’abandonne un minimum dans les bras de l’autre, on est quand même assez intimes, dans une certaine vulnérabilité. Une proximité assez extrême avec l’autre. Et puis quand on dit qu’il n’y a plus d’amour, et bien voilà tout ça saute d’un coup. Et ça me semble assez étrange. Ca me sidère à chaque fois. L’aspect soudain. Et l’après-coup où chacun repart dans son chemin, dans sa vie. Et si l’un des deux décide de ne plus croiser l’autre et bien ça ne se croise plus. A un moment je dis : « on pourra peut-être rester amis, tu pourras rester dans ma vie un minimum ». Je trouve ça dommage que deux individus qui ont partagé autant de choses, autant d’intimité se retrouvent complètement inconnus, anonymes. Je ne comprends pas.

Et au niveau musique, j’ai noté un passage à la guitare wha-wha…

C. : Oui, oui, il y a une fin assez instrumentale. Et la chanson se termine par un effet sonore avec une porte qui claque. Ca sonne assez seventies.

Comment te viens l’inspiration pour écrire les paroles ?

C. : La vie de tous les jours. Les textes sont sortis de ma propre intimité pour les exposer sur un disque. La naissance vient de détails très intimes.

Ce n’est pas un peu difficile de s’exposer comme ça ?

C. : Je pense garder quand même de la pudeur. Et puis dans cet objectif de sincérité, de pureté, je ne vois pas comment faire autrement. Aujourd’hui je ne me sens pas capable d’écrire l’histoire de quelqu’un. Ca viendra peut-être au fil des disques. Là, j’écris beaucoup de nouvelles chansons qui sont assez différentes sur le point de vue. Celles-ci partaient de l’intime pour regarder après autour. Les nouvelles partent de l’environnement pour revenir dans l’autre sens. Et puis surtout ce qui me tenait à cœur c’était de faire sonner le français. Je pense que cela sera ma quête tout le temps qu’existera Candide. Imbriquer l’écriture avec la composition. Je teste chaque mot, chaque expression que j’utilise. En général j’ai la guitare et la feuille. Sur ce disque elles n’ont jamais été séparées dans l’écriture. Parfois un texte te fait changer ton accord ou l’inverse.

J’ai abordé ton disque comme un disque de guitares et de basses. C’est ce qui m’a sauté aux oreilles. Quels sont tes guitaristes préférés ?

C. : Bizarrement je ne suis pas un gros fan des solos, il y en a très peu sur le disque, je me suis concentré sur des formats de chansons. Il y a Jimi Hendrix quand même. C’est complètement bateau comme réponse mais en même temps c’est quand même un mec. Tout le monde retient son jeu de guitare mais c’était aussi un grand chanteur et un compositeur hors pair. C’était des supers chansons. Ce n’était pas un guitariste qui ne jouait que de la guitare, c’était un guitariste qui pensait à la chanson. C’est rare. « Purple Haze », « Voodoo Chile », c’est des chansons pas juste des riffs de guitares qu’on retient. Des tubes. Pas juste des solos de guitare.

Et pour la basse ?

C. : Mac Cartney. Les Beatles c’est une influence majeure pour moi. Je n’en démords pas. Même si ce n’est pas très original comme réponse. Je suis assez classique dans mes goûts et mine de rien assez penché sur le passé. Même si les albums solos de Mac Cartney sont très bons même encore aujourd’hui.

Cela s’entend un peu sur le disque cette attirance pour le passé…

C. : Oui les sixties, seventies, c’est vraiment mon truc. Le co-réalisateur de l’album, qui est aussi un ancien membre de Smile, est aussi très branché par cette période. Je savais que naturellement avec lui on allait tirer vers ça. C’était cette patte que je recherchais.

Comment ça se passe sur scène ?

C. : Actuellement on est deux. Un multi instrumentiste, Benjamin Riez, est à mes côtés. Moi-même je varie pas mal les instruments. J’ai une grosse caisse au pied. Il y a quelques petites programmations de batterie parfois, très légères. Ce qui fonctionne bien sur les chansons de ce disque c’est d’avoir une basse assez régulièrement. Je m’aperçois qu’avec une basse et une guitare, quasiment acoustique, on arrive aux fondements d’une chanson. On fait beaucoup de chœurs aussi par ce que Benjamin est un bon chanteur. C’est la formule qu’on utilise depuis septembre. On a fait pas mal de dates comme ça en Bretagne et dans ma région natale dans le Nord. Quelques dates à Paris aussi. Ca serait bien que la tournée se mette en place pour septembre. Sur scène c’est un enjeu pour nous de retranscrire un disque aussi arrangé.

Justement je me demandais comment un projet aussi solitaire pouvait se décliner sur scène ?

C. : J’ai la chance d’être entouré par des gens qui ont « le sens des chansons ». Même pour moi, ce n’est pas par ce que c’est mon projet solo et que je le porte que je ne me mets pas au service des chansons. Ce n’est pas moi le patron, c’est la chanson qui est patronne. Une fois sur scène, moi je ne suis que l’interprète. Ce n’est pas le show avant tout, mais la compo qui passe en premier. Moi je ne peux partir en tournée qu’avec des gens qui ont cette capacité à aller chercher l’essentiel d’un morceau et qui ont aussi les mêmes goûts que moi.

Un premier album, c’est un aboutissement et en même temps le début d’une histoire qu’est que tu en penses ?

C. : J’ai tendance à être un peu impatient, j’ai été en studio assez rapidement. Et puis j’aime le studio. J’aime bien les deux facettes du métier le mode autiste du studio et la rencontre du public sur scène. A la fin quand on a l’objet, le cd, entre les mains, c’est un aboutissement, mais cela ne le reste pas longtemps. Moi, ça m’a installé dans une quête sans fin. Il n’y aura que des petites étapes seulement, des albums qui vont ponctuer la quête de mélodies, de créativité. L’aboutissement est très temporaire. Tu écoutes un peu au début puis tu passes à autre chose. C’est aussi un accouchement dans le sens où on vide son sac. Mes nouvelles chansons, je ne vais pas tarder à les enregistrer pour laisser de la place. Effacer le disque dur et repartir. On libère par ce que c’est entêtant de penser à la longue aux chansons, aux arrangements. En plus, j’aime faire tout ça, je n’ai pas juste une guitare à laquelle penser. Ca fait du bien de faire un disque.

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

C. : J’ai quasiment un deuxième album d’écrit. Depuis janvier j’ai eu une période assez prolifique : sept nouvelles chansons. Les démos sont enregistrées. Ca me tient beaucoup à cœur de défendre ce disque, c’est mon premier bébé, mais pour moi, ça y est c’est parti…

Propos recueillis le 20 avril 2011.

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