Quand j’ai su que j’allais vous avoir en interview, j’ai fouillé dans ma discothèque et j’ai retrouvé votre tout premier maxi « Bienvenue dans les Criques », sorti en 1999…
Kaolin (les yeux ronds comme des soucoupes) : Ouuhhh !!! Aahhhh !!! Yeah !!! Bien !!!! Tu sais qu’il est collector celui-là maintenant ! (le cd passe de mains en mains) Nous on ne doit même plus en avoir ! Mais tu sais j’ai vu deux trois sites sur internet qui le vendent. Ca vaut plus de 1000 euros sur ebay ! Euh non c’est des roubles, 2000 roubles !
Je l’ai acheté à l’Elysée-Montmartre après la première partie d’Eiffel…
Kaolin : Ah ouais !!!! Ca ne nous rajeunit pas !!!!
Il y a un détail qui m’a frappé. Sur la pochette il est indiqué : « enregistré et mixé en une seule journée »…
Kaolin : Oui c’est vrai. Mais bon c’était sport ! De toute façon on a investi tout l’argent dont on disposait. Soit on finissait à la fin de la journée, soit… (la fin de la phrase reste en suspension). Et puis il n’y avait pas pro-tools. Nous on n’avait que des cassettes avec des petites bandes pour enregistrer chez nous. Rien que pour revenir au début de la bande tu as cramé ta journée. On osait quand même, la police en jaune et tout (sifflements). Et deux instrumentaux à la suite en plus ! On n’avait pas peur de la mort !!! Et t’as vu l’adresse internet de l’époque (www.multimania.com/weezerandco). C’était un gars, Olivier, qui avait bien voulu faire ça. On s’était rencontré sur un forum, on était fans des weezer. Et je lui avais fait écouter nos morceaux et on lui avait proposé de s’occuper de nous sur le net. C’était très rare les sites internet à l’époque. Très, très rare. C’était vachement bien, on était très content !
Vous avez parcouru pas mal de chemin depuis…
Kaolin : Oh oui…
Vous êtes fiers du groupe que vous êtes devenu ?
Kaolin : Très ! On est encore là ! Ca fait pas mal d’interview qu’on fait et on se rend compte qu’il n’y a pas beaucoup de groupes de 1999 qui existent encore. Il y a un écrémage… On est des dinosaures… Jurassic rock !
Et justement puisqu’on en parle, il y a quelques années Daisybox s’est séparé, simplement en disant : « Aujourd’hui on est fatigués ». Est-ce que c’est quelque chose que vous comprenez ? Est-ce que cela vous fait peur ?
Kaolin : On les connaissait un petit peu. On a joué avec eux. Ils ont essayé beaucoup de choses pour faire passer leur musique et sans aucune reconnaissance et ça les a décimés. C’était un groupe qui mettait beaucoup d’énergie pour se promouvoir eux-mêmes sans avoir rencontré le succès qu’ils auraient du avoir. Et comme ils ont eux-mêmes tout mis dans la bataille, c’était encore plus fatiguant. Ils avaient plein d’idées, les clés USB par exemple. Plein de petits trucs pour essayer de passer par la fenêtre quand on n’arrive pas à ouvrir la porte… Et malheureusement… De batailler, toujours batailler comme ça, ça fatigue. A un moment donné ça devient de la survie...
Est-ce pour cela qu’il y a eu quatre ans entre les deux derniers albums ?
Kaolin : Il y a plein d’explications. Déjà l’album précédent a bien marché (« mélanger les couleurs », nda). On a eu une tournée très longue ensuite. On a tourné vraiment très longtemps, pendant quasiment deux ans. Déjà ça raccourci beaucoup les quatre ans. Les gens ne se rendent pas vraiment compte. On a joué à l’étranger, dans d’autres pays, cela a pris pas mal de temps. Et puis on en a tous profité pour s’atteler à des projets divers et variés, de vie comme professionnels. Et Guillaume a fait son album solo. Pour nous cela n’a pas été long…
Et quand la tournée s’achève, il n’y a pas comme un vide ?
Kaolin : Quand tu as passé deux ans sur la route et que tu te retrouves à la maison, cela fait comme un vide. Tu n’as plus tes repères, le rythme de la tournée. Nous on tourne beaucoup donc il y a comme un paradoxe entre un manque et un besoin d’arrêter aussi. T’es jamais chez toi… Et il y a ce sentiment bizarre, quelques mois après revient l’envie inverse de repartir sur les planches.
Souvent les groupes me parlent de la musique comme de la quête d’un idéal, d’un Graal inaccessible. Quel est votre idéal ?
Kaolin : D’albums en albums, tu cours toujours après quelque chose. Et si jamais tu trouves, t’arrêtes de faire de la musique direct ! T’es à la recherche de la « compo absolue », c’est un Graal. Du frisson !!! Des fois on arrive à l’atteindre… C’est une quête effectivement... De faire de la musique c’est une expérience… Il y a un côté ludique aussi, comme un môme avec un nouveau jouet. Au bon d’un moment t’es sur d’avoir trouvé le bon jouet puis l’année d’après « aargghhh » !!!! Il y a encore autre chose à faire, à tenter !!!!
Et ce nouvel album, il vous plaît ?
Kaolin : Non (fou rire général) !!!! Je crois que l’on ne pourrait pas vivre avec un album qui ne nous plaît pas. Sortir un album comme ça, je crois que cela serait la pire des choses à faire.
Il y a une chanson qui s’appelle « tu m’emmerdes », est-ce que vous pouvez nous en parler un peu ?
Kaolin : C’est un grand sujet « tu m’emmerdes »… C’est une sorte de fantasme en fait. Une relation que l’on peut avoir avec une femme où un homme peu importe. Cette espèce de franchise brute que l’on pourrait avoir avec quelqu’un et que finalement on fait rarement voire jamais. De dire calmement à quelqu’un (le ton s’affermit) : «et bien tu me fais chier, tu m’emmerdes » tout simplement. C’était assez jouissif de le faire en chanson, par ce qu’en chanson tu peux pratiquement tout te permettre. Il y a un second degré dans l’album qui est très présent et un des traits forts de cet album c’est ce titre là, « tu m’emmerdes », « petite peste » toutes ces choses là qui prêtent à sourire. D’habitude on a toujours tendance à tourner autour, à ne pas dire les choses franchement. Et là « tu m’emmerdes » ! (rires) Quelle violence ! (rires) Ca fait du bien d’aller directement à l’essentiel !
Kaolin : Le côté un peu disco, dansant. La rythmique basse/batterie est dans l’esprit de Blur.
C’est une direction vers laquelle vous voulez allez vers quelque chose de plus dansant ?
Kaolin : Oui, s’occuper un petit peu des hanches et des jambes de nos auditeurs, c’est quelque chose qui nous intéresse. Le swing aussi. Ce n’est pas « Saturday night fever » non plus. Mais vraiment on recherchait cette science du groove que l’on trouve dans les musiques « blacks ». D’où la présence de cuivres sur l’album.
Parlez-nous un peu du nouvel album…
Kaolin : C’est un disque très « Kaolinien » j’en veux pour preuve que c’est un album éponyme, ce qui est somme toute assez symbolique. C’est un mélange de toutes les influences des cinq membres du groupe. On y a mis beaucoup de choses. C’est un album pop comme on l’aime. On va passer d’une chanson très rock à une chanson très pop, très fraîche sur laquelle tu vas danser à une autre beaucoup plus dark etc... On passe vraiment par toutes les figures et les émotions dans les albums pop et c’est dans cet esprit qu’on a construit le notre. Comme finalement tout nos albums, on fait ça à chaque fois depuis le début. On parlait tout à l’heure de « bienvenue dans les criques » où tu as « Histoire de dire » qui est une chanson très pop folk et à côté tu as un instrumental « #A-bis » qui est un peu plus rock avec des guitares électriques. Je pense qu’on a toujours été dans ce sens là même à nos débuts. On est un peu comme des cuisiniers on a horreur de toujours faire le même plat. Il faut toujours qu’on assaisonne différemment, qu’on change d’ingrédients. C’est un peu de la cuisine et le menu sur cet album est assez épicé finalement.
Le groupe à une base de fans assez importante, est-il facile de se renouveler d’un côté et de l’autre de rester fidèle à ce que l’on représente ?
Kaolin : On ne se pose vraiment pas la question par ce que quand on fait de la musique à cinq, on se regroupe par ce que l’on aime faire cela ensemble. Mais on le fait pour nous d’abord. On ne pense pas ni à notre fan base ni à n’importe qui d’autre pour savoir ce qu’ils ont envie ou besoin d’écouter. C’est un truc un peu égoïste mais finalement je pense que c’est comme ça que l’on ne fait pas de redite non plus. C’est une réalisation personnelle, c’est quelque chose qui sort de là (il se tape le ventre), des tripes. Il y a une chanson ou deux qui ressemblent beaucoup à « Partons-vite » par ce que c’est notre truc et on aime ça. Mais c’est essentiellement nous sans penser aux autres. Désolé (rires). C’est aussi pour cela que l’on est un vrai groupe avec quatre albums et deux EP. Et j’imagine que c’est pour ça aussi que l’on est encore là.
L’album est éponyme alors qu’il s’agit de votre quatrième et d’ordinaire les premiers albums sont éponymes. Cela a été un cheminement pour arriver jusqu’à la ?
Kaolin : On ne fait rien comme les autres. C’est le premier d’une nouvelle ère ! C’est très symbolique, c’est un concentré de ce que l’on sait faire. Cela nous paraissait très naturel de le nommer tout simplement « Kaolin ». Aussi une façon d’assumer tout ce que l’on est et de le dire. Il y a tout et rien de plus ni de moins que Kaolin dans cet album.
Le disque est sorti le 18 octobre, vous avez eu des premiers retours ?
Kaolin : Cela se présente plutôt pas mal. On est très content.
Et la tournée ?
Kaolin : On vient de finir la résidence, qui sont les répétitions d’avant tournée.
Vous êtes impatients d’y être ?
Kaolin : Super impatients, remontés comme des pendules ! C’est souvent sur les tournées que se forge la suite. T’emmagasines de l’expérience et d’autres choses.
Vous composez sur la route ?
Kaolin : En tout cas on engrange de quoi faire pour plus tard. T’as toujours des riffs qui arrivent en faisant un petit bœuf au milieu d’une balance. Et on est des professionnels pour les oublier (rires) !!! On en a quand même gardé quelques uns. Mais combien en on a perdu…
Et vous aimez entre en tournée, voyager ?
Kaolin : Oui, voyager quoi qu’il arrive c’est un bonheur. Voyager en plus avec ta musique c’est la cerise sur le gâteau. On s’attelle aussi à aller le plus possible à l’étranger. Amener ta musique dans un autre monde que le tien c’est encore plus intéressant. T’as un choc.
Ce n’est pas trop compliqué quand on chante en français ?
Kaolin : On aurait pu le penser. On a eu la chance de se balader dans des pays exotiques comme la Syrie et on n’a pas eu l’impression d’être des extra-terrestres. Les gens écoutent. Chanter en français c’est une de nos particularités et on y tient vraiment. Ca a l’air de disparaître, beaucoup de groupes chantent en anglais maintenant. On tient à souligner cet attachement que l’on a à la langue.
Souvent on m’a parlé d’un blocage avec le rock chanté en français…
Kaolin : Mon cul sur la commode (rires) ! Le cerveau a une façon particulière de fonctionner. Tu as une langue natale. Si tu veux raconter quelque chose cela vient dans cette langue natale. Qu’on ne vienne pas me raconter n’importe quoi… Après c’est une question de culture. On est vraiment d’obédience anglo-saxonne. Mais si on veut aller au bout et vraiment raconter quelque chose qui vient d’ici (il désigne son estomac), pour nous, ces choses là, elles sortent en français. Et effectivement cela peut devenir très compliqué par ce que si tu ne fait pas attention tu peux avoir un texte qui va sonner bizarrement. Il suffit d’allumer la radio. C’est un challenge, un exercice de style, assez jouissif quand il est réussi. Quand tu chante en français tu ne tapes pas au même endroit. On parlait tout à l’heure de « Tu m’emmerdes » et si elle avait été en anglais, cela n’aurait pas fait autant de bruit. Et on parlerait plus du côté musical de la chose et pas du texte. Par ce que quand la première chose que tu entends c’est « tu m’emmerdes »… Le texte a plus de poids. Et il y a aussi une vieille habitude française, les gens aiment écouter des textes chantés en anglais, cela leur repose le cerveau. Ils ne cherchent pas à comprendre ce que l’on raconte. C’est même devenu une envie.
Shanana est pourtant chantée en anglais…
Kaolin : C’est le paradoxe. C’est un vrai un exercice de style mais c’est très agréable. Tu prends la langue différemment, c’est un autre point de vue. Et cela sonne très musical. Tu es directement dans le côté mélodique d’abord. Et ensuite tu peux t’intéresser au texte…
Comment est-ce que vous travaillez ensemble, chacun emmène son petit bout de chanson ?
Kaolin : C’est exactement ça. La fameuse marmite ! La cuisine… Quelqu’un emmène une compo et on la met dans la marmite. Chaque membre du groupe à ses ingrédients. Et après on tourne jusqu’à temps que le goût nous plaise à tout les cinq (ils font mine de touiller). Et pour finir on dresse la table. Et on sert…
Propos recueillis le 3 novembre 2011.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire