Quand on y pense, compte-tenu des contingences liées à la vie de musiciennes, aux déplacements, à la disponibilité (ou non) du lieu, il est tout simplement inouï que tout le monde, ou presque (seule la pianiste Julie Gomel manque à l’appel), soit disponible en ce 7 mai pour rendre hommage à la regrettée Nathalie Réaux. A croire que Nathalie elle-même a tout manigancé depuis l’au-delà pour que toutes les planètes s’alignent aussi parfaitement.
Qu’elles soient sur scène ou dans la salle, qu’elles aient connu Nathalie en musique ou dans la vie, toutes les personnes réunies entre les quatre murs des Trois Baudets, sont toutes venues par amour, et il s’agît bien là de la seule raison finalement valable. Aussi, c’est une vibration bien particulière qui agite l’air en cette soirée, totalement différente de celle qui se dégage d’un concert ordinaire. Dire que l’on a crevé le plafond de l’émotion est un euphémisme (l’auteur de ces lignes avoue sans peine avoir eu la gorge serrée à de nombreuses reprises au cours de la soirée).
Comme il était impensable de pas voir ni entendre Nathalie en cette soirée, cette dernière a débuté par une petite projection, sur grand écran, de clips et d’extraits de concerts et, même si tout est facilement retrouvable sur le net, les images ont une signification particulière en cette soirée, l’émotion nous étreint avant même que la première note aie été jouée.
Elles sont donc sept sur scène, toutes anciennes musiciennes et amies de Nathalie : Marie Lesnik,
Karen Lano, Claire Joseph et Skye (soit le duo
Pur-Sang),
S.am (
Sarah Amsellem), Chloé Girodon et Christelle Lassort. Un magnifique assemblage de musiciennes et chanteuses qui ont repris les titres de Pagan Poetry et aussi quelques reprises aimées de Nathalie (dont une sublime version du « Way to Blue » de
Nick Drake, soutenue par un trio de cordes ; « I Follow Rivers » de Lykke Li). Tant de joie, tant de tristesse, tant d’émotions ! Les premières larmes discrètement séchées au coin de l’œil, les mains des musiciennes qui se serrent dans un geste de soutien mutuel et les sourires qui en disent long sur la connivence entre elles. Entre la joie simple et débordante d’être sur scène, de jouer, de faire de la musique et la peine, les musiciennes ont réussi à se glisser dans le fin interstice qui sépare l’euphorie de l’affliction. L’émotion est bien le maître mot en cette soirée, ce petit supplément d’âme perceptible dans le moindre touché délicat du piano, dans le plus petit pincement des cordes des violons. Les cinq chanteuses ont toutes, sans exception, été sublimes et ont atteint des sommets vocaux. La dimension prophétique des paroles écrites par Nathalie (« L’Autre Rive » notamment, particulièrement troublante) apparaît dans toute sa cruauté. Comme si elle savait déjà, comme si elle était là, elle aussi sur scène avec ses sœurs de musique. Nathalie peut bien reposer en paix, son héritage est entre de bonnes mains.