jeudi 9 juillet 2015

Eurockéennes de Belfort 2015.


C'est devenu au fil du temps l'un de nos petits rituels de l'année, nous voilà de retour aux Eurockéennes de Belfort, pour la quatrième année consécutive. Un véritable plaisir de retrouver le superbe site du Malsaucy, sa plage, ses étangs, le bar du boulot dans le sous bois avec vue sur l'étang de la Veronne, le tout situé au pied des Vosges. Une édition caniculaire, aride, sèche et poussièreuse où la bouteille d'eau bien fraîche et la crème solaire ont été nos meilleurs alliées du week-end. Affolé par le thermomètre, qui régulièrement dépasse les 40°, on s'est d'abord demandé ce que l'on était venu faire dans cette galère. Les doutes se sont envolés dès notre entrée sur le site, le demon de la musique avait repris le dessus...

Vendredi 3 juillet 2015 : On se prend un petit coup de chaud d'entrée avec la soul vintage à souhait de St. Paul & The Broken Bones qui se place dans la droite lignée du meilleur des productions Daptone. Dynamique et plein de groove, cuivres rutilants, le groupe met bien en valeur la voix extraordinaire du chanteur Paul Janeway. Ce dernier, blanc comme un linge, growle comme James Brown : incroyable ! Sur les derniers titres la guitare prend plus de place délivrant quelques riffs biens sentis apportant une orientation garage rock pas désagréable du tout à la revue soul. Une belle découverte pour commencer le week end ! Direction ensuite la petite scène intime du club loggia où l'on retrouve la Française Laetitia Sheriff. Trio atypique (batterie et deux guitares) Laetitia et son groupe ravive la flamme d'un rock anglophile dans notre hexagone. Suivant les configuration on pense à Placebo (deux guitares bien énervées) ou à Pink Floyd grâce aux synthés vintage. Charismatique et pleine d'énergie, Laetitia possède de plus un joli grain de voix. Un jeune talent à suivre. On change drastiquement d'ambiance ensuite avec le Ghanéen King Asiyoba : la diversité c'est le grand plaisir de ces gros festivals d'été ! Armé de son kologo (une guitare traditionnelle à deux cordes) King Asiyoba délivre une musique essentiellement rythmique accompagné par une armée de percussionnistes, la transe n'est pas bien loin. C'est alors que déboule sur la grande scène la première tête d'affiche de cette année, Royal Blood, tout auréolé du succès remporté par son excellent premier album. On compare souvent les Anglais aux White Stripes et autres Black Keys sous prétexte qu'il s'agît d'un duo. Le raccourci est un peu facile car dans les faits Royal Blood délivre un rock, certes bluesy, mais beaucoup plus lourd que ses congénères Américains. Cela marche à la perfection sur le tube imparable « Figure it out » malheureusement le reste du répertoire manque parfois un peu d'impact dans sa transposition scènique. En outre le line up est étonnant puisque simplement constitué d'une basse et d'une batterie (heavy mais pleine de groove). L'utilisation de boucles dans le fond et d'une multitude d'effets sur la basse donne cependant l'illusion parfaite d'une guitare. Excellent groupe néanmoins auquel il faut juste laisser le temps de se construire un répertoire solide. On reste ensuite sur la grande scène pour retrouver Ben Harper. Après une petite escapade en compagnie du bluesman Charlie Musselwhite, Harper retrouve son groupe fétiche, les innoncent criminals. Situé au croisement de différentes musiques qui nous sont chères, blues, rock, folk et reggae, Harper nous plonge dans une ambiance langoureuse et séduisante au groove soyeux grâce aux percussions chaudes et à l'excellent bassiste aux interventions toujours judicieuses. Certains de ses plus vieux fans seront cependant déçus par l'aspect mécanique de sa prestation. Après vingt ans de carrière, Harper a perdu en intensité et en fraîcheur ce qu'il a gagné en professionnalisme (à l'américaine). Alors que la nuit tombe (mais pas la température) la scène du club loggia prends des allures de dancefloor déchaîné avec le quatuor bisontin Cotton Claw. Aligné derrière leur pupitre (une disposition qui rappelle C2C), chacun derrière son pad, les quatres membres de Cotton Claw balancent le son, entre électro et hip hop, tout en s'agitant en rythme, histoire d'assurer le show : dansant ! On termine cette première soirée en compagnie des français de The Do. Après des débuts plutôt marqués par le folk, le duo a effectué un spectaculaire virage électro pop sur son deuxième effort salué par la critique. Comme pour se débarrasser d'une formalité, le groupe entame directement avec son tube « on my shoulders » dans une version piano électrique/voix bien différente du reste de son set. Les trois musiciens de complément font ensuite leur apparition en arc de cercle derrière la chanteuse Olivia. L'utilisation d'une batterie électronique mêlée à la basse donne un son très mat, comme en sourdine, particulièrement attrayant, c'est la meilleure configuration pour ce groupe (du moins celle que l'on préfère). D'une manière générale, la pulsation rythmique tient un rôle capital dans cette nouvelle formule du do, chacun étant équipé de petits pads, en sus des claviers, complétant le beat binaire et bestial de la batterie électronique. La chanteuse Olivia rayonne de beauté et de charisme, la connexion avec le public est intense. Son grain de voix fragile et cristallin caresse les compositions. Un très beau set pour finir la soirée...

Samedi 4 juillet : Un petit tour par la scène de la plage s'impose pour bien commencer l'après-midi en compagnie de Forever Pavot, formation à cheval entre le rock psyché et la musique de film, le tout exhalant un fort parfum des 60s. Emile groove derrière ses claviers vintage bien soutenu par une batterie et des percussions funky, excellent ! Le set à peine fini, alors que l'on déménage le matériel, le dj Jonathan Toubin débarque sur l'avant scène avec sa caisse de 45 tours sous le bras, histoire de ravir le public de quelques perles 60s bien senties. Un bon moment. Vint ensuite Grunge, trio au nom follement original, l'ancien projet de Guillaume Brière (The Shoes) et de Anthonin Ternant (The Bewitched Hands). Lookés 90s, affublés de casquettes portées à l'envers, le trio plagie allègrement Nirvana, mêmes plans, mêmes accords... Bien exécuté dans une veine nostalgique mais difficile de prendre tout ça au sérieux... Quelque temps après sur la grande scène déboule Seasick Steve, accompagné de son fidèle batteur et de sa collection de guitares bricolées. Toujours aussi efficace dans un style rock blues minimal mais bien envoyé. Dommage cependant que son set se renouvelle aussi peu. Profitant d'une collaboration avec le festival nippon summer sonic, c'est alors une tripotée de formations japonaises que l'on voit prendre d'assaut le site du Malsaucy. On commence par la révélation The Bawdies, quatuor vintage à mi-chemin du mersey beat et de la scène mod matiné de soul music (leur reprise de Ray Charles est pour le moins renversante). Bouillants d'énergies les quatre musiciens bondissent dans tous les sens, exhortant le public, c'est le plus gros pogo du week end ! Le chanteur hurle a qui mieux mieux, les influences anglaises et américaines sont parfaitement digérées pour un rendu original. The Bawdies, notre premier coup de cœur du week end ! Toujours sur la scène du club loggia vient ensuite les très intriguants Bo Ningen. La musique est difficile a décrire on y entends un peu de métal, des réminiscences post rock psychédéliques et autres joyeusetés punk. Les morceaux sont plutôt longs avec énormément d'échos sur les guitares, le chant est assuré en japonais. On n'est pas trop sur non plus de l'identité sexuelle des musiciens (à part le batteur qui arbore une barbe). Les cheveux longs, drapés dans des combinaisons de couleurs (rouge, bleue etc...) façon Bioman masquant les formes on ne sait pas trop si l'on a affaire à des hommes ou des femmes. Pas dénué de qualités cependant mais vraiment très bizarre. Une formation probablement plus appréciable dans un autre contexte. Un petit mot pour finir sur le concert d'Etienne Daho qui pour l'occasion a mis une dose de guitare rock et de synthés new wave dans sa musique. Les vieux tubes résonnent ainsi de manière fraîche et originale et c'est tout un pan de notre jeunesse qui défile devant nos oreilles. Tout de noir vêtu, Daho possède une façon bien à lui d'incarner différents styles allant jusqu'à la « Disco queen ». Et pourtant c'est toujours bien son style inimitable que l'on reconnaît d'emblée. Classique mais surtout classe et élégant.



Dimanche 5 juillet : Les gros festivals ont cet avantage, il y en a un peu pour tout les goûts les amateurs de gros son iront s'abreuver chez les Australiens hardcore de Parkway Drive puis des punks de Slaves. Pour notre part, d'humeur plutôt paresseuse on penchera plutôt pour le blues africain de Songhoy Blues et la soul de Sinkane. On commence donc avec les Maliens du quatuor Songhoy Blues passé sous les fourches caudines de Damon Albarn. Le cocktail est assez efficace : ce qu'il faut de musique ternaire mâtiné d'influences Africaines avec ce que cela suppose d'hypnotisme. Le public réagit plutôt bien et on a tôt fait d'être noyé dans un nuage de poussière soulevé par les pas de danse des spectateurs. On est comme dans un écran de fumée. Il se passe quelque chose d'intense avec le public qui reprend en cœur le refrain de « Petit Métier » alors que les musiciens quittent la scène. Emouvant. Direction ensuite le magnifique site de la plage pour la soul de Sinkane. Grâce à une formule à deux guitares, Sinkane traîne sa soul sur un terrain psychédélique ce n'est pas pour rien que les chanteur et batteur arborent des tee-shirts du Grateful Dead. Puis la musique prend un tour jazzy et funky voire même rock grâce aux interventions sauvages du guitariste au look de surfeur (plutôt approprié pour un musicien évoluant sur la plage). Pas mal du tout, on apprécie ce moment ! Il était temps ensuite de s'adonner aux joies du rock n'roll et en l'espèce on est plutôt bien servi par le garage/stoner des Eagles of Death Metal. Groupe venu du désert californien mené par l'extravagant Jessie Hughes, EODM joue un rock sauvage et violant évoquant ce qu'il faut de blues. Si les influences 70s font pleinement partie du patrimoine (cf. la reprise de « Stuck in the middle with you ») celles ci sont rendues avec une rage typique du 21ème siècle. Le set se termine par un duel de guitares, Flying V d'un côte, Gibson ES 335 blanche demi-caisse de l'autre, assez jouissif quoiqu'un peu longuet. On applaudie quoi qu'il en soit. Un petit quart d'heure de battement, soit le temps nécessaire pour traverser le site et retrouver notre plage chérie pour profiter des Alabama Shakes. Magnifique formation, que l'on avait découvert ici même il y a trois ans, menée par l'impressionnante chanteuse Brittany Howard, les Alabama Shakes trempent dans la tradition Blues, soul et rock typiquement sudiste. La section rythmique attaque le groove dans un genre particulier, tout en sourdine et au ralenti, où chaque note revêt une importance capitale, impressionnant ! Le terrain ainsi balisé laisse ainsi toute latitude au guitariste pour explorer différents idiomes du blues au punk en passant par la soul. Un orgue aussi discret que cardinal rajoute une petite couche de groove par dessus, l'affaire est emballée avec beaucoup de soin et on est conquis. A n'en point douter, avec son deuxième effort « Sound & Color » la troupe quitte le cercle des simples revivalistes 70s pour entrer dans celui, beaucoup plus fermé, des nouveaux classiques. Excellent. On termine enfin notre week end de marathoniens du son avec Electric Wizard. Ames sensibles s'abstenir. En vingt ans de carrière Electric Wizard est devenu une référence du doom métal. Soit un genre de métal, lourd, hypnothique, progressif et fondamentalement malsain, Black Sabbath constituant la référence ultime du genre. Pour mieux illustrer le propos, le quatuor anglais joue sous un écran géant sur lequel est diffusé des vidéos SM et de bondage vintage issus d'on ne sait quel film clandestin des 70s. Le groupe est célèbre pour n'utiliser que du matériel des années 1960 et 1970 et refuse tout apport technologique moderne : voilà une formation qui sait jouer ! Le martèlement sourd de la batterie et les riffs lourds nous vrillent le cerveau alors que dans la chaleur moîte de la nuit les premiers éclairs font leur apparition dans le ciel, ce qui ma foi semble tout indiqué pour illustrer le concert de ces chantres de l'apocalypse. C'est alors que le chanteur Justin Osborne salue la foule d'un définitif : « See you in hell » ! In hell, peut-être pas, mais l'année prochaine ça on l'espère !

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