lundi 30 mai 2022

Marc O : « L’homme de l’ombre »

 


Après un quart de siècle passé en Angleterre, et autant de temps à s’exprimer dans la langue de Shakespeare, Marc O, sort, enfin (les premières ébauches de l’album datent de 2016), de l’ombre avec un premier effort en solo, chanté, oh surprise, dans sa langue natale, le français. Un étrange album, intriguant à bien des égards, un petit miracle, en équilibre entre les influences et les époques. Truffé d’influences littéraires, signés de la plume de son frère, le philosophe et écrivain Bruno Pons Levy, il se dégage de l’album une forme d’élégance décadente, quelque part entre Serge Gainsbourg (« Le test de la femme à barbe ») et le glam-rock (« Le Dyssimètre »). Et pourtant, si influence seventies il y a, cette dernière est totalement assimilée et se fond, avec bonheur, dans des sonorités synthétiques, mi-cold wave / mi-industrielles (« Les démodés » ; « Rendons le leurre »), formant une sorte de tapis glacé sur lequel glissent les compositions dans un ensemble cohérent transcendant totalement les notions de nostalgie ou de revivalisme musical. Et mine de rien, il s’agit là de la plus belle façon de rendre hommage à cet âge d’or révolu.

En concert le 7 juin (Supersonic)

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vendredi 13 mai 2022

Lisa Portelli, La Marbrerie, 12 mai 2022

 

Lisa Portelli, La Marbrerie, 12 mai 2022 (c) RG

La Marbrerie, (c) RG

Avec ses murs tout de béton bruts, l’ancien site industriel de La Marbrerie, sis à Montreuil, reconverti en salle de concerts, offre un décor tout à fait étonnant voire sidérant. Sur la scène ce soir nous retrouvons Lisa Portelli, une artiste elle aussi étonnante, et totalement transformée. Après des débuts plutôt rock’n’roll Lisa, merveilleuse guitariste, s’est muée en chanteuse, accompagnée d’un pianiste, et se produit dorénavant en duo. La musique se pare dorénavant d’une teinte électro feutrée à laquelle la chanteuse apporte une étrange intensité en trafiquant les fréquences en un note étrange, et baroque. Merveilleusement éclairée, l’artiste chante et danse, au rythme des boîtes, mue par les ondulations de la musique, baignée de lumières blanches ou bleues, dans un rapport charnel et intime à la musique. Les passages récités, s’intercalant entre les chansons, accentue le côté performance empreint de poésie et de mysticisme. Mais Lisa n’a pas totalement renoncée à sa guitare et, le temps de quelques titres, cisaille l’air ambiant de ses riffs acérés. Si la tonalité générale est plutôt sombre, mais la chanteuse elle-même n’est pas dénuée d’humour. Enfin, il est rare de voir une musicienne aussi virtuose se détourner de son instrument fétiche, la prise de risque assumée, et réussie, mérite d’être saluée. Le concert fut beau, intense et émouvant.

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mercredi 11 mai 2022

Sugar & Tiger : « Cristal Temporel »

 


Chez Sugar (Florence Virginie) et Tiger (Didier Wampas) on fonctionne en trompe l’œil. Côté pile, des couleurs chaudes, des fleurs en guise de costumes de scène et, forcément, serait-on tenté de croire de prime abord, de jolies chansons pop mené par la voix juvénile de Sugar. Côté face, des guitares punk et le contre-chant rugueux de Tiger ; le résultat, ils le chantent eux-mêmes : « Il y a un paradoxe dans le paradigme » ! Avec Sugar & Tiger, le punk se veut joyeux, festif, décalé, rigolo, un peu piquant tout de même, tout en assumant, sans complexe aucun, la francité de la démarche. En les écoutant, on se prend à imaginer le point de rencontre entre les yéyés primesautières, les girls groups des années 60 (en version française) et l’attaque frontale punk, débordante d’énergie et d’électricité, des années 1970. En résumé un joli groupe pop qui vitriole ses chansons avec talent, ça ne se refuse pas !

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lundi 9 mai 2022

Ceramic Animal : « Sweet Unknown »

 


Du regretté Dr John en 2012 à, tout récemment, Son House, le savoir-faire de Dan Auerbach en matière de musiciens légendaires n’est plus à prouver. Mais, Auerbach garde aussi un œil sur la nouvelle scène rock, en observateur privilégié depuis son studio Easy Eye Sound sis dans sa base de Nashville. Et c’est ainsi que nous arrive sa dernière trouvaille en la personne du quintet Ceramic Animal, qui doit penser, à juste titre, avoir tiré le gros lot. Impliqué, Dan Auerbach a participé a l’écriture et par sa production, a su tirer la quintessence du groupe. Il en ressort un sublime album, comme un road-trip au sein de la musique tellurique étasunienne, où même les tentatives disco (« I love a stranger ») ne font pas office de sortie de route. Pour le reste c’est un magnifique agrégat de soul-folk-rock, débordant de feeling où la voix délicate du chanteur Chris Regan est sublimée par l’écrin, varié mais cohérent et finement tressé. Comme du Kings of Leon, en mieux, c’est à dire sans les effets pompiers de ces derniers quand ils lorgnent avec un peu trop d’insistance du côté de U2. La bande son idéale d’un couché de soleil langoureux.

https://ceramicanimal.net/

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dimanche 8 mai 2022

Pagan Poetry, concert hommage à Nathalie Réaux, Les Trois Baudets, 7 mai 2022.





Quand on y pense, compte-tenu des contingences liées à la vie de musiciennes, aux déplacements, à la disponibilité (ou non) du lieu, il est tout simplement inouï que tout le monde, ou presque (seule la pianiste Julie Gomel manque à l’appel), soit disponible en ce 7 mai pour rendre hommage à la regrettée Nathalie Réaux. A croire que Nathalie elle-même a tout manigancé depuis l’au-delà pour que toutes les planètes s’alignent aussi parfaitement.

Qu’elles soient sur scène ou dans la salle, qu’elles aient connu Nathalie en musique ou dans la vie, toutes les personnes réunies entre les quatre murs des Trois Baudets, sont toutes venues par amour, et il s’agît bien là de la seule raison finalement valable. Aussi, c’est une vibration bien particulière qui agite l’air en cette soirée, totalement différente de celle qui se dégage d’un concert ordinaire. Dire que l’on a crevé le plafond de l’émotion est un euphémisme (l’auteur de ces lignes avoue sans peine avoir eu la gorge serrée à de nombreuses reprises au cours de la soirée).

Comme il était impensable de pas voir ni entendre Nathalie en cette soirée, cette dernière a débuté par une petite projection, sur grand écran, de clips et d’extraits de concerts et, même si tout est facilement retrouvable sur le net, les images ont une signification particulière en cette soirée, l’émotion nous étreint avant même que la première note aie été jouée.

Elles sont donc sept sur scène, toutes anciennes musiciennes et amies de Nathalie : Marie Lesnik, Karen Lano, Claire Joseph et Skye (soit le duo Pur-Sang), S.am (Sarah Amsellem), Chloé Girodon et Christelle Lassort. Un magnifique assemblage de musiciennes et chanteuses qui ont repris les titres de Pagan Poetry et aussi quelques reprises aimées de Nathalie (dont une sublime version du « Way to Blue » de Nick Drake, soutenue par un trio de cordes ; « I Follow Rivers » de Lykke Li). Tant de joie, tant de tristesse, tant d’émotions ! Les premières larmes discrètement séchées au coin de l’œil, les mains des musiciennes qui se serrent dans un geste de soutien mutuel et les sourires qui en disent long sur la connivence entre elles. Entre la joie simple et débordante d’être sur scène, de jouer, de faire de la musique et la peine, les musiciennes ont réussi à se glisser dans le fin interstice qui sépare l’euphorie de l’affliction. L’émotion est bien le maître mot en cette soirée, ce petit supplément d’âme perceptible dans le moindre touché délicat du piano, dans le plus petit pincement des cordes des violons. Les cinq chanteuses ont toutes, sans exception, été sublimes et ont atteint des sommets vocaux. La dimension prophétique des paroles écrites par Nathalie (« L’Autre Rive » notamment, particulièrement troublante) apparaît dans toute sa cruauté. Comme si elle savait déjà, comme si elle était là, elle aussi sur scène avec ses sœurs de musique. Nathalie peut bien reposer en paix, son héritage est entre de bonnes mains.

vendredi 6 mai 2022

First Draft : « Declines are long gone »

 


A la recherche d’une voie originale, First Draft a trouvé l’inspiration dans le post-rock, le stoner, le shoegaze, ou le rock anglais d’une manière générale. Autant d’influences premières totalement digérées et sublimées par le duo. Et oui, et c’est bien là l’aspect le plus bluffant de toute cette affaire, les First Draft ne sont que deux : une basse et une batterie ! Développer une telle palette de sons, au point de faire totalement oublier l’absence de guitare (l’illusion est parfaite) est assez inouï. Ainsi, alternant passages éthérés et violentes déflagrations sonores, le duo nous prend par l’oreille et nous entraîne dans son sillage à travers les ruines figurées sur la pochette, nous émeut par la grâce fragile de la voix de la chanteuse Marine, jamais aussi émotive que lorsque les nappes sonores sont à l’avenant (« Kneel Down in Silence »), donnant corps à l’expression "le calme avant la tempête". C’est beau.

https://firstdraftmusic.com/

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jeudi 5 mai 2022

Slift + You Said Strange, Le Trabendo, 3 mai 2022.


Cela plane haut au Trabendo ! Et pas uniquement à cause des fumigènes donnant l’illusion d’avoir la tête dans les nuages ! C’est en effet un superbe plateau rock psychédélique qui a été réuni en ce mardi soir. On commence avec les Normands de You Said Strange dont les strates de guitares plongent l’auditeur dans un magma sonore flirtant avec l’abstraction musicale et bruitiste. Et pourtant dans le fond, il s’agît bien d’un redoutable groupe de rock’n’roll, écoutez le batteur, il dynamite à lui seul la chose et, régulièrement, envoie le charbon qui fait avancer la machine. Les bases sont déjà, dès la première partie, posées très haut. Et on n’a encore rien entendu, car alors, que le trio toulousain Slift arrive sur scène, on se prépare à rentrer littéralement dans la quatrième dimension. Dans le fond de la scène, un écran projette de curieux motifs psychédéliques et colorés, répétitifs, provoquant une sorte d’hypnose chez le spectateur. Sentiment dont on est vite sortis par la puissance du trio, car si de psychédélisme il est question, de rock progressif aussi, Slift en donne une version radicale et musclée, forte en décibels, flirtant avec le métal et le hard-rock. Hawkwind, es-tu là ? Même dans les moments apaisés, ou les synthés acides prennent le relai, la section rythmique, toujours au taquet, charge l’air en électricité. Guitare et basse, tous deux jouant d’un modèle SG blanc, pratiquent une étrange chanson de geste, participant de cette ambiance aux décibels surréalistes. C’est fort, très fort (dans tous les sens du terme), on en ressort abasourdi !

https://fr-fr.facebook.com/sliftrock

http://sliftrock.com/

https://slift.bandcamp.com/music


https://www.facebook.com/yousaidstrange

https://you-said-strange.com/



mercredi 4 mai 2022

Crowdfunding S.am




Pour tous les amoureux de la musique sur support physique (il doit bien en rester quelques-uns, dites-oui svp, je me sentirais moins seul !) : Il nous semble important de signaler, qu'outre le fait d'aider S.am (Sarah Amsellem), cette merveilleuse artiste, à fabriquer son nouvel EP, certaines contreparties donnent une occasion unique de s'offrir, en CD, les sublimes albums "Muses, les Filles de la Mémoire" (sorti uniquement en digital à l'époque) et "Hidden Echoes" (uniquement disponible en digital sur le bandcamp de l'artiste). Collectors assurés ! Voilà tout est dit et à votre bon cœur !

Pour accéder à la campagne de crowdfunding cliquez ici

dimanche 1 mai 2022

It It Anita : « Sauvé »

 


La tradition veut que le groupe belge nomme chaque nouvel effort du nom de son producteur. Après « Laurent » en 2018, voici donc « Sauvé » (Amaury de son prénom) ! Toujours tiraillé entre une envie de chansons pop mélodiques et une tentation bruitiste à pousser les potards des amplis dans le rouge, le quatuor belge a trouvé en la personne d’Amaury Sauvé (producteur du disque donc) le complice idéal pour passer un cap. Ainsi, les tentations contraires du groupe n’ont jamais été aussi bien couchées sur bande. Le début de l’album se révèle étouffant. Précises, frappant là où cela fait mal « Ghost », « More » et « Sermonizer », savamment déconstruites, sont autant de bombes à fragmentation électriques envoyées directement dans les oreilles de l’auditeur. Plus nuancée « See Through » alterne entre une apparente délicatesse de façade, où la tension reste sous-jacente, et violentes déflagrations électriques servies sur un martellement quasi-métallique de la batterie, un soupçon de dinguerie expérimentale en plus. A l’opposé la sublime ballade « Authority » incarne, pour de vrai ce coup-ci, la véritable tendresse mélodique dont le groupe sait, aussi, faire preuve. Un des sommets du disque. Soulignons enfin pour finir l’angle trip hallucinatoire du disque, ces longues dérives dépassant les six minutes, « Routine » et « 53 », des odyssées au long cours dont le quatuor est spécialiste.

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https://ititanita.com/