Cet EP inaugural à vocation psychédélique voit la jeune formation rompre avec les codes en vigueur. Minorant la partie rock de l'équation (encore que « Las Paalmas »…) pour une approche plutôt pop mettant en valeur les synthés au détriment des guitares. En ce sens ce premier effort est plus proche dans l'esprit de Tame Impala que de la cohorte des suiveurs vintage, le disque prenant également ses distances avec le modèle 60s/70s. Ceci étant posé que nous propose l'EP en question ? Une longue dérive aérienne, voix éthérées et nappes synthétiques cotonneuses, qu'une batterie dynamique empêche de sombrer dans une douce léthargie parfois traversés d'éclairs électriques (« Las Paalmas »). Et soulignons le chant en français (« Bleu ») assez rare dans ce contexte et plutôt bienvenu, dont le texte cryptique épouse parfaitement les courbes psychés du groupe. Un vol de courte durée, 20 minutes, mais en tous points agréables (cf. les virtuoses et sinueuses « Announcement » ; "Nag Champa"). Prêts à planer ?
Après une première expérience il y a un an, j'ai de nouveau eu l'immense plaisir de retrouver Lucie à Lille pour une nouvelle émission de Rebelles Rebelles mettant en valeur les chanteuses d'ici et d'ailleurs ! Encore merci Lucie pour ton accueil, on remet ça quand tu veux !
Entre blues et folk, à la fois prolixe et élégant, Eric Bibb a vu la lumière lors d'un voyage en Afrique de l'Ouest. Sa musique a été profondément marquée, transformée (cf. la relecture de son propre « Needed time »), par la découverte du continent, ce qui avait déjà donné un album formidable, « Brothers in Bamako » en compagnie de Habib Koité, sorti en 2012. Mais l'humanité, profonde et débordante, d'Eric l'a souvent vu s'intéresser, se soucier, du sort de l'autre, celui que l'on nomme pudiquement l'étranger, et un album récent, « Migration Blues » (2017), mettait en parallèle le sort d'un réfugié fuyant Alep à celui d'un esclave au temps des plantations. Ouvert sur le monde et délivrant un message humaniste, positif et plein d'espoir sans tomber ni dans la béatitude ni dans le misérabilisme, on ne saurait mieux décrire ce nouvel effort, copieux, un double album de vingt quatre titres qui résume parfaitement le cheminement artistique de son auteur. On retrouve ainsi toutes les qualités d'Eric, sa voix chaude et profonde, son toucher fin et délicat à la guitare acoustique, le long d'arpèges dignes d'un orfèvre. L'élégance naturelle de ses compositions est rehaussée du son des instruments africains (kora, n'goni, percussions) et il se dégage une sorte d'évidence mélodique, aussi précieuse et fragile que le cristal, de ce nouveau disque. Un nouvel album enregistré sur trois continents (Europe, Afrique ainsi que son Amérique natale) en compagnie des complices habituels (Michael Jerome Browne, le guitariste Staffan Astner, Habib Koité, son épouse Ulrika etc...) et au gré des rencontres de passage. Un voyage magnifique orné, de plus, d'une sublime pochette signée du peintre Jean-Paul Pagnon.
Nouveaux impétrants sur la scène blues hexagonale, la chanteuse Jessie Lee accompagné de son groupe, les biens nommés Alchemists, déboulent avec un premier album relevant d'une alchimie rare au fort goût de revenez-y. Arrêtons nous un instant, pour commencer, sur la chanteuse Jessie Lee, également guitariste émérite de son état. Son charisme naturel et sa voix sont évidemment pour beaucoup dans le charme dégagé par la formation. Il y a aurait beaucoup à dire sur son chant, son coffre profond, l'assurance et l'autorité naturelle dégagée par sa voix, posée à la perfection. Autour d'elle on retrouve un quatuor classique, guitare, basse, batterie et claviers. Les quatre musiciens, une composition après l'autre, dessinent le parfait écrin pour la voix de Jessie. Un crossroad où le blues (non dénué d'émotion cf. « I don't need to say » ; « I want you to stay ») se pare d'atours funky à la Meters (« In my cat's shoes » ; « Lord I miss you ») tout en se perdant, le long des chemins détournés, au gré d'une jam typiquement sudiste (les dix minutes de « Still in the desert ») dans la lignée des Allman Brothers et autres Black Crowes. Le classique de Robert Johnson « Come on in my kitchen » en ressort tout tourneboulé ! Le cadre est parfait pour que la virtuosité du guitariste Alexis Didier, son feeling et ses soli inspirés, puisse s'exprimer à plein, bien soutenu par une section rythmique qui déboîte sévère (Julien Audigier à la batterie, Laurent Cokelaere à la basse) et bousculé par les roucoulades soulful et groovy de l'orgue (Laurian Daire). Excellente découverte
Attention, danger ! En seulement deux véritables titres, entrecoupés d'une sorte d'interlude mi-fantomatique mi-spatial au milieu qui fait le lien de manière fluide, ce trio nous retourne littéralement. Groove infernal, mené tambour battant, sur un tempo d'enfer, guitare fuzz vissant le cerveau de l'auditeur, chant venu comme d'outre tombe pour l'aspect étrange de la chose ; nous voilà biens, plongé en plein chaos rock garage ! C'est une véritable tornade qui s'empare des enceintes ! Car, le grand mérite des Ukrainiens est de proposer un rock garage psychédélique, intemporel plus que simplement nostalgique, sans en occulter la dimension heavy et hypnotique. Un équilibre fragile mais qui lui donne une accroche irrésistible, évidente, addictive dès la première écoute. Nous voilà pris entre deux feux. Sur la durée d'un album, à ce rythme, la chose paraît épuisante et excitante à la fois… Manière de dire que l'on attends la suite…
Texas Piano Man, avouez-le, le titre sonne plutôt bien à nos oreilles. Costard blanc, chapeau de cowboy assorti, posant avec son instrument de prédilection au beau milieu d'un désert aride, le gaillard Robert Ellis attire la sympathie avant même d'avoir entendu la moindre note de musique. A l'écoute, excellent album mais assez éloigné des influences country que l'on croyait deviner à la découverte de la pochette. En l'espèce on penche plutôt pour Elton John, circa 1970, et un sens de l'humour dans les paroles que n'aurait pas renié Ben Folds, autre pianiste émérite. Plus pop que country donc, mais dont les influences baignent dans les années 1970 pour un résultat épique transpercé d'éclairs de guitare électrique fulgurants (« Nobody smokes anymore », l'excellente « Passive Agressive », « There you are ») alternant avec des passages tendres voire mélancoliques (« Father », « Let me in », « Fucking Crazy »). Un grand écart permanent mais toujours groovy (la basse est à se damner du début à la fin) et le genre d'album qui nous met de bonne humeur, remarquablement produit et soigné dans les moindres détails (la finesse de la batterie, on entend le moindre feulement de cymbales, les percussions de bon aloi, ajoutant un soupçon de groove exotique). Recommandé.
Le Suprême l'affirmait avec force il y a 20 ans (environ) : « Pour que cela sonne funky, il faut que cela vienne de la Seine-Saint-Denis » ! Leçon retenue avec brio par le label Q-Sound Recordings, structure basée à Bobigny, mettant un point d'honneur à sortir des albums produits en analogique, un cousin éloigné de Daptone Records, juste à côté de chez nous ! La dernière découverte en date de l'aventureux label est la chanteuse Lisa Melissa. Cette dernière possède une voix comme on les aime, douce et forte à la fois, un registre large et d'une grande expressivité, taillé pour la soul music, le vécu coule de ses cordes vocales mâtiné d'un petit vernis pop. Pour accompagner la chanteuse, le quartet a taillé un sublime écrin où la soul sert de façade (sublime « Backstabbers », "Puzzle"), dévoilant peu à peu une profondeur de champ inédite où se bousculent les influences. De l'intro rappée de « Message One » à la très classieuse et jazzy « Stay Around », en passant par cette guitare saturée et garage rock qui s'incruste à la volée partout où elle peut semant un bazar inspiré dans les compositions (« Crazy », "La nuit m'appartient"), l'univers du groupe est particulièrement riche et se distingue ainsi du tout-venant vintage. Et pourtant l'album est d'une constance remarquable et cohérent d'un bout à l'autre. Moralité : jamais tu ne te perdras tant que le groove tu suivras !
Soyons clair, en matière de musique on préférera toujours les esprits aventureux au confort des formules toutes faites. Et matière de cocktail détonnant, et nous semble-t-il assez inédit, le cas qui nous occupe aujourd'hui, le trio La Poison, se pose là. La Poison donc, un choix assez étonnant comme nom de groupe, sur lequel plane un parfum sulfureux et qui semble cacher quelque chose d'assez dangereux. Le contenu du disque est à l'avenant car, avec un impressionnant abattage, La Poison s'est mis en tête de se faire rejoindre les extrêmes. A savoir, une guitare rock'n'roll (on insiste sur le roll) en diable et des claviers froids, hérités de la cold/new wave des années 1980, le tout dominé de la tête et des épaules par la voix profonde de la chanteuse Moon. Les amateurs de guitares seront servis, les fans d'électro aussi ! Pour être tout à fait honnête, on mentirait en affirmant que l'on adhère sans réserve aucune au projet. Car en dépit de ses nombreuses réussites (notamment la tentative soul de « Mrs Dane ») qui émaillent le disque, les titres les plus marquants sont ceux où la guitare dynamite le tout de l'intérieur par le biais de quelques riffs bien balancés entre blues, rock garage sauvage, punk et rockabilly (« Smash you up », « 5.6.2016 », « Shake it », « Wanted Girl »). Cependant, nos oreilles restent imperméables à l'orientation électro/club un peu trop ostentatoire à notre goût dans les arrangements (« Open your eyes »). Une affaire de goût personnel sans doute mais peut être aussi le signe que le projet est à ce jour plus prometteur que réellement abouti, ce qui est normal attendu qu'il s'agît d'un disque inaugural. Une direction un peu plus affirmée, le sentiment de dispersion nuisant à la cohérence générale est prégnant, n’aurait pas fait de mal non plus. Une proposition musicale singulière, attachante en dépit de ses défauts, dont on suivra l'évolution avec curiosité dans les mois à venir. Car à ce point ont est sûrs d'une chose : les concerts s'annoncent explosifs…
Le multi-instrumentiste Junior Rodriguez, que l'on a notamment connu comme batteur auprès de Dick Rivers, s'est lancé dans une sacré aventure. Partir seul, sa guitare sous le bras, quelques percussions éparses et du matériel succinct d'enregistrement. Direction l'Islande pour enregistrer une chanson, seul, désespérément seul, dans les étendues désertique, la nature sauvage de l'île de l'Atlantique Nord. A mi-chemin du rock psyché/atmosphérique et de l'enregistrement de terrain, au contact direct avec la nature, la démarche n'est pas sans rappeler celle de Molécule et ses albums enregistrés sur un chalutier en pleine mer ou au Groenland. Junior Rodriguez est rentré un documentaire dans sa valise destiné à un diffusion sous la forme d'une web série, la promesse d'images magnifiques, en prélude à un nouvel album...