mardi 1 septembre 2015

Rock en Seine 2015


Ghost (c) Olivier Hoffschir

Ghost (c) Olivier Hoffschir

Vendredi 28 Août : On commence fort dés le début cette année avec Ghost. Grimés, masqués, détournant les symboles religieux, les Suédois proposent un show grandiloquant. Musicalement parlant, le heavy-metal de Ghost n'est finalement pas si violent que cela mais rudement efficace et bien troussé, à grands coups de refrains fédérateurs. Quelque part entre le grand-guignol de Kiss et la noirceur de Black Sabbath. Bons débuts.

John Butler (c) Olivier Hoffschir
Arrivés à ce point, il est peut-être de temps de se faire une petite parenthèse roots. On continue donc sur la grande scène avec John Butler. Si l'Australien est toujours resté fidèle au trio, les membres de ce dernier changent régulièrement ce qui permet au groupe de se renouveler. Le trio a bien évolué accentuant le côté roots de Butler (banjo, bottleneck et pédale wha-wha) une contrebasse et un mini synthé moog faisant leur apparition. Puisant son inspiration dans le rock, bien sur, mais aussi le blues et la country/folk le guitariste virtuose et écolo nous enchante sous le soleil. Onze ans après sa sortie « Zebra » reste un tube imparable. 

Benjamin Clementine (c) Olivier Hoffschir
Direction ensuite la scène de la cascade où il est question de soul music et de piano, cet instrument plutôt rare sur les festivals d'été, en compagnie de Benjamin Clementine. Un moment délicat, doux et mélodieux, un pause toujours appréciable en pleine débauche de décibels. Pieds nus, assis très haut, presque debout, derrière son clavier, Clementine est un virtuose des touches d'ivoire et un remarquable chanteur dont la voix véhicule les émotions par wagons entiers. Un violoncelle renforce les aspirations classiques du musicien. Hélas, le public a l'air de s'ennuyer un peu, invectivant l'artiste : « Réveille-toi » ! Dommage mais il est vrai que la musique de Clementine doit s'apprécier encore plus dans l'intimité d'un petit club.

Jacco Gardner (c) Nicolas Joubard
Vient ensuite le premier épisode de notre saga psychédélique du week-end : Jacco Gardner sur la scène de l'industrie. En deux albums remarquables, le musicien Hollandais a réussi à ressuciter toute une imaginerie héritée des années 1960 à base de folk et de rock psyché. C'est doux et mélodique, planant mais toutefois entraînant car lui réussit à rendre les extrêmes compatibles. Les arpèges de guitares acoustiques se mélangent à l'oreille alors qu'un orgue, vintage forcément, souligne la cohésion de l'ensemble. Un batteur véloce et efficace apporte un peu de piment à la chose, rendant sa scansion hypnotique : magnifique ! Le premier grand moment du week end. 

FFS (c) Olivier Hoffschir
On parcours ensuite les quelques mètres qui nous séparent de la scène de la cascade pour assister à la naissance scénique d'un mythe : FFS soit la collaboration entre Franz Ferdinand et les Sparks déjà auteurs d'un excellent album sorti un peu plus tôt cette année. L'efficacité rythmique des premiers alliée à la théatralité un peu barge des seconds : le mariage est explosif ! Sur scène, le rapport entre les guitares et les synthés s'inverse, ce qui contribue à rendre la musique particulièrement entraînante. Les guitares sont funky à souhait et apportent une bonne dose de rock à la chose. C'est dansant et addictif. Derrière son synthé, Ron Mael, affiche un air pincé et contrit, l'homme le moins souriant de l'histoire de la pop qui se lâche finalement le temps d'une chorégraphie solo improbable. La combinaison des voix entre Russel Mael et Alex Kapranos fonctionne plutôt bien même si le premier accuse le poids des ans et a bien du mal à suivre le plus jeune dans ses chorégraphies. Il ne reste plus qu'à revisiter le patrimoine respectif des deux formations : « This town ain't big enough for the both of us » (1974) : énorme, « Take me out », incisif. Un de ces moment dont plus tard on pourra dire : j'y étais ! 

Miossec (c) Nicolas Joubard
On termine cette première journée très dense avec un petit peu de chanson française en compagnie de Miossec. Vétû tel un hobo avec son chapeau, Miossec, la voix ravagée, n'a rien perdu de sa légendaire faconde. Ainsi à l'adresse de The Offspring, qui joue en même temps sur la grande scène et que l'on entends jusqu'ici, ce dernier affirme : « Les vieux punks il faudrait les piquer » ! Succès garanti ! Musicalement, Miossec donne maintenant dans la torch song plutôt bien arrangée à base de claviers et de violoncelle. De temps à autre une contrebasse apporte une touche baroque pas désagréable. Un artiste qui vieillit plutôt bien.

Forever Pavot (c) Olivier Hoffschir

The Maccabees (c) Victor Picon
Samedi 29 Août : La journée commence avec une déception toute relative, The Maccabees, dont on nous avait pourtant dit le plus grand bien. Téléphoné, calibré pour les grandes scènes des festivals (comprendre FM), le groupe peine à retenir l'attention. On préfère pour notre part filer pour suivre sur la scène de l'industrie le deuxième épisode de notre saga psychédélique du week end en compagnie de Forever Pavot. Le temps de constater qu'Emile et sa bande sont en grande forme. Avec moult claviers vintage ce dernier crée des ambiances cinématographiques, dignes des polars des années 1970, avec une bonne dose de psychédélie sixties, un batteur funky et une guitare insicive : excellent ! 

Balthazar (c) Victor Picon

Ah, Balthazar, on les attendait de pied ferme après avoir adoré leur album « Thin Walls » et on n'a pas été déçu ! Alors que résonnent les premiers accords de « Decency », un frisson parcours la foule, hypnotique et à la fois complétement dingue, les Belges font mouche grâce à des petites merveilles de rock déglingué, « Then what », « I looked for you ». Les guitares sont entraînantes (« Nightclub ») et le violon, omniprésent dans les arrangements, fait de nombreux appels du pied en direction du Velvet Underground. Quand la cold wave rejoint le Velvet, cela donne Balthazar, sombre et lumineux en même temps, on tient ce groupe en très haute estime et cette prestation live ne fait que confirmer tout le bien que l'on pense d'eux. 

Etienne Daho (c) Victor Picon
Au fil du temps et des écoutes, la musique se charge de souvenirs et d'émotions que l'on revisite après comme on retrouve un vieil ami perdu de vue. Est-ce pour cela que l'on aime autant le rock ? C'est l'esprit lourd de questions hautement philosophiques que l'on rejoint la scène de la cascade en direction du moment nostalgique du week-end en compagnie d'Etienne Daho. On ne soulignera jamais assez l'importance de ce dernier sur la scène française et l'impact de son incroyable série de tubes sur le public. Chaque titre, « Epaule Tattoo », « Tombé pour la France », « Week end à Rome » charrie son lot de souvenirs auprès de la foule qui reprend les refrains en cœur dans un grand élan collectif. Une prestation bon enfant et il y a quelque chose d'émouvant à réécouter ces vieux tubes après toutes ces années. D'autant que Daho est en grande forme musicale entre rock et new wave. A souligner une très bonne reprise de « Comme un boomerang » chipée chez Gainsbourg et Dani. La madeleine de Proust du week-end.

Interpol (c) Victor Picon

Interpol (c) Victor Picon
Et puisqu'il est question de nostalgie on continue dans la même veine avec Interpol (intéressant cet enchaînement dans la programmation soit dit en passant) groupe qui nous scotche régulièrement depuis treize ans maintenant. Si la grande majorité des fans ne s'est jamais remise du départ, il y a cinq ans, du flamboyant bassiste Carlos D. force est de constater que son remplaçant assure le taf sans sourciller. Pour le reste on retrouve ce mélange de mélancolie et de cold wave qui fait le charme du groupe depuis le début. Les guitares sont envoûtantes, Daniel Kessler, visiblement possédé, assurant le show avec son jeu de jambes spectaculaire et la voix grave de Paul Banks semble un peu triste. Derrière son kit, Samuel Fogarino assure le tempo avec autorité et une pointe de vitesse qui dynamite l'ensemble. Au niveau du répertoire, le groupe pioche largement dans les deux premiers albums donnant une coloration nostalgique a leur set (deux exceptions la magnifique « Rest my chemistery » et « All the rage back home » extraite du dernier disque). En tout cas ça marche du tonnerre auprès du public qui connaît les paroles par cœur.

Pond (c) Victor Picon
Dimanche 30 Août : Ca commence mal, une panne de métro nous a fait râter We are match, dommage. Donc on se console sur la scène Pression Live avec le troisième épisode de notre saga psychédélique du week-end, les Australiens de Pond. Alors, comment dire et par où commencer ? C'est complètement dingue. On dirait du Pink Floyd déglingué à grandes lampées de synthé kitsch et de guitares garage et rentre dedans. Funky et planant en même temps, excellent ! Et le charisme des membres du groupe ne fait qu'ajouter à la séduction exercée par les Australiens. Un grand moment.

Last Train (c) Victor Picon

Last Train (c) Victor Picon
Alors qu'une chaleur caniculaire s'abat sur le parc de Saint-Cloud, les membres de Last Train se présentent eux en cuir noir et même capuche sur la tête en ce qui concerne le guitariste ! Des vrais de vrais, on vous le dit ! Excellent quatuor venu de Mulhouse, Last Train joue (assez fort) un rock simple mais efficace, teinté d'influences 70s, une sorte de BRMC version stoner avec ce que cela suppose de blues. Le groupe est bien aidé dans sa tâche par un chanteur, au bord de la crise d'apoplexie et une section rythmique à la fois heavy mais précise faisant preuve d'un touché délicat à l'occasion. Emouvant et charismatique, le quatuor entretient un rapport privilégié avec son public grâce à une grande proximité. Très très bon. On annonce une tournée de 70 dates pour cet automne, ne les ratez pas ! Et on attends le premier album avec impatience. 

Natalie Prass (c) Victor Picon
Après un tel déluge de décibels il nous faut bien un peu de douceur, une calinothérapie musicale en quelque sorte, en résumé on a besoin de la délicate Natalie Prass et ça tombe bien puisqu'elle est sur la scène Pression Live. On avait dit beaucoup de bien du premier album, plutôt soulful, de la jeune américaine que l'on était impatient de découvrir sur scène. En concert, Natalie privilégie une approche plutôt rock de la chose, mettant les guitares en avant. Les chansons prennent une nouvelle direction, plus naturaliste, sans les arrangements de cordes et autres. C'est beau mais différent. La reprise de Carole King se chargeant de rappeler l'ancrage classic rock de Natalie. Le groove de « Bird of prey » est impeccable avec ou sans cordes ; c'est une pause mélodique qui fait du bien. Et en plus elle est mimi comme un cœur. Un excellent moment. Continuons si vous le voulez bien notre feuilleton psychédélique du week end avec Marietta, un jeune talent français, sur la petite scène Ile-de-France. Vêtu d'un tee-shirt Nirvana garanti d'époque, Marietta pratique un rock teinté de psychédélisme 60s avec une guitare déliée mélangée avec de chauds claviers vintage. Bien écrit et agréable. Marietta n'est pas insensible non plus au punk 60s et renversera l'assistance avec un dernier titre en forme d'irresistible tornade musicale. Le batteur se révèle impressionnant dans ce contexte. Un jeune talent à suivre. 

Tame Impala (c) Nicolas Joubard
Il est alors temps de mettre un point final à notre saga psychédélique du week-end avec un dernier chapitre consacré à Tame Impala. Le single « Elephant » de ces derniers porte à confusion en nous faisant croire que Tame Impala est un groupe de rock. C'est bien évidemment érroné, un cerveau bouillonnant comme celui de Kevin Parker pouvant difficilemment se contenter d'une étiquette aussi simpliste. Le dernier disque en date « Currents » voit Parker virer du côté obscur du disco pratiquant une musique où les synthés prennent le pas sur les guitares. Illustration en est donnée avec la magnifique, dans son rendu live, « Let it happen » qui ouvre la prestation du soir. Sur scène, les compositions prennnent un joli coup de fouet grâce au batteur, français, Julien Barbagallo. Les aspirations psyché de Kevin Parker évoluent et changent de forme et le public à l'air de suivre. Il y a quand même quelque chose d'intrinsèquement bizarre à voir Parker chanter « Why don't they talk to me » devant la foule immense rassemblée devant la grande scène... 

Alt J (c) Olivier Hoffschir
Un petit mot pour finir avec la pop rêveuse d'Alt-J qui se distingue par ses ambiances éthérées et un excellent batteur. Le groupe s'efface presque devant le light-show magnifique et démentiel et n'apparaît plus qu'en ombre chinoise. Toutes ces lumières qui scintillent, tournent dans tous les sens et se reflètent sur les feuilles des marronniers à la nuit tombée, c'est beau ! Et c'est ainsi que se termine pour nous le festival de cette année.


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