jeudi 31 octobre 2024

Eddie 9V : « Saratoga »


Contrairement à ce que son pseudonyme très électrique pouvait laisser penser, ce nouvel album du songwriter d’Atlanta, se révèle une petite merveille d’éclectisme ! Débarrassé des afféteries inhérentes au son vintage, le groove toujours en ligne de mire, la guitare présente sans envahir l’espace, ce nouvel effort rapproche le musicien multi-instrumentiste d’un Gary Clark Jr. De fait sur ce nouvel album, Eddie brille surtout par ses qualités vocales, à la façon d’Eli « Paperboy » Reed, ou chaque chanson se révèle être un nouvel exercice de charme pour le crooner. Point de démonstration de force électrique donc, mais une soul ouaté mâtinée de funk et de rock’n’roll. Le blues, toujours présent (« Red River » ; « Wasp Weather » ; « Truckee » qui sonne comme du Stephen Stills), n’est pas le point central de la musique mais une influence qui plane au-dessus du disque. Peut-être plus FM dans sa production, une anicroche que l’on peut effectivement lui opposer et qui fera sans doute bondir les puristes, le disque a le mérite de dépoussiérer les influences des années 60, bien présentes en sous-texte (« Cry like the river »), par une dynamique plus contemporaine que l’on ressent surtout dans le traitement des batteries et du beat d’une manière générale. Un reproche bien mince au regard du sentiment feelgood général ressenti à l’écoute de ces nouvelles compositions.

En tournée française en novembre avec The Cinelli Brothers (le 25/11 au Pan Piper).

https://www.facebook.com/Eddie9V

https://www.eddie9volt.com/




mercredi 30 octobre 2024

Johnny Montreuil, La Cigale, 29 octobre 2024.

Manière de Renaud (enfin, celui des années 70) des temps modernes pour sa manière d’évoquer avec tendresse sa banlieue natale, Johnny Montreuil (évidemment il s’agît d’un pseudonyme) fait son retour sur la scène d’une Cigale, bien remplie, après une Maroquinerie complète l’hiver dernier. Derrière sa contrebasse, dont il joue d’une manière assez atypique dans sa façon d’attaquer les cordes, Johnny fait montre d’un univers tendre et poétique derrière ses allures de gros bras. Le Montreuillois n’a pas son pareil pour voir de la beauté là où le commun des mortels ne voit que le béton moche et dégueulasse des barres HLM. Ainsi chez Johnny, un bateau en papier flottant sur le caniveau devient un irrésistible appel à prendre le large. Le large et l’évasion sont la grande affaire de Johnny qui aime prendre le frais dans les pissenlits, ses textes, « Les goémons », le duo avec Flavia Coelho, n’a de cesse d’appeler à sortir du béton. Son univers musical se veut à l’avenant. Ancré dans les années 50, le rock’n’roll, la guitare twang, l’harmonica, mais aussi un soupçon de country/western, idiome qu’il a parfaitement su adapter à la langue de Molière, se révèle particulièrement riche et varié, fort en swing (super, la batterie!) et marqué par les fulgurances de la guitare où le vibrato joue un rôle prépondérant. Mais il y a chez lui un côté tendre et poétique, quand seul dans une atypique formule contrebasse/voix, il évoque l’artiste de bar qu’il reste intrinsèquement sur un mode quasiment jazz, où quand sa musique bascule dans le psychédélisme (« Les Goémons »). Une belle soirée marquée par la générosité du chanteur et une magnifique ambiance démontrant la proximité entre l’artiste et son public.

lundi 28 octobre 2024

The Cinelli Brothers : « Almost Exactly »

 


Fait unique, suffisamment rare pour être souligné, les Cinelli Brothers sont tous multi-instrumentistes, et à l’instar du Band, s’échangent régulièrement leurs instruments. Est-ce la raison pour laquelle ils excellent dans tant de genres différents ? Toujours est-il que le quatuor anglais est auréolé, à juste titre, de la réputation, encombrante mais justifiée, de meilleur groupe de blues européen. Si le groupe coche la case avec justesse, il serait trop restrictif de les cantonner au seul idiome tertiaire. Ainsi, ce nouvel effort se révèle être, aussi, un disque de soul de première classe (cf. « Dozen Roses » ; "Lucky Star"). Et probablement parce qu’ils sont anglais, une énergie pop et rock (« Nobody’s fool »), héritée des années 60, infuse leur musique, les rapprochant ainsi de la scène mod. Bref, vous l’aurez compris, ce nouvel effort c’est du tout bon du début à la fin, dès les premières notes euphorisantes de « Last throw of the dice » qui ouvre les débats. Groove impeccable, chant soulful (« Ain’t blue but I sigh »), interventions de la guitare ou de l’harmonica inspirées, rien ne manque pour rendre cet album définitivement inoubliable.

En concert le 25/11 au Pan Piper (avec Eddie 9V)

https://www.facebook.com/thecinellibros

https://www.cinellibrothers.com/





samedi 26 octobre 2024

Boogie Beasts : « Neon Skies & Different Highs »

 


Déjà repéré avec son album précédent, le quatuor belge est de retour, bien décidé à passer à la vitesse supérieure, et faisant honneur à sa réputation de « blues éclectique ». Ainsi l’écoute de l’album relève d’une expérience tout à fait euphorisante pour l’auditeur. C’est un sentiment particulier qui s’empare de vos oreilles dès la première plage « Save Me », l’harmonica (omniprésent sur l’intégralité du disque) nous place en territoire connu, celui du blues. Mais débarrassé des afféteries inhérentes aux années 60 et 70, qui en général habillent la musique de la plupart des groupes de blues-rock actuels, les Boogie Beasts se placent en position inédite. « Different Highs » nous indique le titre de l’album. Différente est donc la musique du groupe. Au côté roots de l’harmonica, la guitare imprime un son contemporain, la dynamique tout à fait moderne du groupe qui se prolonge sur le traitement de la voix et de la batterie. Néanmoins, et c’est là que réside le tour de force réussi par le groupe, à aucun moment des effets malvenus ne viennent polluer la musique, tout autant de risquer de la faire vieillir prématurément. Nous sommes donc en présence d’un véritable album de blues-rock où le fantôme de RL Burnside entre en collusion avec les Black Keys. Inspiré et dynamique, moderne et énergisant. Une réussite.

https://www.facebook.com/boogiebeasts

https://www.boogiebeasts.com/




samedi 19 octobre 2024

Les Doigts de l’Homme : « Erratic the art of roaming »

 


Le sextet fête ses vingt ans avec ce nouvel album, instrumental, particulièrement ambitieux. Un double album de vingt-trois titres répartis en deux cds, le premier est acoustique, le deuxième est électrique. Précisons qu’il s’agît bien de deux disques et non pas d’un album accompagné de sa version acoustique. Et c’est précisément cela qui justifie le titre du double programme que l’on pourrait traduire par « l’art de l’errance ». Le nomadisme musical caractérise ce nouvel effort jonglant entre différentes esthétiques, du jazz manouche à une forme beaucoup plus free, entre lesquels le groupe se promène avec bonheur. Qu’importe le flacon tant que l’on ait l’ivresse pourrait être le fil conducteur de cet album aventureux explorant les différentes facettes du swing. En particulier sur le disque électrique, où les trois guitares tricotent un swing aux allures d’odyssée s’exprimant bien sur la longueur.

En concert le 22/11 au Studio de l’Ermitage

https://lesdoigtsdelhomme.bandcamp.com/album/erratic-the-art-of-roaming




vendredi 18 octobre 2024

Bacchantes : « Pas un bruit »

 


A bien des égards la musique fonctionne suivant un système de chapelles. Il y a les nostalgiques qui pensent que rien d’intéressant n’est arrivé depuis 1974, ceux qui poussent le curseur une décennie plus loin, les faiseurs au kilomètre et les expérimentateurs fous au point de perdre le fil et l’auditeur avec. Et puis il y a les autres, les ovnis atypiques, qui non contents de rentrer dans une case préfèrent en cocher plusieurs à eux seuls. Ces disques là sont rares, forcément précieux, et à n’en point douter les filles de Bacchantes rentrent dans cette catégorie. Les Bacchantes sont quatre : Faustine, Astrid, Claire et Amélie, elles sont chanteuses lyriques et font figure d’exception, elles se sont converties aux vertus du rock garage et des guitares électriques (!!) ce qui avait déjà donné un premier album magnifique sorti en 2021. Ce deuxième disque voit les filles pousser encore un peu plus la démarche au point de trouver le point de rencontre fort improbable entre Gérard de Nerval (cf. « Vertigo », 1828) et l’exaltation électrique d’amplis en fusion. Loin de fonctionner de manière linéaire et de répéter à l’infini une formule toute trouvée, Bacchantes au contraire aime à varier les ambiances, du folk éthéré (« Cantique de la poussière ») au psychédélisme oriental de l’harmonium indien (« Interlude » / « Ô Fontaine »). Ainsi, l’album est parcouru par une sorte de grain de folie qui fait basculer la musique dans le registre baroque. Le pied sur le frein, dégageant une sorte de colère intériorisée, les compositions de Bacchantes flirtent avec ce point de rupture où la tension rentrée explose brutalement (« La chanson du masque »). Déstabilisant peut-être mais surtout irradiant de beauté baroque, il s’agît assurément là de l’une des réussites majeures de l’année.

https://www.facebook.com/bacchantesmusic/

https://bacchantes.bandcamp.com/





jeudi 17 octobre 2024

Blues Pills, La Maroquinerie, 16 octobre 2024.

Deux ans que l’on n’avait pas revu le groupe suédois sur scène ! La Covid avait déjà perturbé la sortie de leur album précédent, et la grossesse surprise de la chanteuse Elin Larsson, qui affiche avec fierté cette dernière sur la pochette du nouvel album, ont quelque peu chamboulé les plans ; mais le groupe est bel et bien là, sur scène à défendre ce dernier opus. Toujours aussi carrée et efficace, la formation a quelque peu évolué au niveau du son depuis le départ de son guitariste Dorian Sorriaux et le changement d’instrument de Zack Anderson, passé de la basse à la guitare. Moins porté sur les pédales wha-wha que son prédécesseur, Zack Anderson impose une nouvelle orientation, des ballades, des influences venues de la soul, peut-être moins psychédélique dans l’esprit, mais toujours des fulgurances heavy de temps à autres et un ancrage blues dans le rock. En tout cas le quatuor ne boude pas son bonheur d’être sur scène, la chanteuse bouge dans tous les sens, la batterie est infernale, l’ambiance monte au fil des titres et culmine sur un « Devil Man » d’anthologie qui ponctue le concert.

https://www.facebook.com/BluesPills

https://bluespills.com/




mardi 15 octobre 2024

Les Excellents, Café de la Danse, 14 octobre 2024.

Ramon Pipin (c) Thierry Wakx

Simone Grégoire (c) Thierry Wakx

Les Excellents au grand complet (c) Thierry Wakx



C’est avec un répertoire, de reprises toujours, renouvelé aux trois-quarts comparé à celui de l’album, que Les Excellents, mené par l’inénarrable Ramon Pipin, se présente sur la scène du Café de la Danse. Manière de projet à double détente, Les Excellents imposent deux niveaux de lecture. Côté pile, le groupe ressemble à une bonne blague, volontiers truculente à l’occasion, s’amusant à reprendre en français de grands classiques du rock’n’roll de manière parodique. Mais la chose devient passionnante côté face quand on réalise l’immense travail d’écriture que nécessite le réarrangement des chansons pour le ukulélé (l’instrument principal utilisé par le groupe) et l’adaptation des paroles en français. Prenant le contre-pied de bons nombres de groupes humoristique, Les Excellents ne se contentent pas de chanter des inepties (ce qui a provoqué une certaine allergie au genre chez l’auteur de ces lignes) mais tiennent à donner du sens, aussi absurde soit-il, aux adaptations en leur donnant des allures de petites histoires (cf. « Virus », décalque de « Venus » des Shocking Blue, raconte l’histoire d’une otite). Sur scène la démarche prend une autre ampleur, proposant une représentation au croisement du concert et du théâtre comique, entrecoupant les titres de mini sketches transformant les musiciens en comédiens. Dans ce registre, Jérôme Sétian, Eric Massot et Simone Grégoire (que l’on a bien connu, autrement plus grave, dans une autre vie) sont bien mis en valeur et se révèlent particulièrement drôles. On aurait jamais imaginé Simone faire des choses aussi fofolles sur scène comme bêler, brandir des banderoles ou bouder (pour de faux) dans un coin. On rigole donc beaucoup pendant le spectacle, mais, comme le veut l’adage, seules les blagues se font dans le plus grand sérieux. En effet, le concert est porté par une véritable ambition musicale, certaines reprises sont pointues (cf. Fleetwood Mac), et se révèle assez casse gueule, quand la deuxième partie les voit reprendre l’intégralité de l’album « Revolver » des Beatles (!!!), toujours en français et sur le ton de l’humour. Le grand jeu est de sortie, quatuor à cordes, deux cuivres, le groupe culmine à une dizaine de musiciens sur scène. Il serait d’ailleurs dommage que les choses en restent là et ne fassent pas l’objet d’une sortie sur disque. En attendant, espérons pouvoir se repaître bientôt d’un nouveau spectacle, à la fois hilarant et propre à séduire les amateurs de classic rock, attendu le niveau élevé de la prestation musicale.

https://www.facebook.com/leschefsdoeuvredurockmassacresparnossoins


jeudi 10 octobre 2024

Bjorn Berge, l’Archipel, 9 octobre 2024.

C’est avec un artiste déconcertant que l’on a rendez-vous en ce mercredi soir, ô combien pluvieux, sur la scène de l’Archipel. Actif depuis une vingtaine d’année, le bluesman Bjorn Berge, puisque c’est de lui qu’il s’agît, dispose d’une impressionnante technique à la guitare et d’un charisme certain lui permettant de tenir seul la scène avec beaucoup d’aplomb. Marqué dès le début par une forme de brutalité (pour un mec seul à la guitare sèche, s’entend) son approche du blues reste marquée par son côté brut de décoffrage, en particulier à cause de sa grosse voix de gorge, même s’il a beaucoup gagné en subtilité au fil des années en baissant le ton. Sa capacité à jouer sur des tempo rapides, donnant l’illusion de regarder un film en accéléré, impressionne certes mais la démonstration technique se fait parfois au détriment du feeling. Un écueil en parti gommé mais qui refait surface de temps à autre. Maître du bottelneck, posant parfois la guitare à plat sur les genoux telle une lap-steel, ses choix de reprises désarçonnent. Du classique « Spoonfull » à « Can’t get you out of my head » (Kylie Minogue!), les choix trahissent le kid ayant grandi dans les années 1990 (« Buena » de Morphine ; « Give it away » des Red Hot Chili Peppers ; « Ace of Spade » de Motörhead). Des reprises totalement transfigurées, que l’artiste se réapproprie complètement grâce à de longues interventions instrumentales en guise de solo, qu’il gagnerait toutefois à raccourcir un petit peu. Il reste cependant un musicien attachant.


mardi 8 octobre 2024

Mirabelle Gilis : « Rivière »

 


Telle la rivière donnant son titre à ce premier EP de la chanteuse/musicienne, la vie coule et infuse la musique de Mirabelle Gilis. La vie et sa violence, cf. « La Prunelle de ses yeux » (cosignée avec Miossec), qui saisit l’auditeur, le disque à peine posé sur la platine, par sa dichotomie savamment entretenue, entre la dureté des paroles et sa mélodie apaisée. Et ainsi va ce disque, qui voyage, telle sa rivière titulaire, s’arrête en Italie (cf. « L’immensità ») et dont les circonvolutions musicales sont semblables à celle des flots. Ces cinq titres sont surprenants ! Richement orchestrés, en dehors des sentiers battus, traçant un sillon unique, aventureux, où les mélodies flirtent avec l’expérimentation et envoûtent l’auditeur de ses violons et de ses synthés.

https://mirabellegilis.com/

https://www.facebook.com/mirabellegilismusic/




jeudi 3 octobre 2024

Kokopeli : « Family Affair »

 


Sans rapport aucun avec Sly & The Family Affair, le duo Kokopeli nous propose à son tour une belle affaire de famille puisque le groupe est composé de deux cousines. En français, un peu, et en anglais, souvent, cette livrée inaugurale de cinq titres nous entraîne sur des rivages rêveurs, allant du folk intimiste à la pop indé. Doux et apaisant, mélodique, à l’unisson des deux voix harmonieuses des deux musiciennes, mais aussi voyageur grâce à l’utilisation du n’goni (« Mania »). Une belle découverte.

En concert le 21/11 aux 3 baudets.

https://www.facebook.com/Kokopeliband




mardi 1 octobre 2024

Manila Haze : « Upside Down »

 


Dans le grand revival soul actuel, une décennie reste régulièrement la grande oubliée de cette mode rétro : les années 1980. Période à laquelle se réfère le premier EP de ce quintet au titre évoquant l’inoxydable classique signé Diana Ross (sorti justement en 1980). Une influence prégnante mais totalement digérée en une proposition totalement moderne allant du folk à l’électro et ce dans le même morceau (« King of Fakes »). Teintant sa musique de synthés, réduisant la guitare à la partie rythmique, Manila Haze se situe au croisement de la pop, du funk et de la soul. Mais qu’importe le flacon tant qu’on ait l’ivresse. Alternant l’émotion (« Strangers in the bay », joli solo de guitare soit dit en passant) et la danse (« Callysthenia »), le sens du groove electro-funk à toute épreuve (« My Valentine »), Manila Haze fait mouche !

En concert le 25/10, Péniche El Alamein

https://www.facebook.com/manilahazeforever/

https://manilahaze.bandcamp.com/album/upside-down