Orfèvre d'un folk délicat, l'Ecossais
Fraser Anderson sort de sa tanière pour enfin confier sa musique à
un label. Car loin d'être un débutant, Fraser, qui en 2002 a
supporté Chuck Berry le temps d'une tournée, en est à son
quatrième album. Et c'est un véritable talent, qui jusqu'ici a mené
sa barque avec la plus grande discrétion, que l'on s'apprête à
découvrir. Car « Little Glass Box » fait partie de ces
œuvres rares, d'une grande limpidité mélodique et d'une évidence
qui saute aux oreilles dès la première écoute. Un album qui ne
demande qu'à vous bercer. Ce disque, Anderson l'a conçu avec l'aide
de quelques musiciens légendaires comme le bassiste Danny Thompson
(John Martyn, Nick Drake) ou le pianiste électrique (spécialiste du
Fender Rhodes) Max Middleton (Jeff Beck, John Martyn). De ces
collaborations prestigieuses Fraser Anderson a tiré un album d'une
beauté intemporelle qui aurait pû sortir en 1972 comme il sort
aujourd'hui. Là ou tant d'autres s'échinent pour atteindre une
sorte de graal « vintage », Fraser Anderson décroche la
lune, l'air de rien, avec une déoncertante impression de facilité.
Cet effort n'est pas sans rappeler quelques grands anciens comme Nick
Drake, Richard Thompson, Martin Stephenson ou Al Stewart. Il y a, en
effet, quelque chose d'intrinsèquement britannique qui se dégage de
ces douze compositions, pourtant curieusement enregistrées dans le
sud de la France (le Languedoc). Un peu comme si, loin de chez lui,
Fraser avait recherché à recréer les vertes prairies et la roche
grise de sa terre natale. L'apport judicieux du Fender Rhodes et,
surtout, de la trompette apporte une note « jazz nocturne »
au folk fait d'arpèges délicats de guitares ou de banjo. Impression
jazz encore renforcée par le swing discret et léger de la section
rythmique batterie/contrebasse. Un magnifique album, futur compagnon
de vos nuits d'insomnies.
samedi 31 janvier 2015
vendredi 30 janvier 2015
Joel Gion : « Apple Bonkers »
C'était il y a (déjà) dix ans. En
2005, la découverte du documentaire Dig ! (réalisé par Ondi
Timoner) nous avait transformé, en précisement 107 minutes, en fans
inconsidérés du Brian Jonestown Massacre (BJM). Parmi la galerie de
personnages tous plus rock n'roll et hauts en couleurs les uns que
les autres décrit par le film, un musicien se distinguait
particulièrment : Joel Gion, joueur de tambourin (si, si) au
sein du BJM. Sens de l'humour, charisme, Joel savait se faire
remarquer à defaut d'impressionner par ses qualités musicales (à
sa décharge le tambourin offre des possibilités plutôt limitées).
Depuis le bonhomme a fait son petit bout de chemin et s'est même mis
à l'écriture. Un premier album avec un groupe éphémère (The Dilettantes) puis un EP sorti uniquement en cassette audio sur le
label Burger Records. « Apple Bonkers » est donc le
premier véritable album en solo du fantasque « tambourine
man ». Sur ce disque inaugural, Joel ne s'éloigne jamais
vraiment du style BJM de la grande époque, celui des années 1990
(cf. « Mirage » à la limite du plagiat). Du rock psyché,
teinté de folk voire de world music (cf. le sitar), d'obédience
60s. Dans ses meilleurs moments (« Hairy Flowers », la
baroque « Change my mind ») l'effet est tellement
saisissant que l'on pense avoir mis la main sur une perle oubliée
des sixties. Fondamentalement attachant à défaut d'être novateur.
Placée en toute fin de programme « Don't let the fuckers bring
you down » (une leçon à méditer soit dit en passant) fait
montre d'une ambition musicale à la hausse et clôt l'affaire sur
une note dynamique.
http://joelgion.com/joelgion/Joel_Gion.htmljeudi 29 janvier 2015
Koto Brawa & The Wakman : « Gueïnto »
Originaire du Burkina Faso, le
chanteur/batteur/percussionniste Koto Brawa est installé en France
depuis 2007. « Gueïnto » (lève toi et marche), son
deuxième album a été conçu en hommage à sa seconde fille,
disparue prématurément. Au fil des douze plages qui le compose,
Koto Brawa nous offre un voyage musical comme seul le métissage peut
nous en procurer. Gageons que l'album plaira autant aux amateurs de
jazz que de soul voire de blues. La magnifique « Comme tu es »
est un somptueux mélange entre cuivres jazzy et percussions
typiques. L'acoustique « Hélé Djo » serait plutôt sur
un terrain blues, « Ayé wah » évoque Stevie Wonder
alors que « Koro Koro » fait le grand écart incluant un
soupçon d'électronique dans les arrangements. Enregistré dans un
contexte personnel que l'on imagine pour le moins difficile, Koto
Brawa laisse ici transparaître la profonde humanité qui l'anime
dans la moindre de ses compositions. Loin d'être mortifère, l'album
est, au contraire, un joyeux hymne à la vie porté par un groove
autant dévastateur qu'exotique. Ce disque nous prouve, une fois de
plus, que l'Afrique est la Mère de bien des musiques que nous
aimons.
mercredi 28 janvier 2015
Taiwan MC : « Diskodub EP»
Prenant le parti d'une démarche
résolument dancefloor, ce nouvel EP de Taiwan MC, fait la part belle
au beat et autres orchestrations synthétiques sur lesquelles se pose
le flow, teinté du dub et de reggae, du leader de Chinese Man. Les
six titres proposent une grande variété d'ambiances entre reggae
(« Blaze it up », "Gwaan gyal") et funk 80s (« Diskodub »),
tirant des ponts imaginaires entre la Jamaïque, Londres et New York.
La belle pochette d'inspiration BD rappelle les productions du label
Big Cheese des années 1990. Bien produit mais un peu en dehors des
préoccupations musicales de ce blog.
lundi 26 janvier 2015
The Marshals : « AYMF » Session
Grâce à un merveilleux anachronisme,
le nouvel album des Marshals nous est arrivé sous la forme d'une
magnifique cassette audio. Un support vintage, particulièrement bien
adapté à ce groupe dont les racines trempent dans les années
1960/1970. Si le superbe objet est bicolore, la face A est noire, la
face B est blanche, le groupe, musicalement parlant, ne connaît
qu'une seule couleur : le bleu. En effet, avec ce nouvel effort,
The Marshals s'impose comme une des meilleures formation blues
actuellement en activité dans l'hexagone. Un blues qui, pour une
fois, n'est pas entravé par une quelconque invasion rock. Ici tout
est roots, jamais la guitare ne surjoue les décibels (« I made
my way »), et la six cordes est bien soutenue par une batterie
ternaire efficace (« Slave ») et un harmonica aux
interventions toujours judicieuses (cf. la reprise du « Crosstown
traffic » de Jimi Hendrix, plus blues que l'originale ; le dialogue avec la voix sur "Tears"). La voix
également, profonde et éraillée à point, contribue à ce
dépaysement musical. Car finalement, The Marshals, c'est ça, une
excursion dans le Delta, sauf que ça se passe en bas de chez toi !
Un seul regret finalement, l'album est trop court (sept titres
seulement).
Debout dans les cordages
Dans la famille des ex-Noir Désir, il y a ceux qui tentent de continuer sur leur gloire passée (cf. Bertrand Cantat et Détroit) et il y a le guitariste Serge Tessot-Gay qui profite de cette liberté nouvelle pour se lancer dans des projets artistiques ambitieux. En compagnie de ses acolytes Cyril Bilbeaud et Marc Nammour, le trio propose une relecture rock et improvisée du "Cahier d'un retour au pays natal" du poète Aimé Césaire.
Une présentation du projet aura lieu le 4 février prochain à la scène du canal - Espace Jemmapes.
dimanche 25 janvier 2015
Interview with Bill Pritchard (English Edition)
(c) Cooper |
Almost a decade after
his last effort, British songwriter Bill Pritchard is back with an
instant classic new album « A trip to the coast ».
Do you have a special
bond with France ?
Bill Pritchard :
Yes, my first introduction was getting a single from Vogue, from my
grand dad who didn't know what it was. But i loved the design of the
vogue thing. I was nine at the time. I couldn't understand it. And
the years went by and i went to the university of Bordeaux. And i did
a free radio thing there. I was introduced to a lot of french sixties
music, Yé yé music and a lot of punk stuff as well. There was quite
an interesting punk movement going on at the time. Situationists that
was interesting to me. I was at the university at the time studying
french and german. French writers, poets, politics I was enchanted,
captivated by it.
You don't come to Paris
too often ?
B.P : No i don't.
This is my first time in six years. I was in France in August. I
played one gig in Normandy. I'm glad i have the opportunity to come
to Paris and that coincide with the german tour.
You used to live in
Paris ?
B.P : Yeah, i know
so many people here, it's a shame i'm staying for just one night.
They come and say, « Hi Bill, where have you been ? »
(laughs).
Regarding the new
album, « A trip to the coast ». Honestly, the album came
as a surprise to me and i thought you retired from music...
B.P : And so did I
(laughs) ! Basically it was done with a friend of mine Tim
Bradshaw. I met him in the early nineties and he moved to America.
He's a professional musician, that's what he does, and he's also my
mate, one of my best mates. He called me and said : « Bill
i'm back ». I assumed he meant back in London. And i told him,
you know Tim i don't like going to London, i don't like going around.
I like being at home. And then he said, No, no Bill, i moved two
streets away from you ! And that was it, we had to do something.
And we just gradually made this album together in my house. And then,
the bass player suggested to me : « Bill, this is very
good, why don't you go find a label for it ? ». So
thought, yeah we'll do it. Very Spontaneous. It wasn't part of a big
plan to make an album every seven years or something. It just
happened like that.
This new album is more
acoustic, as opposed to the last one « By Paris by accident »
who was more into electronic sounds. Anyways this new record came to
me as an instant classic...
B.P. : It's funny
because it wasn't made with the intention of releasing it, initially.
We did it ourselves and we got the record label afterwards. We chose
what we really wanted to do. Tim and I came from the same part of
England and this is a very english album. There is a lot of stuff
from there and different places. But I'm really glad, you made my
day ! Thank you !
You often sing about
specific geographic locations...
B.P : This album
has very much to do with movement. Flight. Transition. A lot of
things changed in my life. The transition, the movement all that ends
up with a trip to the coast. You started in Stoke, where Tim and I
lived, and you finished in Anglesey where my dad lives.
A little word about
your Paris songs, « Paname » and « Pigalle on a
tuesday is charming » ?
B.P : « Pigalle
on a tuesday is charming » is interesting. I was in an
hamburger place in Pigalle. Wendy's burger or something. I don't
remember the name, it wasn't a chain. It was tuesday, i was watching
all these people coming and go. And that was that.
For some reason, i
don't know exactly why but it made me think of Elliott Murphy's work.
Do you know him ?
B.P : I met him
once, we played a gig together at the Rex Club. Very nice fellow,
pleasant to talk to. Quiet.
Tell me about the
cover. It looks like a postcard and i thought, oh Bill is back,
sending us new songs...
B.P : Yeah that's
right, every seven years i send a postcard and some new songs
(laughs) ! Somebody asked me why it took me so long to release a
new album. I'm just saying, to whoever is interested that i ain't
dead yet. I'm still alive and this is what is going on now. It's like
a postcard exactly. This is a seaside resort, Anglesey. When i was a
child, we used to go there. It's a island at the top of Wales. This
is the beach. It's amazing, it's the real place. We wanted the colors
to match the music, this is why we got it like that.
Jolie album cover by Anton Corbijn |
Are you inspired by the
ocean, the beach ? I'm thinking about the « Jolie »
album cover ?
B.P. : Yeah it's
true. But that picture was took in the desert in Los Angeles. We
couldn't be any further from the sea. In the Joshua tree part of
California. But i know what you mean but it looks like the ocean is
just over there. The picture was taken by Anton Corbijn, i think he
wanted to give that seaside impression. And this is his own
handwriting. He really liked the music and wanted to do the whole
cover. He had a vision of what it was going to look like. It's really
nice. He's very talented.
You're not touring that
much lately...
B.P : Only in
Germany. But I know what you mean. I don't usually play more than one
gig a year ! I want to come back. I'd love to. I had to.
Back in 1988 you've
recorded one album with Daniel Darc. How do you remember him ?
B.P. (touched) :
Very funny. Great sense of humour. A great lyricist, probably the
greatest.
Funny, really ?
B.P : Oh yeah.
There is an ambiguity because his songs are so dark. Actually his
lyrics had a lot of humour, but it's not very obvious... His lyrics
are troughtful, telling the real thing. And also i remember him
because we are both left handed. He's the only person that is more
left handed than me ! He was so maladroit. Very talented.
Probably the best lyricist i've ever met.
You're playing his
tribute show tonight. Is it very moving for you to be here ?
B.P. (lower voice) :
It's very touching. I wanted to come to the funeral but i couldn't
because it was in Paris, it was complicated. I wanted to play his
tribute show as soon as i've heard of it. It's my way to say goodbye
to him. I'm only playing three songs but it's going to be nice and
spontaneous. That's what i wanted.
http://www.billpritchardmusic.com/
Interview avec Bill Pritchard
(c) Cooper |
Est-ce que tu as un
lien particulier avec la France ?
Bill Pritchard :
Mon premier contact avec la France, c'est un quarante-cinq tours de
chez Vogue que m'a offert mon Grand-Père. Il ne savait pas du tout
ce que c'était. J'adorais le design, le logo Vogue, tout ça.
J'avais neuf ans. Bien sur à l'époque, je ne comprenais rien. Les
années ont passées et je suis allé à l'université à Bordeaux.
J'ai fait de la radio libre là-bas. J'ai découvert les chanteurs
français des années 1960, le mouvement yéyé. Beaucoup de punk
aussi. Il y avait un mouvement punk très intéressant à l'époque,
les situationistes. A l'université j'étudiais le français et
l'allemand (dans le civil, Bill Pritchard est professeur de français,
ndlr). Les écrivains, les poètes, les politiques français
m'enchantaient. J'étais captivé.
Tu as habité à Paris
aussi ?
B.P. : Oui, je
connais tellement de monde ici. C'est vraiment dommage de ne rester
qu'un seul soir. Beaucoup de gens viennent me trouver et me disent :
« Salut Bill, où t'étais passé ? » (Rires).
Tu ne reviens pas
tellement souvent, non ?
B.P. : Non c'est
vrai. C'est la première fois depuis six ans. Je suis venu en France
en Août, j'ai fait un concert en Normandie. Je suis content d'avoir
cette opportunité de revenir. Cela coïncidait avec ma tournée en
Allemagne.
Ton dernier album « A trip to the coast » est arrivé un peu par surprise. Honnêtement, je pensais que tu t'étais retiré...
B.P : Moi aussi je
le pensais (rires) ! Le disque a été fait avec mon ami Tim
Bradshaw. On s'est rencontré au début des années 1990 avant son
déménagement aux Etats-Unis. C'est un musicien professionnel, c'est
son boulot. C'est aussi mon pote, un des meilleurs. Un jour il
m'appelle : « Bill, je suis de retour ». Moi j'avais
compris qu'il était revenu vivre à Londres. Je lui ai dit :
« Tu sais Tim, je n'aime pas tellement aller à Londres ».
Je suis un peu casanier, j'aime bien rester à la maison. Et là il
me dit : « Non, non, Bill j'ai déménagé à Stoke, à
deux rues de chez toi ! ». Et voilà, il fallait
absolument qu'on fasse quelque chose ensemble ! De fil en
aiguille, on a fait cet album ensemble, chez moi, à la maison.
Ensuite, Remy le bassiste m'a suggéré de trouver un label, il
trouvait le résultat vraiment bon. J'ai pensé oui, pourquoi pas ?
Tout ça c'est fait de manière très spontanée. Il n'y avait pas de
plan pour faire un album tout les sept ans ou quelque chose dans le
genre. Ca c'est fait comme ça, c'est tout...
Ce nouveau disque est
très acoustique, contrairement au précédent, « By Paris, by
accident » qui était plus électronique. Un peu comme un
classique instantané...
B.P : C'est
amusant parce que, au début, on n'avait pas du tout l'intention de
le sortir dans le commerce. On l'a fait avec nos propres moyens et
après on est allé chercher un label. En fait on a vraiment fait ce
qu'on a voulu. Tim et moi, on vient du même coin d'Angleterre et
c'est un album très anglais. Il y a beaucoup de différents endroits
d'Angleterre dans ce disque. Et merci pour le compliment ! Ca me
fait ma journée.
Souvent, dans tes
chansons on retrouve des références géographiques bien précises...
B.P : Cet album a
beaucoup à voir avec le mouvement, l'avion, le vol, la transition. Beaucoup
de choses ont changées dans ma vie ces derniers temps. La
transition, le mouvement, tout ça se termine par ce voyage sur la
côte (A trip to the coast, ndlr). On part de Stoke, où on habite
avec Tim, et on finit à Anglesey, là où habite mon Papa.
Un petit mot sur tes
chansons parisiennes « Paname » et « Pigalle on a
tuesday is charming » ?
B.P. : « Pigalle
on a tuesday is charming », c'est une chanson intéressante.
J'étais assis dans ce restaurant à hamburger à Pigalle. Wendy's
burger ou quelque chose comme ça. Je ne me souviens plus du nom, ça
n'était pas une chaine. Enfin, c'était un mardi, en 1988, je
regardais les gens aller et venir. Et voilà !
Les chansons de ton
dernier album me font penser à Elliott Murphy. Tu le connais ?
B.P : On s'est
rencontré une fois. On a fait un concert ensemble au Rex Club. Un
mec très bien. C'est très agréable de parler avec lui. Un type
calme.
Un petit mot sur la
pochette ? Elle ressemble un peu à une carte postale. Je me
suis dit, tiens Bill est de retour, il nous envoie une carte postale
avec de nouvelles chansons ?
B.P : C'est
exactement ça, tous les sept ans j'envoie une carte postale avec de
nouvelles chansons (rires) ! Quelqu'un m'a demandé pourquoi ça
m'avait pris autant de temps pour faire un nouveau disque. Moi je dis
simplement, pour ceux que cela intéresse, je ne suis pas encore
mort ! Je suis toujours vivant et voilà ce qui se passe
maintenant ! C'est exactement comme une carte postale. Tu vois
là ,sur la pochette, c'est Anglesey, une station balnéaire où
j'allais enfant. C'est une île au nord du Pays de Galles. La plage
est incroyable. On voulait que les couleurs correspondent à la
musique. C'est pour cela qu'on a choisi ces tons...
La pochette de "Jolie" (1991) signée Anton Corbijn |
La plage, l'océan c'est quelque chose qui t'inspire ? Je pense notamment à la pochette de « Jolie »...
B.P : Oui, c'est
vrai. Mais la photo en question a été prise dans le désert à Los
Angeles. On ne pouvait pas être plus éloigné de la mer. C'était
dans le coin du Joshua Tree. Mais je vois ce que tu veux dire, on a
l'impression que la plage est juste à côté. La photo est signée
Anton Corbijn (devenu depuis réalisateur de cinéma cf. Control, The
American, A most wanted man, ndlr), je pense qu'il voulait donner
cette impression de bord de mer. Et c'est son écriture sur la
pochette. Il aimait la musique et voulait s'occuper de la pochette
dans son intégralité. Il avait une vision. C'est très réussi,
c'est un type très talentueux.
Tu ne tournes pas
tellement en ce moment...
B.P : Seulement en
Allemagne. Mais je vois ce que tu veux dire, d'ordinaire je ne fais
qu'un seul concert par an ! Il faut vraiment que je revienne.
J'en ai envie.
En 1988 tu as
enregistré un album avec Daniel Darc « Parce que ». Quel
souvenir tu gardes de lui ?
B.P (ému) :
C'était un type très rigolo avec un grand sens de l'humour. Et un
très grand parolier. Peut-être bien le meilleur.
Un rigolo, vraiment ?
B.P : Oh oui !
Mais il y a une ambiguïté, ses chansons sont tellement sombres. En
fait les chansons de Daniel sont pleines d'humour, mais c'est un
humour loin d'être évident. Ses paroles sont très honnêtes, il
disait toujours la vérité. Et je me souviens de lui parce que nous
sommes tous les deux gauchers. En fait je pense qu'il était le seul
type encore plus gauche que moi ! Il était tellement maladroit.
Tout le temps en train de renverser des trucs. Un type très
talentueux. Probalement le meilleur parolier que j'ai jamais
rencontré.
C'est le concert en son
hommage ce soir. C'est émouvant pour toi d'être ici ?
B.P (il chuchote,
ému) : C'est très touchant. Je voulais venir à ses
funérailles. Finalement je n'ai pas pu, c'était à Paris, c'était
compliqué. J'ai voulu participer à ce concert hommage dès que j'en
ai entendu parler. C'est ma manière de lui dire au revoir. Je ne
vais jouer que trois chansons, mais cela sera bien. Spontané. C'est
ce que je voulais.
Propos recueillis le 24 mai 2014.
Many Thanks to Bill for his kindness.
Propos recueillis le 24 mai 2014.
Many Thanks to Bill for his kindness.
http://www.billpritchardmusic.com/
Tommy & Co (1989)
mardi 20 janvier 2015
Pat O'May : « Behind the pics »
Contrairement à ce que son patronyme
laisse supposer, le guitariste Pat O'May est Français, originaire de
Rouen. On peut même dire que, actif depuis les années 1980, Pat est
un des piliers de la scène Hard Rock hexagonale, un des ces soldats
anonymes du rock n'roll, qui font leur chemin en dehors de toute
considération commerciale, à la marge du grand public. Notre héros
du jour s'est fait une spécialité de la fusion rock/celtique. Une
sorte de Dropkick Murphy (moins punk toutefois), installé en
Bretagne, à lui tout seul. « Behind the pics » est donc
le neuvième album de Pat et c'est avec la promesse d'un bon moment
en sa compagnie que l'on insère le disque dans le lecteur. Le titre
d'ouverture « On the moor », déçoit pourtant,
grandiloquent, limite pompier, l'amalgame avec le New Symphony
Orchestra de Sofia ne se fait qu'imparfaitement. Ailleurs, par
contre, Pat fait des merveilles : « No Religion » et
« We can dance » sont sèches et bien envoyées, avec ce
qu'il faut d'agressivité. L'instrumental « Michael's calling »
fait office d'oasis acoustique, une douceur bienvenue, prouvant que
le musicien est aussi à l'aise avec ou sans les watts. « My
Hate » est une parfaite illustration des deux facettes de son
talent, une douce intro folk avant un déchaînement de décibels.
Notons au passage que ses cordes vocales sont à l'unisson de celles
de sa guitare. Son art de la guitare, Pat la met au service de
compositions solides, évitant ainsi l'écueil de la démonstration
froide, sans quoi l'exercice se rêvelerait vain et décevant. Bien
au contraire, Pat dévoile au fil des titres un songwriting fin et
précis (« The Beast ») et des soli judicieux (« Little
big horn »). Au final, l'album est rudement bien troussé et
fera la joie de tous les nostalgiques du Hard Rock à l'ancienne ou
de tout ceux qui aiment tout simplement la six cordes.
lundi 19 janvier 2015
Interview avec Nour Harkati
Tout quitter, sa
famille, son pays et ses racines, c'est la pari fou de Nour Harkati venu assouvir en France ses rêves de musicien. Humble et touchant,
le jeune artiste, auteur d'un premier album intitulé « Dive »,
revient sur cette expérience avec des mots parfois très émouvants.
Rencontre.
Tu viens d'une famille
musicale, avec tes deux parents musiciens. Il y avait beaucoup de
musique chez tes parents quand tu étais petit ?
Nour Harkati : Ma
Mère était chanteuse. Elle a chanté pendant une dizaine d'années
environ. Après elle a arrêté. Elle a sacrifié sa vie pour nous
aider. Mon Père était violoniste dans l'orchestre national mais il
est décédé quand j'avais six mois. Je ne l'ai pas vraiment connu.
Mais ma Mère m'a vraiment ramené à la musique et ça m'a
intérressé. Elle m'a vraiment donné envie d'apprendre à jouer
d'un instrument. J'ai choisi la guitare.
En Tunisie tu avais
accès à beaucoup de musique occidentale ?
N.H : Grâce à
internet on avait accès à tout. J'ai découvert beaucoup d'artistes
occidentaux comme ça : Radiohead, Pink Floyd, Ben Harper, Jack
Johnson etc... C'est la découverte de Ben Harper qui m'a donné
envie de faire carrière. J'étais loin d'être professionnel avant.
Je voulais juste jouer avec mes amis au lycée.
Qu'est-ce qui t'attire
chez lui ?
N.H : Franchement,
tout ! Les paroles, sa manière d'être, son parcours et les
chansons bien sur. Je n'ai jamais été déçu par un de ses album.
Parfois, quand tu suis un artiste, tu peux être déçu par son
évolution, le deuxième ou troisième disque sont moins bien. Ben
Harper, il m'a vraiment fait plaisir pendant toute sa carrière. Il
m'a fait rêver, ça a déclenché un truc en moi.
Et une chanson en
particulier ?
N.H : « Amen,
omen ». C'est la première que j'ai écouté. Je l'aime
beaucoup, elle représente beaucoup pour moi, des souvenirs avec mes
amis du lycée, ma famille. Mais j'aime tout ses albums.
Pourquoi avoir choisi
l'exil en France ?
N.H : Déjà en
tant que Tunisien, la France c'est un pays qu'on connait bien. Et
puis il y a une proximité avec la langue, aussi, on maîtrise le
français. Ca semblait logique de commencer içi. C'est un bon début.
J'y vais doucement, étape par étape. Je reste en France pendant
quelques années, je fais un album ou deux. Après on verra, Londres,
le Canada ou les Etats-Unis. Mais j'ai préféré commencer par la
France. Je ne me sens pas vraiment étranger, pas trop dépaysé en
tout cas.
Et ton arrivée,
comment ça s'est passé ?
N.H : C'était
génial, vraiment bien ! J'ai été vraiment bien accueilli.
J'étais hébergé à la cité internationale des arts. C'est une
résidence pour artistes, toutes les disciplines sont représentées :
peinture, photographie, théâtre, musique. Je me suis retrouvé dans
une ambiance conviviale, artistique avec des gens très ouverts, de
toutes les nationalités.
Tu t'es fait des amis ?
N.H : Oui bien
sur. J'ai été super bien accueilli.
La Tunisie te manque ?
N.H : Ah oui, bien
sur. Parfois, j'ai trop envie d'y aller. J'y retourne de temps en
temps. C'est l'endroit où j'ai grandi, j'y ai beaucoup de souvenirs.
Bien sur, ça me manque...
Le disque s'appelle
« Dive » (plonger, ndlr), c'est un verbe que tu utilise
également dans les paroles de « Down to the river » et
« Between the sunset and the dark ». Le verbe « Plonger »
a une signification particulière pour toi ?
N.H : C'est le
thème de l'album. J'ai quitté mes études de design graphique dans
une petite école d'arts, très sympa, en Tunisie. En 2010 j'ai
arrêté pour faire ce dont j'avais vraiment envie, de la musique. Je
suis arrivé ici quasiment les mains vides, j'avais une valise et une
guitare. C'était l'aventure, sans assurance, aucun diplôme ni rien
du tout. Et c'était ma première fois en France, je ne connaissait
pas le pays, je n'étais jamais venu même en touriste. Pour moi,
c'était le plongeon. Je ne connaissait personne, je suis venu, j'ai
fait mon truc. J'essaye encore de le faire d'ailleurs et je suis
content du résultat. L'album parle de cette expérience.
Le plongeon, c'est une
philosophie de vie ?
N.H : Oui,
exactement. La prise de risque c'est très important. Il y a des gens
qui n'arrivent pas à dépasser ce stade, la peur, le doute. Ils
n'arrivent pas à faire ce qu'ils veulent réellement dans la vie. Du
coup ils ne plongent pas. Ils restent toute leur vie à réfléchir,
à douter, à hésiter. A se dire : « Ouais peut-être
que ça ne va pas marcher ». Moi, je ne fonctionne pas comme
ça. Quand j'ai envie de faire quelque chose, je réfléchis bien
sur, mais vite fait. Et je passe à l'action.
Tu est plutôt un
chanteur folk, acoustique avec une pointe de soul, notamment sur « It
doesn't matter what i sing »...
N.H : Quand
j'écoute tout l'album mois je dirais plutôt « pop
alternatif » mais il n'y a pas vraiment de style précis dans
l'album. J'ai essayé de faire quelque chose qui touche beaucoup de
monde. Très ouvert, très grand public. De la musique populaire, un
peu américaine, parfois calme, parfois très rythmée voire énervée.
Certaines de tes
paroles sont très intimistes, « From Paris to love »,
« Brother »...
N.H : Quand
j'étais au lycée, à 17 ans, j'ai essayé de composer des chansons,
ça parlait d'amour, des filles... Mais j'avais envie de faire autre
chose. Du coup, aujourd'hui ma musique est devenue le reflet de mes
expériences personnelles. Je parle de ce que je vis tous les jours,
des différents états d'esprit par lesquels je passe. C'est comme ça
que j'écris. Je ne voulais pas me prendre la tête, écrire des
choses compliquées dès le début, c'est un premier album après
tout. Je voulais commencer par un truc simple, organique, naturelle.
Le deuxième sera plus précis, mature... Enfin peut-être.
Tu écris
régulièrement ?
N.H : Je vis des
choses et après il y a une période d'écriture. Je remplis le sac
d'émotions et après je fais le tri. Quand une expérience m'a
beaucoup touché j'ai envie d'écrire dessus. Pratiquement toutes les
chansons du disque ont été écrites à Paris.
En écoutant l'album je
me suis demandé pourquoi il n'y avait pas plus de sonorités
orientales, des percussions par exemple ?
N.H : C'est
quelque chose qui m'interresse beaucoup. Même en ce qui concerne la
langue, j'aimerai chanter en tunisien. Mais je sais que cela va venir
naturellement. Pour l'instant je suis vraiment branché sur tout ce
qui est musique occidentale, américaine. A un moment donné je vais
avoir besoin de retourner aux sources, aux souvenirs. Ma culture, ma
langue, là où j'ai grandi.
Tu as tourné en
Norvège...
N.H : Oui mais
c'était une petite tournée, cinq concerts en 2013 et un autre en
2014. C'était nouveau pour moi. Le pays, la culture, des découvertes
très intérressantes... C'est comme ça que l'album est sorti en
Scandinavie.
Il y a une sortie
prévue en Tunisie ?
N.H : Hélas non
car il n'y a pas vraiment d'industrie du disque en Tunisie. Mais je
vais ramener des cds lors de ma prochaine tournée là-bas. J'ai déjà
fait un festival très connu, « Jazz à Carthage ». Les
gens ont aimé et ont acheté l'album avant même la sortie
officielle.
Comment tu te sens en
ce moment avec la sortie du disque ?
N.H : Excité et
stressé en même temps. J'ai envie que tout se passe bien. J'espère
que tout va se développer de manière intérressante. J'espère voir
des choses arriver, des festivals, des concerts, des premières
parties. Les voyages, la scène c'est ce que m'excite le plus,
c'était mon but premier. Je veux vivre à travers la musique, gagner
un peu d'argent... Ca va beaucoup m'aider à défricher le chemin
pour le deuxième album. Normalement je serais plus mature
humainement, musicalement... En tout cas je suis très content de mon
premier album.
C'est un moment
émouvant ?
N.H : Ah oui c'est
sur. Surtout quand tu est satisfait de ton travail. J'ai vraiment
envie de continuer. Les débuts sont toujours émouvants, comme la
première fois que j'ai fait la Cigale (une des plus belles salles de
concert de Paris, ndlr.), c'était la première fois que j'y allait.
Il y avait 1400 personnes, c'était complet et c'était beaucoup
d'émotions. Ca me fait plaisir, c'est un résultat inattendu pour
moi. Quand je suis venu je ne savais pas ce que j'allais faire en
France. Je voulais faire de la musique, c'est tout.
Propos recueillis le
28/10/2014.
Un grand merci à Nour Harkati pour sa gentillesse et à Marion (Ephélide).
samedi 17 janvier 2015
Interview avec Black Strobe
Quelques heures avant une prestation d'anthologie, Arnaud Rebotini, leader de Black Strobe, répond à
quelques questions entre le dîner et la sieste réparatrice d'avant
concert. Rencontre dans les loges du Fuzz'Yon (spacieuses et beaucoup
plus confortables que celles des salles parisiennes dans lesquelles
on a l'habitude de traîner nos guêtres) à La-Roche-Sur-Yon.
Il y a eu Zend Avesta dans les années
1990, tes albums solo (« Music Components »), la bande
originale d'Eastern Boys (film de Robin Campillo), Black Strobe c'est
ton côté rock ?
Arnaud Rebotini : Visiblement oui.
Jazz aussi (sourires).
Black Strobe a beaucoup évolué depuis
les débuts avec Ivan Smagghe...
A.R : Il a complètement changé
même. L'album précédent (« Burn your own church »,
ndlr) date de 2007, l'évolution vers un son moins typé
électronique/dancefloor s'est effectuée il y a un petit moment. On
a continué dans cette voie là, on a creusé le côté blues qui
était apparu sur « Burn your own church ».
Justement ce nouveau disque (« Godforsaken roads »), on peut difficilement le
qualifier d'album blues à proprement parler. Pourtant cette
influence rôde, plane au dessus de la musique en permanence...
A.R (il approuve) : J'adore cette
musique, la country également. Après pour nous, groupe français
avec un background électronique, faire un disque de blues, comme
peuvent le faire les Américains, ça n'avait pas de sens. L'idée
c'était plutôt de faire une sorte de fusion avec quelque chose qui
nous soit propre. Un peu comme un western spaghetti. Du blues avec
toutes ces thématiques, ultra fantasmées, mais à l'européenne.
Un titre en particulier a retenu mon
attention : « Blues fight ». L'intro est assez
disco, après il y a une attaque presque metallique des guitares et
le titre se termine avec une coda totalement abstraite. Finalement
tout Black Strobe est résumé là, en sept minutes...
A.R : C'était un peu l'idée,
enfin le morceau s'est goupillé comme ça, comme un condensé du
disque. Il y a tout le côté électronique, les grosses guitares. Ca
fait un peu métallique parce que le son est dur, mais en fait
l'inspiration vient plus du hard rock des années 70, Grand Funk
Railroad... Et à la fin les synthés abstraits, un peu seventies.
Qui sont ces gens qui « sont
venus au monde par le trou du cul du diable » ?
A.R. : Tous les exclus dont les
parents ne se comportent pas très bien par rapport à l'éducation,
aux attentes légitimes des enfants.
Tu te sens de l'empathie pour ces
personnes ?
A.R (pudique) : Oui, je pense même
que j'en fait partie. C'est vraiment un texte sur les marginaux.
L'idée vient du public des concerts de hard rock, dans les années
80 ou 90 :une foule de damnés. Ca a bien changé maintenant.
« He keeps on calling me »
m'a rappelé le refrain de « Dead Souls » de Joy
Division : « They keep on calling me »...
A.R. : Ouais, Joy Division c'était
des grands fans de Black Sabbath. Et Black Sabbath était influencé
par le blues. Mais la phrase en question vient du morceau « Someone
keeps on calling me » de Mississippi Fred McDowell (bluesman
des années 1960, décédé en 1972 ndlr).
Quelles sont ces « routes
perdues » (traduction française du titre de l'album
Godforsaken Roads) ?
A.R. : C'est les mauvais chemins
que tu peux avoir empruntés dans la vie... J'aime bien ce titre, les
choses oubliées de Dieu, ce qui par définition est difficile. Ca
résume bien aussi le parcours un peu sinueux de Black Strobe au fil
des années.
Un chemin qui va de l'électro au blues
et vice-versa ?
A.R. : Oui, voilà, on peut dire
ça comme ça...
Concernant l'aspect visuel du projet.
La photo de la pochette a été prise dans une Eglise, justement.
Cette référence religieuse m'a questionné. C'est un clin d’œil au
gospel ?
A.R. : C'est une référence que
je fais souvent. Mon album solo précédent s'appelait « Someone
gave me Religion », celui de Black Strobe c'était « Burn
your own church ». Là on retournait dans l'Eglise après
l'avoir brûlée. Le rapport entre Dieu et le diable, entre ces deux
entités, le bien et le mal, c'est quelque chose qu'on retrouve
souvent dans la country ou le blues. J'aime bien. Je trouve que ces
bases sont philosophiquement proches de notre monde.
Il y a un côté un peu retro dans la
pochette avec les titres sur la première de couverture et le logo de
Black Strobe records qui rappelle l'ancien logo de Columbia...
A.R. : C'était voulu. C'est
d'ailleurs inspiré par des pochettes de Johnny Cash. J'aime bien les
graphismes de cette époque, c'est quelque chose qui me parle. On a
essayé de le faire de manière moderne tout en gardant les
références.
Finalement, c'est un prolongement de la
démarche musicale du groupe...
A.R. : Oui, voilà, c'est un peu
comme la musique.
Est-ce que tu as crée un personnage
pour Black Strobe ? Je me souviens du clip d' « I'm a
man » avec les chaussures blanches et la canne...
A.R. : Non il n'y a pas vraiment
de personnage. C'est plutôt moi en général. Pour cette vidéo on
avait cette idée de créer une sorte de mac un peu seventies. Bon,
c'était pour un clip.
Quel est ton rapport au chant ?
C'était un domaine qui t'était un peu étranger à la base...
A.R. : Oui. J'ai mis du temps
avant de m'y mettre sérieusement. Avant je me contentait de faire
des petits bouts. Mais c'était une envie très ancienne.
Tu as trouvé ta voix de chant assez
facilement ?
A.R. : Disons que j'ai emprunté
des routes maudites, parfois...
En solo tu te produit seul entouré de
tes claviers, il y a des boutons partout, cela ressemble au tableau
de bord d'un boeing. Et avec le groupe tu te transforme en frontman,
en leader. Que dirais-tu si tu devais comparer ces deux expériences,
en terme de plaisir ?
A.R. : Ca n'a rien à voir. En ce
moment je prends beaucoup de plaisir à faire Black Strobe parce que
l'album est neuf. J'aime bien le fait de chanter. Et puis tu vois, là
on fait des concerts, le public est attentif, vient vraiment pour
écouter de la musique. Dans la techno aussi, mais il y a beaucoup de
gens qui viennent pour faire la fête, danser. La musique devient un
prétexte pour boire des coups et s'amuser. Les horaires ne sont pas
les mêmes non plus, non vraiment cela n'a rien à voir. Et avec
Black Strobe il y a un côté plus écrit. En solo j'improvise
beaucoup, c'est très différent.
Ca s'équilibre en fait...
A.R. : Oui, exactement.
Pour Black Strobe il y a aussi une
grosse activité en matière de synchronisation. Comment ça se
passe ?
A.R. : Je ne choisis rien du tout.
C'est les projets qui me choisissent. On est sélectionné pour un
film et en général on accepte. C'est Beggars, la maison de disque
anglaise qui gère ça. En ce moment cela concerne surtout des chansons de
l'album d'avant, « I'm a man » en particulier. C'est
négocié par le label avec les héritiers de Bo Diddley.
Et en ce qui concerne l'utilisation de
ta musique dans les publicités...
A.R. : Cela ne me pose aucun
problème d'être associé à une marque. Je ferai même de la
musique pour Areva (géant français du nucléaire, ndlr), pas de
souci (rires).
Il y a aussi beaucoup de remixes. Ca
ouvre des portes au groupe à l'international ?
A.R. : C'était plus par le passé.
Les remixes sortent maintenant sous mon propre nom. Il y a vraiment
une séparation entre Black Strobe, très rock, et moi producteur
typé électronique. C'est un élément parmi d'autres qui fait que
le nom circule, ce qui peut nous ouvrir des portes effectivement.
Vous tournez un peu à l'étranger ?
A.R. : Un petit peu, oui.
Tu as travaillé avec Alain Bashung,
quel souvenir gardes-tu de lui ?
A.R. (ému) : Il était sur
l'album de Zend Avesta. Il venait juste de sortir « Fantaisie
militaire » (album de 1998, ndlr) quand je l'ai rencontré.
J'en garde un très bon souvenir. C'était un personnage incroyable,
qui ne trichait pas, fidèle à son image. Une rencontre artistique
hyper forte. Quelqu'un comme lui, forcément ça te marque. On n'en a
pas beaucoup en France de cette trempe, de ce niveau.
Propos recueillis le 20 décembre 2014
au Fuzz'Yon (La-Roche-Sur-Yon)
En concert le 25/02 à la Maroquinerie
dans le cadre du festival Les nuits de l'alligator.
Un grand merci à Arnaud Rebotini pour
sa gentillesse et sa disponibilité, Thibaut, Marion qui a organisé
la rencontre, à toute l'équipe du Fuzz'Yon pour l'accueil et aux
amis Vendéens qui m'ont accompagné sur la route.
jeudi 15 janvier 2015
Hayseed Dixie : « Hair down to my grass »
Mesdames et Messieurs, dans le genre de
groupe improbable voici les Hayseed Dixie ! D'après la légende,
bien orchestrée par le groupe lui-même, ils sont originaire d'un
patelin paumé « niché au cœur des Appalaches ».
Spécialisé dans le bluegrass, un style de country, celle des
montagnes, acoustique uniquement joué sur des instruments à cordes
(banjo, mandoline, violon, contrebasse, guitare sèche), les Hayseed
Dixie se sont d'abord fait remarquer par un album de reprises d'AC/DC
(version bluegrass donc) sorti en 2001, disque qui leur a permis
d'assurer la première partie des Australiens sur invitation de Cliff
Williams (bassiste d'AC/DC) en personne ! Un projet de même
nature consacré à Kiss suivra en 2003 avant que leur leader John
Wheeler ne sorte son (excellent) premier effort en solo en 2013
(chronique ici). Tout cela nous mène à 2015 et à ce nouveau disque
(enregistré dans une grange, cela s'entends) où le groupe s'attaque au hair métal des années
1980. Si vous avez toujours rêvé d'écouter "Wind of change" (Scorpion en version allemande !), "The final countdown" (Europe), « Don't stop
believing » (Bon Jovi) ou « Eye of the tiger »
(Survivor) au banjo, votre vœu est finalement exaucé !
L'occasion nous est donc ainsi donnée de redécouvrir ce répertoire
honni sous un nouvel angle. Et de se rendre compte que certaines de
ces chansons n'étaient finalement pas si mauvaises sans l'immonde
production des années 1980 et l'outrage du temps qui en a découlé.
Une curiosité donc mais aussi un authentique grand disque joué avec
maestria ces musiciens étant loin d'être manchots.
En concert le 27 février à la
Maroquinerie dans le cadre du festival les nuits de l'alligator
http://www.hayseed-dixie.com/Home.htmlmercredi 14 janvier 2015
The Ringo Jets
En voilà une surprise qu'elle est
bonne ! En provenance directe d'Istanbul voici The Ringo Jets,
un trio déjanté à la composition originale, deux guitaristes et
une batteuse, sans basse (tiens, tiens, coucou les Cramps). Alors
certes les grincheux pourront dire que le groupe n'invente rien et
écule les mêmes recettes depuis quarante ans ou presque... Mais
qu'importe le flacon tant que l'on a l'ivresse. Et question ivresse,
de décibels bien sur, les Ringo Jets se posent là. Les Ringo Jets,
c'est tout d'abord un art inspiré de l'écriture. En effet leurs
chansons sont autant de petites perles, trois minutes maximum, entre
inspirations blues (« Shake your hips ») et aspirations
rock (« The Place ») ; le tout délivré avec
précision, rage et un grain de folie salvateur. Difficile de
résister à un tel flot, que dis-je un déferlement, de décibels.
The Ringo Jets s'installe donc dans une longue lignée, débutée
dans les années 1960, de groupes garage et intrinsèquement rock
n'roll (n'roll, on insiste c'est important). Pas foncièrement
original, certes, mais tant qu'il sera joué avec une telle fougue et
une passion aussi bruyante le rock n'roll ne mourra jamais. De plus,
le groupe renoue avec une certaine idée de la rébellion puisque
« Spring of war » fut l'hymne de la révolte du parc Gezi
en mai 2013 (mouvement prestataire et antigouvernemental). Pas le
moral ? Fatigué ? Grippé ? Ecoute les Ringo Jets,
t'es remis d'aplomb en trente minutes chrono ! Résultat
garanti !
https://twitter.com/TheRingoJetslundi 12 janvier 2015
Volage : « Heart Healing »
Découvert l'an dernier par le biais de
l'excellent EP « Maddie », Volage, le quatuor originaire
de Le Blanc (commune sise dans l'Indre) nous revient avec un premier
album en bonne et due forme. Contrairement à la nature morte figurée
sur la pochette, Volage a une vision du rock n'roll bien vivante et
haute en couleurs. Comme souvent en matière de garage rock, on pense
beaucoup aux années 1960 à l'écoute du disque mais il s'agirait en
l'espèce d'une vision globale à 360° couvrant un spectre assez
large. Bien évidemment l'album n'est pas avare en guitares, du bon
gros son comme on l'aime. Cette puissance sonore, Volage l'applique à
des compositions bien sagement pop, sunshine, éclatantes comme un
coucher de soleil sur une plage de Californie. Pensez aux Beatles de
« Helter Skelter » (morceau le plus violent du corpus des
quatre de Liverpool) ou bien à une version punk des Beach Boys,
comparaison assez juste puisque le disque est gorgé d'harmonies
vocales et autres arrangements baroques. Bénéficiant d'un travail
approfondi d'écriture et de production, l'album se révèle riche en
chausses-trappes et autres faux-semblants. Chaque chanson possède
son lot de surprises partant dans une direction pour mieux faire
demi-tour une fois arrivé au refrain. Une seule écoute ne suffit
pas pour faire le tour de cet album particulièrement consistant.
Appelons cela une réussite.
dimanche 11 janvier 2015
The Lilix & Didi Rock Band : « Autre chose à faire le soir »
Chronique un peu particulière
aujourd'hui puisque l'album dont on vous entretien est l'oeuvre de
deux musiciennes agées d'une dizaine d'années seulement. Lilix et
Didi forment la section rythmique du groupe assistées par un
(excellent) guitariste bien connu sur cette page, Lionel, membre des
Mooonshiners et accessoirement professeur de musique des deux
écolières. La sortie de ce disque a été rendue possible grâce
PEDAGOSIC, une association menant une action pédagogique dans le
domaine des musiques actuelles, notamment en facilitant l'accès à
la scène.
Alors bien entendu, vu le très jeune
age des protagonistes, il est encore impossible de parler d'une
identité artistique bien affirmée. Cependant, le trio râtisse
assez large, dans des styles assez variés avec une compétence
stupéfiante (compte-tenu de leur age encore une fois). L'album
commence sur une note plutôt rock/punk avec « Pas juste »,
dont les paroles trahissent toute la candeur des 10 ans de deux
musiciennes (« J'ai pas envie de faire mes devoirs / J'ai autre
chose à faire le soir »). Une note de fraîcheur plutôt
bienvenue en ces temps troubles. Un peu plus loin, le duo s'attaque
au blues avec une profondeur surprenante (« Life by the drop »,
« Jouer devant vous ») et même au jazz (« Je ne
sais pas ») avec une grande justesse rythmique. Venu faire un
petit coucou Didier Wampas se retrouve derrière le micro de « J'ai
avalé une mouche » (« J'ai avalé une mouche en roulant
sur mon vélo »). Et on avoue pour notre part un penchant
particulier pour la reprise tribale (soulignons une fois encore le
justesse rythmique du duo) du classique rock n'roll « Bo
Diddley » (Adaptée en français pour l'occasion c'est
important de le signaler). Parmi les bonus enregistrés live on
retrouve une adaptation dans la langue de Molière de « Confortably
numb », titre fameux de Pink Floyd. Un mot pour finir sur la
chouette pochette d'inspiration BD signée Frank Margerin.
En concert le 24/01 (17h00) au Radazic
(Esplanade de la République 91940 Les Ulis)
jeudi 8 janvier 2015
Mountain Men chante Georges Brassens
Sur l'album « Spring time coming » (sorti en 2009) le duo blues acoustique Mountain Men
avait étonné avec une reprise des « Marquises » de
Jacques Brel, dévoilant ainsi une appétance particulière pour la
chanson française assez éloignée de la musique ternaire. Mais
après-tout Mr Mat, pseudonyme du chanteur Mathieu Guillou, ne
venait-il pas de cette scène typiquement française ?
Aujourd'hui, le duo est de retour avec un nouvel album consacré à
une autre figure légendaire de la chanson : Georges Brassens.
Le projet est ambitieux, un double album, 20 reprises de Brassens
dont 19 sont issus de l'enregistrement d'un concert donné sur Radio
Sing Sing en octobre 2013. Le duo applique aux compositions du grand
Georges ses recettes habituelles, transformant ces dernières en
blues brûlants. La formule, appliquée à ce répertoire fait des
merveilles : la voix de gorge, grave, de Mr Mat transforme chaque mot
en émotion palpable, que l'on ressent également dans le jeu prenant
de guitare folk. Et les interventions de l'Australien Barefoot Iano à
l'harmonica sont toujours aussi judicieuses et empreintes d'un
feeling blues profond. Enregistré en public, l'album retranscrit
fidèlement l'ambiance conviviale du concert, refrains repris en cœur
par la foule et applaudissements nourris, témoignant ainsi de
l'universalité de ce répertoire (cf. « Chanson pour
l'Auvergnat »). Un excellent disque qui ravira autant les fans
de blues acoustique que de Georges Brassens.
mardi 6 janvier 2015
1 =0 Qui ? EP
1=0, derrière ce patronyme énigmatique
se cache une formation qui sort son quatrième EP. Alors que le cd
commence, on est happé : un son de guitare brut, une rythmique
affolante. Au dessus du chaos plane une voix déclamant des textes
engagés comme une sorte de poésie du désespoir. Quelque part entre
Noir Désir (encore!) et Diabologum. Le groupe pratique une espèce
de coup de poing musical. Les titres sont courts et se terminent
souvent brutalement. Même si on déplore depuis longtemps
l'influence trop pregnante de Noir Désir sur la scène française,
quelque chose chez 1=0 interpelle. L'engagement des musiciens ne fait
aucun doute, l'intensité va crescendo tout au long de ce court
disque (4 titres) qui se termine « cash »...
lundi 5 janvier 2015
Sticky Fingers : « Land of pleasure »
Venu d'Australie, les Sticky Fingers
n'entretiennent que de très loin un vague cousinage avec les Rolling
Stones dont ils ont emprunté le nom d'un fameux album. Point de
revival rock seventies ici donc. Mais, à la place, un savant mélange
de pop mâtiné de reggae et un soupçon d'électro pour la note
contemporaine. L'album part assez péniblement avec un « land
of pleasure » ampoulé, cela ne s'arrange guère avec « Just
for you » dont le tabassage électro épuise... Par contre, on
craque sur le groupe lorsqu'il se décide de jouer simplement de
jolies mélodies (« Gold Snafu »). A ce titre,
l'acoustique toute bête de « Run Rage » et « Liquourlip
loaded gun » séduit. Le groove chaloupé des titres reggae
(« Feast your eyes » ; « Fake a smile » ;
« Show no shade ») nous fait fondre et l'influence
pregnante des Stone Roses de la grande époque en fin de programme
n'est pas faîte pour nous déplaire (« If you go »
décalque de « Fools Gold » aurait trouvé sa place sur
le premier disque des Mancuniens). En dépit d'un début de disque
assez poussif, les Sticky Fingers proposent au final un album loin
d'être désagréable dont le manque de maturité constitue le
principal défaut.
vendredi 2 janvier 2015
Pond : « Man it feels like space again »
Nouvel album pour la formation
australienne qui a la particularité de partager un certain nombre de
ses membres avec Tame Impala, un des gros cartons de ces dernières
années. Comme de bien entendu il est question ici de rock
psychédélique, genre musical que Pond attaque suivant un angle un
peu différent de celui du groupe frère. Pour ce sixième effort
Pond a donc décidé de nous envoyer dans l'espace à grand coups de
guitares psyché, de voix trafiquées et de claviers à la limite du
kitsch. Un espèce de grand délirium sous la haute influence des
années 1970. Complètement barré (« Heroic Shart »). Ce
nouveau cru s'éloigne un peu des influences garage/hard rock du
disque précédent pour privilégier une nouvelle approche plus pop
et on croit même déceler un soupçon de disco dans les rythmes
toujours mené tambour battant par une section rythmique d'une
remarquable efficacité (« Zond », « Outside is the
right side »). Il y a peut-être un peu moins de « roll »
dans le rock de Pond, mais ce dernier reste toujours aussi fou et
imprévisible. Avec « Sitting up on our Crane » le groupe
abat une nouvelle carte douce et mélodique alors que "Medicine hat" surprend par sa simplicité acoustique. Notre intêret ne s'en
retrouve que décuplé. Un effort consistant pour bien débuter cette
nouvelle année.
https://www.facebook.com/pondlingjeudi 1 janvier 2015
Birth of Joy : « Prisoner »
Deuxième album pour ce trio
psychédélique hollandais. Groupe aux contours difficilement
définissables, il serait simple, bien trop simple, de classer les
Birth of Joy dans la catégorie des simples revivalistes. Alors, oui
certes, il y a un peu de cela dans la démarche du groupe, on y
entends des réminiscences des années 1960 et 1970, un peu de blues,
beaucoup de garage rock. Mais pas seulement. Adeptes d'une démarche
à la limite de l'expérimentation, les Birth of Joy n'hésitent pas
à traîner leurs compositions dans la gadoue, partant dans de
longues improvisations instrumentales/bruitistes, où l'orgue et la
guitare se disputent le haut du pavé. Poussé dans ses ultimes
retranchements, le rock psychédélique n'en ressort que grandi. De
nouvelles influences se font alors jour et on croit même déceler un
peu de métal stoner chez ces Hollandais complètements
frappadingues. Birth of Joy ouvre ainsi une nouvelle voie, fidèles à
ses préceptes des années 1960 concernant l'instrumentation très
organique (guitare, basse, batterie, orgue) mais avec une puissance
d'exécution tout ce qu'il y a de plus moderne. Une réussite.
https://fr-fr.facebook.com/birthofjoy