vendredi 8 mai 2015

Interview avec Lady Linn



Sorti l'an dernier « High », le troisième album de la Belge Lady Linn avait surpris son monde avec une nouvelle approche plus marquée par les synthés et les années 1980. Un changement de cap radical pour celle qui jusqu'à présent était la digne descendante d'un courant soul/jazz très marqué par les années 1960. Tentative d'explication avec la principale intéressée...

La première chanson s'appelle « Regrets », c'est étrange comme façon de commencer un nouveau disque !
Lady Linn (rires) : Et bien, en ce qui me concerne, le titre n'est pas la chose la plus importante. C'est plus l'atmosphère de la chanson qui compte. Et c'est une bonne chanson pour commencer, plutôt calme, lente. C'est un bon début.

Sur ce disque tu as laissé tomber l'écriture au piano pour la guitare...
L.L : Parfois c'est bien de découvrir un nouvel instrument et de faire des chansons avec. Tu ne connais pas si bien que ça l'instrument, tu fais des choses nouvelles. Et il était temps de faire quelque chose de different. Une nouvelle approche. C'est frais, c'est surprenant.

Revenons un peu sur l'album précédent « No good bye at all ». Tu avais l'impression que tu ne pouvais pas faire un meilleur disque dans ce registre jazz/soul 60s ?
L.L : En fait c'était ma première sortie en France mais c'était mon deuxième en Belgique et le deuxième dans ce style. C'est venu naturellement, je voulais faire quelque chose de différent. Je voulais être libre. Je ne voulais plus penser au groupe, les magnificent seven. Les deux premiers disques ont été écrits avec le son du groupe en tête, les cuivres, le piano... Maintenant je veux juste écrire et après on voit ce qui se passe.

Tu étais une chanteuse pop 60s...
L.L (elle coupe) : Je le suis toujours...

C'est un nouveau style pour toi, tu as ressenti le besoin d'aller de l'avant ?
L.L : Je ne dirais pas « de l'avant » parce que j'aime toujours mes deux premiers disques. Et on joue toujours ces anciennes chansons en concert. Mais bon tu sais, il y avait une partie de moi qui n'était jamais là dans ma propre musique. J'ai chanté de la house pendant dix ans et cela ne s'entendait jamais. Ce nouveau disque me ressemble plus, c'est une combinaison de choses très differentes. Et maintenant je mélange mieux les styles en un seul. Le dernier disque c'était surtout le concept du groupe. Maintenant, c'est moi. Renaud Letang, le producteur, a vraiment transformé les chansons. Les démos étaient très acoustiques quand je suis allé le voir. Il en a fait quelque chose de très pop. C'était ok, j'ai confiance en lui.

C'est un nouveau début, c'est excitant ?
L.L : Ca l'est pour moi. J'aime beaucoup, ça me donne une nouvelle énergie. En concert on a un groupe très différent avec de nouveaux musiciens. Les cuivres et les choristes sont toujours là. On a beaucoup travaillé. Tout le monde aime cette nouvelle formation.

Tu est heureuse de cette nouvelle approche ?
L.L : Je suis contente ! J'aime ! Je suis satisfaite parce que c'est différent. C'est plus moderne, plus original d'une certaine façon. J'ai pris un risque. Certains vont aimer et d'autres non...

Mais d'un autre côté des titres comme « Drive », « Back » ou « Remember » auraient pû être sur les disques précédents...
L.L : C'est ce que je voulais dire, je mélange mieux les styles. J'écoute aussi bien de la soul, du rock, du jazz, de la musique brésilienne, de la country, de la pop ou de reggae. Mais à la fin c'est toujours moi qui écrit les chansons. Produits différemment, les disques précédents auraient pû être comme celui ci. Les chansons, cela reste des chansons.

Tu as un noyau dur qui constitue ton identité musicale et après tu évolue autour ?
L.L : Oui, c'est exactement ça. Tu écris des chansons après la façon dont tout cela va sonner peut donner des choses très différentes.

Une autre nouveauté c'est ce côté très années 80 sur « Never ». C'est une chanson très pop, new wave...
L.L : Oui c'est vrai. C'est une chanson que j'ai écrite à propos d'un sentiment qui m'appartient et je pense que c'est universel. A partir du moment où tu te sépares de quelqu'un, cette personne commence à t'aimer. Typique. C'est une chose contre laquelle je me suis beaucoup battue dans des relations précédentes. Enfin plus maintenant, je suis heureuse (rires) ! Mais cela m'est arrivé souvent. Je suis dans une relation qui ne fonctionne pas, je m'en vais et après il revient. Cela n'était pas vrai au moment où j'ai écrit la chanson mais c'est resté en moi. Tu as envie de cette personne même si tu sais que cela n'est pas bon pour toi.

Un mot sur ton côté « impertinent » (impertinent = sassy, référence à la chanson du même titre sur le dernier album, nda) ?
L.L : Pour moi l'impertinence, c'est avoir confiance en soi, savoir que je peux être forte. Tu vois beaucoup de personnes qui sont très impertinentes et tu est un peu jaloux. Et d'un autre côté tu les admire. Tu t'imagines qu'elles n'ont aucun problème, et dans le fond, c'est complètement faux. Je trouvais que c'était un sujet amusant. La jalousie c'est un sentiment un peu enfantin finalement. Cela n'aide personne.

C'est la première fois que les magnificent seven ne sont pas impliqués dans l'enregistrement...
LL : Oui et c'est principalement à cause du style. Et aussi parce que nous avons travaillé de façon très différente. Pour les albums précédents j'avais répété avec le groupe au complet. Ce coup ci les démos ont été enregistré avec le seul guitariste, Bruno. Après on est allé voir Renaud. Il a beaucoup fait pour le son. Tous les musiciens impliqués sont venus quelques jours à Paris les uns après les autres. Renaud a pris les rênes et a travaillé avec eux. Les arrangements sont différents. On avait choisi le nom Lady Linn and her Magnificent Seven parce que cela évoquait un vieux big band. Count Basie et SON orchestre, Duke Ellington et SON orchestre. On cherchait ce genre de vibration. Le disque est plus produit. Cela n'a plus rien à voir avec le groupe. Et les musiciens ont changé. Il n'y a que les trois cuivres qui sont restés. Le nom Lady Linn et ses magnificent seven ne correspondait plus à la musique. C'est trop différent maintenant.


Tu as évoqué Renaud Letang qui a produit le disque. Tu as une relation de travail spéciale avec lui ?
L.L : Oui, il est super ! Et j'adore venir à Paris en plus ! J'ai adoré venir ici et travailler avec Renaud. On avait fait une tournée en France il y a deux ans. Les gens sont chaleureux, entousiastes dès le premier titre ! On n'est pas habitués, les gens ne sont pas si ouverts en Belgique. En France, les gens commencent à danser alors que tu n'as encore rien fait (rires) ! C'est très naturel, très agréable. Même dans les petits clubs dans lesquels on jouait, ils sont tellement entousiastes ! Sortir de Belgique, c'est très amusant pour moi.

C'est comme être en vacances ?
L.L : Oui cela y ressemble. C'est très excitant. C'est même mieux que des vacances, parce qu'on est là pour travailler (rires) !

On a parlé de la guitare un peu plus tôt et pourtant il y a une magnifique chanson au piano sur l'album « Feeling me ». Tu peux nous dire quelques mots sur ce titre ?
L.L : C'est une des premières chansons que j'ai écrite pour le disque. Il y a deux ans, j'étais encore professeur dans une école de musique. J'ai écrit la chanson là-bas dans une salle de classe sur un grand piano. J'ai enregistré la chanson sur mon téléphone, dans ma messagerie, c'était tout ce que j'avais sous la main et je ressentais le besoin de l'enregistrer. Et puis je l'ai complètement oubliée. Et puis par la suite la chanson a évolué vers quelque chose de beaucoup plus pop, très énergique. J'ai dit à Renaud, je ne la sens pas cette chanson on devrait la laisser tomber. Et puis je suis retombée accidentellement sur mon vieux message téléphonique. Bon tu sais, je suis nulle avec le téléphone, je laisse traîner beaucoup trop de messages. J'ai réecouté et je suis tombée sur « Feeling Me » seule au piano. C'était dans une gamme différente. C'était beaucoup plus beau comme ça (rires) ! J'ai dit à Renaud, tu veux l'écouter, je pense qu'elle est meilleure que notre version (rires) ! On l'a laissé comme ça. C'est amusant et bizarre en même temps.

Je crois que le premier titre enregistré pour ce nouveau disque est « High »...
L.L : Oui en effet. Renaud dit que cela lui rappelle le film « Flashdance ». What a feeling (elle chante). Il a rajouté des beats dessus. Je suis toujours surprise par le fait qu'il entende les choses aussi différemment. A la base, c'était de la soul music, pas du disco. Mais bon Renaud savait que j'aime bien le disco et chanter de la house. Ceci explique cela.

J'ai lu quelque part que tu aimes beaucoup Charles Bradley...
L.L : Ah oui, il m'inspire beaucoup. J'ai vu un concert filmé à la télévision. Cela m'a beaucoup touchée. C'est incroyable à quel point il se laisse aller, jusqu'à la transe. Il plane grâce à la musique. WOW !

Je l'ai vu plusieurs fois en concert et à chaque fois j'ai cru qu'il allait pleurer...
L.L : Mais il pleure vraiment. Il plane ! C'est la raison pour laquelle j'ai écrit la chanson. Moi aussi j'ai pleuré après l'avoir vu. C'était incroyable, WOW ! Très émouvant. Je me suis installée au piano et en dix minutes j'avais écrit une chanson. A cause de lui, tellement j'ai été impressionnée (rires) !

Tu l'as rencontré ?
L.L : Non, je devrais peut-être. En fait cela n'a aucune importance. Je suis heureuse qu'il m'ait inspirée. Il n'a pas besoin de me connaître.

Une dernière question pour finir, qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
L.L : J'écris la musique d'un film belge qui va sortir en 2015. J'écris toute la partition. C'est un nouvel exercice pour moi mais j'aime bien. Cela sera instrumental mais il y aura aussi quelques chansons. C'est différent de l'album. Sensible et d'une certaine façon vide. C'est dur à expliquer. Sinon je suis de plus en plus inspirée par la scène afrobeat.

Propos recueillis le 04/06/2014.


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