dimanche 23 novembre 2025

Manu Lanvin + Fallen Lillies, Le Bataclan, 21 Novembre 2025.



Il est toujours un peu particulier, voire même délicat, de revenir au Bataclan… Une semaine après les célébrations du dixième anniversaire de cette funeste soirée, les décibels vont de nouveau résonner, assez fort, entre ces murs meurtris…

On commence donc avec les Fallen Lillies, un groupe de quatre filles dont le premier album, « Cran », est sorti le mois dernier (on y reviendra bientôt), et qui sont parfaitement conscientes du lieu et du contexte dans lequel elles jouent. Au fil d’un set lourd et électrique, flirtant avec le métal et mené de manière énergique, les musiciennes n’auront de cesse d’en appeler à la mémoire des victimes et se font un devoir de jouer pour ces dernières. Une prise de conscience qui ne plombe absolument pas l’ambiance mais donne de la profondeur à une prestation qui reste enthousiasmante.

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Après avoir accompagné le regretté Calvin Russell pendant plusieurs années (auquel il rendra un hommage acoustique poignant au cours de la soirée) Manu Lanvin (comme le chocolat précise-t-il avec humour) mène dorénavant sa barque en solo. Son nouvel album « Man on a mission » est sorti cet automne dont on fête la sortie ce soir au Bataclan. Nous sommes d’emblée saisis par l’ampleur sonore de l’artiste, fin guitariste, accompagné par une formation large : claviers, deux cuivres, batterie et percussions, sans oublier la basse tenue par Nicolas Bellanger (A l’Ouest) également accompagnateur de Paul Personne. Comme ce dernier Manu évolue dans un genre hybride fait de rock musclé et de blues assaisonné de groove grâce à la présence judicieuse des deux cuivres. S’il peine parfois à convaincre sur disque, la prestation live de Manu est nickel chrome ! Deux heures de rock’n’roll servie avec passion, enthousiasme et énergie, entrecoupées de quelques intermèdes acoustiques bienvenus. L’artiste n’a de cesse d’en appeler à l’énergie collective et à la solidarité, réservant quelques moments émouvant, réclamant des claquements de mains et autres mains en levées en l’air. Un besoin de contact qui le mènera à finir son set dans la fosse au milieu du public, sa guitare finissant même dans les mains d’un spectateur. Un grand moment de partage rock’n’roll.

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samedi 22 novembre 2025

Je t’aime + Une Vraie Gothique, Supersonic Records, 20 novembre 2025.

La soirée débute par une découverte, celle du duo Une Vraie Gothique, qui porte assez bien son nom, vraisemblablement venu de l’Est de la France. Composé d’une chanteuse, qui bien que s’exprimant en Allemand entre les morceaux est semble-t-il française, et d’un chanteur, également en charge d’envoyer le son, Une Vraie Gothique pratique une musique électronique, dark à souhait, entre synth-wave 80s, EBM et post-punk, servie par un chant, en français et en allemand, à deux voix hanté, aux textes nourris de leur expérience personnel. Leur proposition musicale est assez hypnotique et dans l’ensemble plutôt chouette.

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De manière assez incompréhensible, nous n’avions pas eu l’occasion de recroiser le trio Je t’aime depuis la sortie de leur formidable doublette « Passive / Aggressive » de 2022. C’est donc in-extremis pour la dernière date de leur tournée, suivant la sortie de leur dernier album « Useless Boy » que l’on retrouve le trio sur la scène du Supersonic Records, particulièrement bien remplie. Le line-up du groupe a également évolué depuis la dernière fois et c’est désormais une guitariste, Louise, qui remplace Tall Bastard. Devant un public nombreux, et dévoué à la cause, le trio nous a livré une prestation énergique et enthousiasmante suivant les lignes de basses énormes de Crazy Z, digne descendant de Simon Gallup, et le chant étranglé d’un Dboy survolté. Bien qu’ancré dans les années 80, le répertoire du groupe est varié et alterne entre le spleen aérien des Cure de 1989 ("Marble Heroes" comme un inédit de l'époque « Disintegration »), guitares surchargées d’électricité (« Dirty Tricks »), cold et synth wave pop (« Blood on Fire »). Bien que d’appartenance dark, Je t’aime sait également faire bouger les foules et le prouve avec « Dance », un dernier rappel appelant à la danse (« You’ve got to dance before you die »). Comme quoi nul n’est besoin d’être caverneux pour être crédible, et un concert estampillé gothique peut aussi être festif et enjoué. Ce fut en tout cas une belle soirée.

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Romain Podeur, The Mixtape, 19 novembre 2025.

Il y a une vie après Candide ! Après trois albums sous pseudonyme, le chanteur-guitariste poursuit son parcours musical sous son véritable patronyme et un premier album sous son nom. En attendant, c’est dans le cadre cosy de The Mixtape, à la fois disquaire et concept-store, niché dans le chouette et typique quartier de la butte Montmartre, que l’on découvre ses nouvelles compositions, jouées pour l’occasion en duo avec son fidèle guitariste Guillaume. Sans préjuger de la qualité de l’album (que nous n’avons pas encore écouté soyons honnête), il n’est, à première vue, pas évident de faire la distinction entre ce nouveau projet et le précédent. Le musicien possède une « patte » personnelle, signe de qualité, que l’on retrouve ici. A savoir ce mélange savant entre chanson d’extraction française (aux textes de qualité) et influences pop-rock d’obédience anglo-saxonne (l’Angleterre en particulier n’est jamais bien loin « Comme la Joconde » rappelle les Kinks, une descente similaire à « Sunny Afternoon » en intro). La formule live à deux guitares (une folk et une électrique, son clair) biaise un peu le regard. A n’en point douter, le disque est différent. Néanmoins c’est avec une belle énergie, et un enthousiasme qui fait plaisir à voir, que Romain défend son nouveau répertoire. Ce dernier attaque les cordes de sa guitare folk comme s’il se tenait devant un mur d’amplis saturés, et ses qualités vocales sont à l’avenant. C’était un chouette moment, un peu court, une grosse demi-heure, qui donne envie d’en écouter plus. Affaire à suivre…

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Roadrunners, La Maroquinerie, 16 novembre 2025.

Voilà un retour que l’on n’attendait plus ! Quelques trente années après leur séparation, les Havrais, dans la foulée de la réédition vinyle (déjà sold out) de « Sales Figures » (1995) l’ultime album de leur discographie, remontent sur scène, pour deux soirs dans une Maroquinerie, archi-complète depuis des mois. C’est dire si ils étaient attendus au tournant. Un défi remporté haut la main par Frandol et sa bande, qui nous ont livrés une prestation électrique, enthousiasmante et excitante au possible devant un public chaud bouillant. Il faut dire que le quintet n’a rien perdu de ses qualités : guitares rageuses (« Couteau Naïf »), batterie euphorisante et claviers pour un soupçon de groove garage rock bienvenu, tous les éléments sont en place pour mettre en valeur la voix de Frandol qui ne bouge pas en dépit des années. De la pop (« L.A. Party ») au garage sixties, la prestation du soir est une manière de revisiter l’histoire du rock d’ailleurs mais aussi de chez nous. C’est en effet une grande célébration du rock normand, dans la joie, la bonne humeur et l’électricité, grâce aux invités de la soirée : le claviériste Gene Clarksville (le co-fondateur des Roadrunners) parti ensuite rejoindre les Dogs ou Cyril Doche que l’on voit habituellement aux côtés des excellents François Premiers. Si l’on s’en tient au plan prévu, les choses devraient en rester là pour les Roadrunners. Mais ne perdons pas espoir, comme l’affirmait Frandol au terme de deux heures de show bouillantes : « Never say never ». Car il serait infiniment dommage de voir un groupe de ce niveau rester à l’arrêt. Depuis combien de temps n’étions pas sortis d’un concert aussi galvanisés ? En attendant, quel retour !

dimanche 16 novembre 2025

Gloria + The Big Idea, Petit Bain, 12 novembre 2025.

En pratiquement dix ans d’existence, Gloria entretient une aura mystérieuse qui entoure le groupe, un voile intriguant que son absence scénique ne fait qu’entretenir. Ainsi, la soirée se révèle d’importance, totalement absent lors de la sortie de son deuxième album, le groupe foulera ce soir une scène parisienne pour la première fois depuis 8 ans ! Et, pour l’auteur de ces lignes, il s’agît d’une première ! Très discrets, Gloria est pourtant l’une des plus fines lames psychédéliques de l’hexagone. Une formation atypique mené par trois chanteuses et passée de la psychédélie sixties bon teint à une forme musicale plus dark, mâtinée d’atmosphère orientale, entretenue au bouzouki turc utilisé avec parcimonie, mais à bon escient, sur scène. D’emblée la prestation se révèle envoûtante, les trois chanteuses, à l’unisson, pratiquent une chanson de geste sensuelle et hypnotique à l’avenant de la proposition musicale où se mêlent guitare wha-wha, basse sixties ronde, groove de la batterie et claviers lysergiques. Le spectateur est totalement emporté, un set de très haute tenue.

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Changement de registre par la suite avec The Big Idea, en provenance de La Rochelle. Formation atypique, The Big Idea n’a jamais rien fait comme tout le monde. Leur premier album « La Passion du Crime 3 » (2017) était un coffret composé de 4 cds et, dans le même ordre d’idée, le groupe n’a pas hésité en 2021 à s’embarquer sur un voilier, Le Grand Vésigue, afin d’y enregistrer un album, en pleine mer ! Impossible pour eux de faire d’envisager la musique de manière habituelle. Ainsi donc le groupe se révèle libre, tout le monde chante et, mis à part le batteur qui reste à sa place du début à la fin, les six membres s’échangent les instruments : basse, claviers ou guitares. Des contours flous et flottants, à l’instar de leur proposition musicale déstabilisante, pour qui n’a pas l’habitude, passant du post rock à des envolées jazzy, trompette à l’appui. Et pourtant, le groupe se révèle tour à tour enjoué et festif, dans un déluge de décibels, voire même touchant lors du rappel.

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dimanche 2 novembre 2025

Dafné Kritharas : « Prayer and Sin »

 




Fruit d’une longue période de maturation, quatre longues années se sont écoulées depuis son dernier disque, ce troisième album voit la proposition musicale de la chanteuse considérablement évoluer. Après deux albums consacrés au répertoire traditionnel, la chanteuse ose, pour la première fois, dévoiler ses compositions personnelles, dont deux en français, renforçant ainsi l’aspect multi-culturel de sa musique, en accord avec son histoire personnelle écrite entre la France et la Grèce. La pochette montre également l’évolution de l’identité visuelle de son projet, plus sombre et agrémentée d’une typographie, une peu trompeuse, digne d’un groupe punk gothique. Rien de tel à l’écoute. Enfin presque. Car si la chanteuse, loin de hurler à la mort, continue de caresser délicatement l’oreille de sa voix douce, la musique semble plus sombre, légèrement teintée de rock et d’électro (« Kaigesai » ; « Xapa »), qu’elle amalgame délicatement avec ses habituelles sonorités grecques et orientales, qu’elle affectionne tout particulièrement. Passant d’une délicate caresse acoustique (« Prayer & Sin ») à une déflagration sonique (ou inversement) ce nouvel effort s’écoute comme on traverse les émotions, un voyage musical faisant fi des frontières, marqué par la joie et la peine. L’émotion à fleur de peau toujours mise en avant. On en ressort bouleversés.

En concert le 19 janvier 2026 au Théâtre du Châtelet

https://www.facebook.com/dafnekritharasofficial/







The Freaky Buds : « Western Smoke »

 


Les couleurs chatoyantes et le design 50s de la pochette ressemblent à une carte postale envoyée par le groupe nantais. De fait, plus qu’un deuxième album, ce nouvel effort des Freaky Buds s’écoute comme le résultat d’une aventure au long cours. C’est que nos gars ont vu les choses en grand ! Cette fameuse authenticité, le groupe l’a trouvé auprès de Kid Andersen au sein de son Greaseland Studio, qu’ils ont rejoint après un road-trip à travers la Californie. Un moment fondateur de leur inspiration. Le reste relève de la magie. A cette excellente collection de compostions, ancrées dans le blues et la tradition, Kid Andersen a su apporter un grain et une profondeur incroyables, une sorte d’abrasivité qui faisait tout le sel d’un RL Burnside par exemple. A la fois rugueux, hypnotique, et portant porté par le groove (« Nothing to lose »), ce nouvel album a vu les Freaky Buds viser en plein dans le mille. Placée en toute fin de programme « She’s nineteen years old », enregistrée en compagnie d’Alabama Mike, fait figure d’exception dans ce cocktail de guitares et d’harmonica en fusion, ce qui explique sa position en clôture d’album, comme une cerise placée en bonus au sommet d’un gâteau électrique. C’est une réussite complète.

https://www.thefreakybuds.com/

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samedi 1 novembre 2025

Miles Kane : « Sunlight in the shadows »

 


Ce sixième album du rocker britannique scelle sa rencontre avec Dan Auerbach, qui vient de le signer sur son label, rencontre qui pourrait s’avérer pour la suite du parcours du chanteur. En effet si le chanteur possède un talent inné, il s’est parfois perdu en cours de route signant des albums décevant. Rien de cela ici. Enfin dirigé correctement, Miles Kane propose un album compacte (37 minutes) cohérent de bout en bout au-dessus duquel plane le fantôme de T-Rex (« Electric Flower »). On y retrouve la patte d’Auerbach, qui a tant fait de merveilles auprès d’autres artistes, qui réussit à rendre hommage sans pour autant tomber dans le pastiche, accouchant de classiques immédiats. La recette fonctionne à merveille pour Miles Kane, qui de plus, a trouvé un soutien de poids en la personne du guitariste Barrie Cadogan (Little Barrie), ce virtuose méconnu, auteur de formidables saillies électriques, entre psychédélisme (« Always in over my head » ; « My Love ») et glam (irrésistible « Blue Skies »), rehaussée d’une pointe de groove tranquille bienvenu (« Without You »). Un album de très haute facture.

https://mileskane.com/