jeudi 20 août 2015

Interview avec Forever Pavot.



Eurockéennes de Belfort. Il fait une chaleur étouffante en ce début juillet alors que la canicule bat son plein pendant le festival. Confortablement installé (comprendre à l'ombre) au bord du lac, on est heureux de retrouver Emile Sornin, leader de Forever Pavot, qui a illuminé, un peu auparavant, la magnifique scène de la plage de sa pop psychédélique millésimée. Il est vrai que « Rhapsode », le premier album du groupe, avait été un de nos coups de cœur de l'année dernière. Rencontre...

Alors, la plage c'est un endroit magnifique pour jouer, non ?
Emile Sornin : Ah oui ! C'est chouette même si on n'est pas face au lac. Mais c'est assez marrant d'être au-dessus de l'eau. C'est assez étrange comme sensation.

Forever Pavot est-il un projet nostalgique ?
Emile : Oui forcément. On fait souvent référence à une certaine époque que je n'ai pas connu personnellement mais que j'adore voir à travers les films et les BO. Et puis j'utilise aussi beaucoup de vieux instruments. C'est de la musique nostalgique.

Tu es passé de la création en groupe avec Arun Tazieff à Forever Pavot qui est un projet nettement plus personnel. Comment tu décrirais ces deux expériences ?
Emile : C'est complètement différent. Avec Arun Tazieff on faisait beaucoup de jams. On se retrouvait tous ensemble pour répéter et on improvisait beaucoup d'après des riffs qui était trouvés par deux ou trois personnes. On restait des heures et des heures en studio. On enregistrait le tout avec un petit micro et après on réécoutait chez nous. On se parlait beaucoup et on structurait les morceaux ensuite. Forever Pavot c'est moi seul qui compose et enregistre dans ma chambre. C'est beaucoup plus personnel.

On parle souvent de l'influence de la musique de film chez Forever Pavot. Quel film aurait pu être une chanson comme « Le passeur d'armes » ?
Emile : Un peu comme un Claude Sautet je pense. « Max et les ferrailleurs ». Ou un film d'espionnage (sourire).

Il y a un travail un peu particulier concernant les voix et tu chantes souvent de manière un peu fantomatique. Sur « Rhapsode » par exemple la voix est traitée comme un instrument à part entière. Comment tu envisages le chant ?
Emile : C'est quelque chose que j'assume de plus en plus. Au début j'utilisais la voix comme un instrument. J'avais même un peu de mal à m'écouter. Comme beaucoup de gens je pense. On est jamais trop confiant. Cela a pris un peu de temps. L'album a été enregistré sur deux ans. Il y a eu une évolution. Les voix étaient fantomatiques au début et elles sont mieux mises en avant sur la fin comme sur « Joe & Rose » ou « Les cigognes nénuphars » qui est en français et ça aussi c'était nouveau. J'ai plus envie de raconter des histoires maintenant. Avant j'envisageais la voix d'un point de vue mélodique. Comme si j'utilisais un autre synthé ou une guitare en plus.

Il y a un peu de français et beaucoup d'anglais sur le disque. Comment tu juges la qualité musicale de chaque langue ?
Emile : C'est complètement différent. Je viens du métal et du punk hardcore. Le chant en français était assez rare et je détestait ça. Avec le temps, j'ai découvert beaucoup de pop, de variété et de chansons françaises des années 1960/1970 qui me parle énormément. Gainsbourg, Brigitte Fontaine, Dick Annegarn, Bashung... Je n'écoutais pas ça étant jeune, c'est une découverte qui date de ces dix dernières années. J'ai beaucoup écouté de musique anglo-saxonne, même du rap, je ne comprenais rien à ce qui se disait mais cela ne me dérangeait pas du tout. J'y repensais quand j'ai commencé à chanter, en pensant que moi aussi je pouvais utiliser l'anglais comme un dialecte un peu fantôme. C'est très différent mais j'adore les deux.

Un petit mot sur la pochette qui est un peu naïve...
Emile : C'est Catherine Hershey, une bonne amie à moi, qui chante également sur l'album qui en est l'auteur. Elle a été faite aux crayons de couleurs. Ça me faisait penser à des illustrations de vieux contes. J'aime beaucoup. Je voyais très bien sa patte pour ma pochette.

Avant l'album il y a plusieurs 45 tours. Que pense de ce retour à la mode du vinyle ?
Emile : C'est plutôt cool, moi je suis un passionné du vinyle. Maintenant je ne suis pas sur qu'il y ait une telle effervescence autour du support. Finalement ça ne se vendait pas tant que ça. Ça reste et cela restera toujours une niche. Ce qui se vendra le plus c'est le numérique.

Forever Pavot est passé par différents labels. Tu penses qu'il se passe un truc spécial en ce moment ?
Emile : Ces dernières années sont apparus de supers labels indés que j'aime beaucoup. C'est chouette.

Tu te sens à l'aise sur le label Born Bad ? C'est une esthétique particulière qui va bien à Forever Pavot...
Emile : JB (Guillot, le patron du label Born Bad, ndlr) a toujours été fasciné par les trucs un peu bizarres, les BO de François de Roubaix, Francis Bebey, la musique française un peu dégénérée des années 60/70. J'ai découvert des trucs géniaux par le biais de Born Bad. « Le mariage collectif » (un film érotico-hippie danois de 1969, ndlr), par exemple, cette BO (signée Jean-Pierre Mirouze, ndlr) est mortelle, elle a été retrouvée dans des poubelles ! C'est des choses qui m'ont beaucoup influencées. J'y suis parfaitement à l'aise sur ce label ! On partage beaucoup d'influences communes.

Et pour finir, de quel groupe tu aurais aimé faire partie ?
Emile : Aquaserge (rires) !


Propos recueillis le 5 juillet 2015 à Belfort.
En concert à Paris le 29 Août (Rock en Seine)

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