vendredi 10 mai 2024

Nicolas Paugam : « La Balade Sauvage »

 


Son album précédent s’intitulait « La délicatesse » et dans un subtil contre-pied dont lui seul à le secret, Nicolas Paugam nous entraîne maintenant dans une fameuse « Balade Sauvage ». Comme le résume le chanteur dès le titre d’ouverture : « Je m’amusais ». Ainsi Nicolas Paugam s’amuse. Et plus qu’une référence au chef d’œuvre signé Terrence Malick, la balade sauvage en question s’avère surtout être une virée (sauvage, donc) sur les sentiers escarpés de la chanson française aux confins du rock’n’roll (Thibault Brandalise, le batteur d’Iggy Pop est de la partie). Pyromane des mots (la photo intérieure le montre bidon d’essence en mains devant le brasier) Nicolas Paugam marie son amour des mots, des textes un tantinet abscons, aux guitares abrasives ; le tout dans une juste mesure, c’est à dire suffisamment pour pimenter les chansons sans pour autant les faire entrer dans un costume qui ne leur sied guère. L’album relève par ailleurs une ambition musicale élevée trompettes et clavier Rhodes contrebalançant la puissance de la batterie, l’instrument par lequel l’étincelle s’allume. Dans ce contexte reprendre Georges Brassens (« Bécassine ») relève de l’idée de génie, l’impertinence des mots du grand Georges étant à l’avenant du traitement musical assez bluesy. Un album sauvage certes, mais surtout très attachant.





jeudi 9 mai 2024

Najoi Bel Hadj : « Wavering »

 


A l’image de sa sublime pochette, la chanteuse tourangelle nous gratifie d’un premier album tout en nuances et contrastes, aussi calme que tempétueux, en un mot chancelant (wavering en français). C’est ainsi une forme de grand écart qu’effectue l’album des accords de guitares délicats (sublimes « Liline », « Aminata ») ou de l’ambiance intimiste qui habite la magnifique « Si jamais », aux orchestrations électroniques des premières plages (un aspect auquel on adhère un peu moins, question de goûts personnels). Une chose ne change jamais en revanche, l’extrême sensibilité de la chanteuse palpable à son grain de voix et à ses capacités vocales hors du commun. Nichée au cœur de l’album, une piste fait ainsi figure de pépite cachée, « Here Below », propulsée de plus par un petit groove qui sied particulièrement bien à la chanteuse (un feeling que l’on retrouve également sur « Sometimes »). Qu’elle s’exprime en anglais (sur la majorité du disque), en français ou en arabe, fait preuve d’une grande délicatesse et bouleverse lorsqu’elle explore ses racines (« A Vava Inouva »). Un premier effort imparfait mais de haute facture dans sa deuxième moitié.

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mercredi 8 mai 2024

Phanee de Pool : « Algorythme »


Il n’y a pas à dire, mais s’il y a bien une chose qui nous redonne le sourire en ce bas monde, c’est bien les disques de Phanee de Pool ! Une assertion qui ne sera pas démentie par le dernier album en date de la Suissesse ! A mi-chemin de la chanson et du slam (voire du rap), cette dernière n’a pas son pareil pour saisir l’esprit de l’époque ou les petites aventures, heureuses ou non, du quotidien en irrésistibles chansons à la bonne humeur ravageuse. C’est ainsi tout un univers espiègle, ludique et décalé, pas très éloigné de celui de Rachel des Bois, que découvre l’auditeur à l’écoute de cet album, brocardant l’addiction au téléphone portable (« Algorithme ») ou déclarant sa flamme à son chien (« Le chien de Pool »), avec Léone, le propre chien de la chanteuse en guest. Un autre invité fameux sur cet album est son compatriote Henri Dès, immense bonhomme de la chanson française, le temps d’un choc des générations particulièrement savoureux (« Dites Henri »). Enfin, l’album est porté par une véritable ambition musicale, grand orchestre et citation de Chopin ou Debussy à la clef, l’écrin parfait pour le chant expressif et élastique de la chanteuse, également très à l’aise dans un contexte plus scandé. De la belle ouvrage.

En concert le 15 mai et le 12 juin à l’Archipel.

https://www.facebook.com/phaneedepool


 

dimanche 5 mai 2024

Howlin’Jaws + Bad Juice, Le Trabendo, 4 mai 2024.



Venue de Strasbourg, c’est au duo guitare/batterie Bad Juice (une fratrie) qu’il revient d’ouvrir la soirée. Un court set d’environ une demi-heure ouvertement rock’n’roll, guitare saturée au son vintage et batterie survoltée. A noter une petite originalité, c’est le batteur qui chante. Le rendu en concert est plus brut, en ce sens plus proche des Black Keys et autres White Stripes, que sur disque où le groupe réussit à s’émanciper de ces clichés. Son nickel et compositions solides, avec autant de répétition hypnotique que d’amplis dans le rouge, on passe un très bon quoique court moment en leur compagnie.

S’ils ne sont pas frères dans la vraie vie, les trois membres des Howlin’ Jaws se comportent comme tels sur scène. Débutée au lycée, leur aventure continue encore à ce jour et, alors qu’ils sont encore dans la vingtaine, les trois musiciens ont passé au moins dix ans, la moitié de leur vie, à faire de la musique ensemble. Autant dire que, lorsqu’il se présente sur scène, le trio constitue un bloc de béton inattaquable aussi robuste qu’un granit breton. La connivence entre eux propulse la musique et leur sauve la face en cas de pain forcément inattendu. Se jouant avec maestria de la tension/détente, de l’accalmie après le chaos électrique (on inversement) le trio traverse la contrée psychédélique tout en transportant le spectateur. Ainsi la soirée débute par un son de boite à musique enregistré avant un « Half awake, half asleep » dantesque à la coda en forme de solo de batterie signée Baptiste Léon (costard bleu Las Vegas et lunettes de soleil façon Elvis) ravageur. Même les titres du premier album sont passés au filtre psyché, gagnent en longueur et sont totalement re-imaginés (cf. « Heartbreaker ») solo de guitare (Lucas Humbert) tout en maestria à la clé. Derrière sa basse le chanteur Djivan Abkarian n’est pas en reste et saute comme un cabri. Le trio profite de l’occasion, la date est d’importance pour le groupe dans une salle à la jauge importante, pour revisiter les coins peu utilisés sur scène de leur discographie à l’instar de l’excellente « The Sting ». Enfin, les harmonies vocales du groupe sont très travaillées et passent très bien la barrière du live. Attention, le groupe (que l’on retrouvera dans une semaine en première partie des Black Keys au Zénith) grossit à vue d’œil, est déjà énorme et ce n’est que le début !

https://www.facebook.com/badjuice2menband

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samedi 4 mai 2024

Oisín Leech + Malo Texier, L’Archipel, 3 mai 2024.



Commençons par saluer la première partie assurée par la jeune chanteuse Malo Texier. S’accompagnant seule à la guitare, électrique son clair ou folk, cette dernière fait preuve d’une certaine maîtrise vocale grâce à son chant élastique et expressif, tout en français, une rareté chez les chanteuses inspirées par la soul. Son jeu, tout au doigt sans médiator est fin, tantôt empreint de swing jazzy, tantôt fait d’arpèges délicats. Le rendu scénique est assez chouette.

Alors que sur l’écran dans le fond (rappelons que l’Archipel est également une salle de cinéma, l’artiste saura s’en souvenir au moment de reprendre « Pat Garrett et Billy le kid » de Bob Dylan) défilent un montage représentant les peintures de l’artiste Sinéad Smyth, qui a également illustré la pochette de l’album, le duo Oisín Leech (chant, guitare, harmonica) et Tony Garnier (contrebasse) prennent position sur la petite scène. Nous sommes instantanément saisis par la beauté mélodique du concert. Les cordes des instruments sont délicatement arpégées, il se dégage de la musique un sentiment double à la fois mélancolique (Nick Drake n’est jamais bien loin cf. « October Sun ») et d’une grande sérénité. A l’opposé de ce que laisse supposer ses mélodies, Oisín Leech se révèle assez drôle sur scène, parsemant le concert de nombreuses anecdotes datant de l’époque où il gérait un club folk en Irlande (le bougre est bavard!) Le spectateur, bercé par l’évidence mélodique des accords échappés de la guitare, aura voyagé, en musique, jusqu’à la pointe nord de l’Irlande, vue sur l’océan, où l’album a été enregistré.

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mercredi 1 mai 2024

Thee Sinseers : « Sinseerly Yours »

 


Premier album pour le groupe, très étendu, comprenant neuf musiciens, mené par Joey Quinones. Disque à la beauté intemporelle, enregistré dans les conditions du live, « Sinseerly Yours » transporte l’auditeur à son écoute. Avoir enregistré au préalable une poignée de single pour Penrose, la sous-division californienne de Daptone, a donné de solides bases à Joey Quinones, qui a transporté tout son savoir faire vintage dans l’enregistrement de ce premier album. On y retrouve le feeling qui nous avait subjugué à la découverte des albums de Sharon Jones ou Charles Bradley. Cette patte solidement ancrée dans les meilleurs sources du passé tout en renouvelant un genre éternel. Les conditions d’enregistrement du live apportent un supplément d’âme, un bout de fragilité capté sur bandes, une émotion débordante. L’album se révèle à la fois cohérent dans son esthétique et varié à la fois. Le chant choral et haut perché ancre le disque dans une esthétique soul/pop à la Motown à laquelle Quinones ajoute son propre background culturel latino. Doux, délicat, mélodique et romantique (« Don’t call me baby ») l’album brille aussi par ses poussées de fièvre latine aux sons des percussions ("Talking Back"). Bien plus que des nouveaux Dap-Kings, un groupe superbe, un superbe album.

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