lundi 16 juin 2014

Interview avec Heymoonshaker




Mélangeant la guitare blues et le beatbox, le duo britannique Heymoonshaker créer une sorte de musique hybride. Les racines blues sont bien présentes mais se teintent de couleurs inédites évoquant pèle mêle le dubstep ou l'électro sans jamais utiliser le moindre sampler ou clavier. Le résultat pourrait être indigeste mais il n'en est rien. Au contraire, Heymoonshaker crée une musique à son image : entière, naturelle et profondément humaine. Rencontre...
 

Vous vivez en France maintenant, comment se fait-il ?
Andy Balcon (voix/guitare) : On vivait en Suède mais ma copine nous à viré. On a déménagé en France.
Dave Crowe (Beatbox) : La France nous a vraiment accueillis à bras ouvert. Dès notre arrivée, on s'est senti bienvenus. Les gens comprennent notre musique, la nourriture est excellent, les femmes sont magnifiques, on peut fumer partout...

Non, pas vraiment...
DC : Si, si on peut. Il suffit d'attendre suffisamment longtemps !

Donc la France ça vous plaît jusqu'ici ?
DC : C'est incroyable. Authentique. On se sent comme à la maison.

Expliquez-moi le nom du groupe.
AB : Cela date de l'époque où je travaillais dans un bureau, il y a sept ans. J'avais imaginé un groupe imaginaire.
DC : Le concept des Heymoonshaker ne se limite pas à un groupe. C'est une idée, un style de vie. On fait la promotion de notre style de vie. Cela n'a rien à voir avec le fait d'être un musicien en voyage.
AB : Il faut prendre le contrôle de ta vie. Etre capable de façonner ta vie comme tu l'entends au lieu de subir. Parfois tu penses que tu veux quelque chose et il faut être capable d'y arriver. Trouver la bonne fréquence dans ta vie.
DC : Heymoonshaker c'est un choix de vie. Et un choix heureux jusqu'à présent.

Andy quand tu a commencé à jouer avec Dave, est-ce que tu as eu l'impression que le Beatbox pouvait ajouter de nouvelles couleurs à la musique ?
AB : Oui définitivement. Au début j'écoutais beaucoup de hip-hop. J'étais aussi très influencé par le rock n'roll. Il y avait comme une sorte de croisement qui n'avait pas encore été fait. Le beatbox semblait idéal pour créer un nouveau son. Ce que devient la musique en ce moment... Hip hop, rock ou même électro, même maintenant j'ai du mal à trouver quelque chose que j'ai envie d'écouter. Il y a un mec incroyable, John Fairhurst, c'est un guitariste brillant. On a fait une tournée avec lui en Grande-Bretagne et il a une vision très claire de la musique qu'il veut créer. Il est très impliqué dans le son de sa guitare. Il arrive. C'est assez difficile à expliquer.
DC : Ces derniers temps, on a beaucoup voyagé, beaucoup tourné et rencontré pas mal de musiciens. Il y a une nouvelle énergie, un nouveau son qui arrive. John Fairhurst en fait partie...
AB : C'est une combinaison entre rock n'roll et électro. C'est très très bon. C'est exactement ce que tu as envie d'écouter.

Vous n'utilisez aucun instrument électronique et pourtant il y a comme des touches de dubstep dans votre son...
AB : C'est Dave, il est électronique ! On essaye d'avoir un son aussi primitif que possible. Juste deux voix et une guitare.

C'est une démarche très naturelle...
DC : Oui. La musique électronique est quelque chose de très naturel.

Vous avez beaucoup joué dans la rue. Cela a-t-il influencé la manière dont vous abordez les concerts ?
AB : Oui définitivement. Dave est un bon exemple de la façon dont on aborde les concerts en salles. Avoir autant joué dans la rue nous a appris a interagir avec la foule qui n'est pas nécessairement là pour la musique. En fait ils n'écoutent pas la musique. Ils vont faire du shopping ou je ne sais quoi d'autre.
DC : Ils font tout sauf t'écouter.
AB : Il faut capturer la foule. Et Dave est l'un des meilleurs pour embarquer le public. C'est le meilleur que je n'ai jamais rencontré.

Vous vous êtes rencontrés à l'autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande. Les voyages c'est quelque chose d'important pour votre musique ?
DC : Absolument. C'est le cœur de ce que nous sommes. Et c'est de là que vient notre musique. Tout ce que l'on veut dans la vie, c'est voyager. Et pour cela il faut travailler et gagner de l'argent. Et dans le fond, on n'a pas envie de travailler. Ou plutôt on veut travailler pour nous. Et tout ce qu'on veut c'est faire de la musique.
AB : Et c'est ce que l'on a décidé de faire.
DC : Ouais, on a décidé de faire de la musique et de voyager. Et heureusement on arrive à gagner suffisamment d'argent pour vivre. C'est ça l'idée. Et dès que l'on a commencé à voyager on a rencontré de plus en plus de gens passionnants, des musiciens, des gens qui nous inspirent pour écrire encore mieux. Et faire de la musique encore plus honnête.
AB : C'est aussi important de connaître des cultures et des styles de vies différents. On a vécu en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Suède. C'est des destinations très anglo-saxonnes. Venir en France, c'est une grande chance et un plaisir de pouvoir apprendre la culture française.
DC : Cela apporte beaucoup à la musique et à nos concerts. Je suis sur qu'une personne aussi élégante que toi peut comprendre. En France, dans les grandes villes tout du moins, tout le monde est élégant. Tout le monde à l'air beau. Les Français font attention à ça. Un tel environnement te fait faire plus attention à ton apparence. Je me sens plus élégant, plus beau. Sur scène je ne suis plus le même. J'ai plus confiance en moi.

Et votre prochaine destination ?
AB : Le Canada probablement.
DC : J'aimerai jouer plus souvent dans le sud. Beaucoup plus.
AB : Ah oui ! Moi aussi !

D'un point de vue français, on a l'impression que chaque musicien anglais qui prend un jour une guitare veut être les Beatles...
AB : C'est vrai.
DC : Je ne sais pas. Je ne connais pas vraiment la scène britannique. Je connais beaucoup de très bons musiciens grâce à notre tourneur mais à part ça... Ca fait sept ans que je suis loin de la Grande-Bretagne. Le mois dernier on a fait notre première tournée au Royaume-Uni. C'était marrant, vraiment incroyable. On a rencontré plein de très bons musiciens. Mais je ne sais pas si tout le monde veut être les Beatles ou non.

Sur le cd il y a marqué : « bienvenue dans la famille heymoonshaker ». Ce sentiment d'appartenance c'est important pour vous ?
DC : Il faut que les gens qui nous écoutent sachent que l'on est exactement comme eux. C'est très important. Tous les gens avec qui on travaille sont de la famille. On veut être sur que tout le monde est cool. Tout le monde fait son boulot et c'est cool. Et après on a aussi l'impression que les gens qui viennent aux concerts sont aussi de la famille.
AB : C'est une relation moitié/moitié avec la musique et avec le public. Le public est impliqué dans la musique.
DC : C'est aussi très important.
AB : L'énergie avec laquelle on joue vient du public. Ce n'est pas juste nous en train de jouer. On laisse la musique aller librement et après elle nous revient.

Comme une énergie qui va et vient ?
DC : Tout ceux qui nous écoutent et viennent aux concerts, on est vraiment avec eux. C'est très important que le public le sache. On est vraiment avec eux. Ce n'est pas des conneries ! On vends toujours nos cds nous-mêmes, on vient discuter avec le public après les concerts. On n'est pas spéciaux parce qu'on est musiciens. On est juste des gars ! On veut traîner avec des gens biens. On veut que les gens biens se sentent bien. En ce sens, le design du cd est aussi très important. Il n'y a aucune information sur la couverture. C'est basé sur la confiance parce que tu ne sais pas ce qu'il y a à l'intérieur. Et quand tu ouvres le cd tu vois le logo du groupe et la liste des chansons. Tu sors le cd et tu vois un message personnel : « bienvenue dans la famille ». Et j'adore ça ! C'est toujours une expérience particulière d'acheter de la musique.
AB : On a fait ça, vraiment ? C'est cool j'aime bien...
DC : Tu te fous de ma gueule ? On a passé un temps fou là-dessus ! Andy a toujours adoré acheter un album. Déballer une cassette, l'odeur... Moi je ne connais pas trop. J'ai découvert la musique très tardivement. Je n'avais pas l'habitude d'acheter de la musique...

Vraiment ?
DC : Oh ouais. Vraiment tard. Jusqu'à 19 ans, je n'écoutais que du gangsta rap. J'étais complètement incapable d'avoir une conversation sur la musique, sauf le hip hop, jusqu'à 19 ans. J'avais l'esprit très étroit dans mes goûts musicaux. C'est assez tard, mec ! J'ai fait mes devoirs depuis. Maintenant je comprends vraiment ce que les fans de musique ressentent. Ce que je ressens à propos des autres groupes, le fait de suivre un groupe. C'est une expérience vraiment spéciale. Notre cd, c'est une grosse création pour nous. Et j'en suis heureux.

Dave, tu peux nous parler de tes tatouages ?
DC : C'est l'histoire de ma transition entre mon ancienne vie et ma vie d'heymoonshaker. J'avais tout ce dont j'avais besoin en Suède. J'habitais un appartement magnifique près de la foret. J'avais un chien. J'étais amoureux. De l'argent...

T'avais un boulot ?
DC : Je faisais du beatbox dans la rue. C'était parfait. J'avais accompli tous mes objectifs. J'avais 24, 25 ans, la vie était douce. Après on a fait notre première tournée en France et j'ai réalisé l'éventail des possibilités. Je pouvais passer ma vie à faire du beatbox dans la rue, me faire de l'argent. Je pouvais avoir une bonne vie. Une famille, tout ce que tu veux... Ou je pouvais essayer de maximiser cette expérience autant que possible. Essayer de réunir autant de gens que possible dans une salle, soir après soir. Et faire et dire exactement la même chose qu'à l'époque de la rue. Après beaucoup de trucs sont devenus très compliqués dans ma vie. Avec ma copine. Ce que je voulais de la vie. Ce qu'elle voulait de la vie... J'ai quitté la Suède, j'ai tout plaqué. Le jour où je suis devenu un heymoonshaker, j'ai fait tatoué le logo du groupe dans mon cou pour montrer à Andy ma dévotion au groupe.

Tu as des tatouages Andy ?
AB : Non, ma peau change tout le temps, comme un serpent. J'ai changé plusieurs fois de vie jusqu'à maintenant.
DC : On est de toute façon très différents tout les deux. J'ai réalisé très jeune que j'avais besoin d'un aide-mémoire pour me souvenir de tout ce que j'ai appris. Je dois m'en rappeler tout le temps. Et mes tatouages sont très importants pour moi. Pour me rappeler ce que je dois faire. Je n'ai pas le temps d'oublier ne serait-ce qu'une journée. Il n'y a pas assez de temps.

C'est profond...
DC : Ça l'est ! (fou rire général).

Quelle est la prochaine étape ? Un album ?
AB : C'est possible. C'est assez bizarre d'enregistrer de la musique. On a enregistré un album en trois jours. On a dix chansons. On avait quelques idées, quelques riffs et à la fin cela a donné dix chansons. Quatre de ces morceaux sont sur l'EP. On ne sait pas encore si on va réutiliser les chansons de l'EP pour l'album. De toutes façons les titres sont tous joués en concert.
DC : Enfin, l'idée générale des chansons est jouée. C'est déjà ça.
AB : On jamme beaucoup autour de ces idées. On essaye de trouver du temps pour aller en studio. Le dernier EP « Shakerism » est une compilation de notre EP enregistré en Suède « Heymoonshaker block » et des chansons issues des sessions pour l'album. On sent bien comment le son se développe. « Colly Drop » a beaucoup plus de structure. Il y a plus de sons et de couleurs différentes dans la musique. Mais ce n'est pas le sujet. Le son se développe encore et toujours, change de direction. Et on est aussi très influencé par nos rencontres.
DC : C'est aussi une bonne idée de voir ce qu'il va se passer cette année avec l'EP. On essaye de se créer une bonne base de fans avec ce que l'on a crée et pour l'instant on n'a pas encore crée grand chose. On est toujours en train d'enregistrer. Pour ce qui est des sorties, je ne sais pas. On essaye de faire beaucoup de vidéos pour intéresser les gens dans des pays différents.
AB : On aime beaucoup aussi le live. Le contenu sur disque est très différent de l'expérience live. Nos concerts sont toujours différents. On veut partager ça sur le prochain disque. On voudrait capturer le feeling d'une jam.
DC : On a capturé 2012 sur « Shakerism ». Il faudra faire le bilan de 2013 pour la suite...

Andy, je viens de réaliser que ta voix est très différente quand tu parles. Ta façon de chanter est très intense...
AB : Oui (rires) ! Quand je joue, quand je chante, je m'exprime réellement sans m'occuper du jugement d'autrui. Sans barrières. Ce sont des émotions que je n'exprime pas vraiment en dehors de la scène.
DC : Je pense qu'Andy commence tout juste à réellement exprimer et partager sa personnalité profonde. C'est pour cela qu'il est aussi intense. Peut-être que dans quelques années tout cela va descendre d'un cran.
AB : Disons que pour l'instant j'ai des choses à dire.

Propos recueillis le 09/04/2013


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